Des comportements répétés, toujours les mêmes, que le patient se sent contraint de faire pour diminuer une angoisse liée à des pensées ou des images intrusives déplaisantes dont il n’arrive pas à se débarrasser. Ce qui est aujourd’hui appelé trouble obsessionnel-compulsif (TOC) est principalement composé de ces deux grandes classes de symptômes : les obsessions et les compulsions. Si les descriptions cliniques que l’on retrouve au XIXe ou XXe siècle sont assez proches de ce que l’on peut observer aujourd’hui en consultation, les critères diagnostiques et même le nom de cette maladie ont varié au fil du temps.

De la folie du doute au TOC

Le TOC était auparavant intégré parmi les grands troubles mentaux caractéristiques de la « folie », mot aujourd’hui abandonné, par les termes de « folie du doute », ou « folie lucide », soulignant alors les capacités de critique des symptômes. Il fut ensuite étudié par Sigmund Freud au début du XXe siècle, qui lui donna le nom de « névrose obsessionnelle », une entité qui regroupait la personnalité obsessionnelle et les symptômes que nous retrouvons aujourd’hui dans le TOC. Il tenta ainsi d’en expliquer l’origine dans un cadre de lecture psychanalytique.
Il faut attendre les années 1980, et la publication de la 3e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-III, 1980),1 pour que cette maladie soit dénommée trouble obsessionnel-compulsif, se détache de la personnalité obsessionnelle et ainsi sorte du cadre théorique psychanalytique. Le TOC devient une pathologie à part entière, appartenant à la catégorie des « troubles anxieux ». Presque 40 ans plus tard, les critères diagnostiques n’ont subi que quelques discrètes modifications ou précisions.

Définition actuelle

Depuis son apparition dans le DSM, le diagnostic de TOC repose sur la présence soit d’obsessions, soit de compulsions (ou les deux) [fig. 1].1-3 La plupart du temps, les patients ont les deux types de symptômes, de sévérité relativement équilibrée. Cependant, la présence d’obsessions ou de compulsions seules suffit à poser le diagnostic.
Les obsessions sont le plus souvent des pensées, elles peuvent aussi être des images ou encore des pulsions (comme l’impression que l’on peut faire du mal à quelqu’un sans s’en rendre compte et sans le vouloir – défini alors comme phobie d’impulsion).3 Elles sont intrusives, anxiogènes et persistantes malgré les efforts du patient pour s’en débarrasser. Les compulsions sont des actes (mentaux ou comportementaux) répétés, excessifs et visant à réduire ou prévenir une anxiété, souvent associée aux obsessions.3 Généralement, ce sont les manifestations les plus visibles du TOC et celles qui sont rapportées en premier par les patients et l’entourage. La description du DSM-5 insiste également sur les évitements, souvent moins visibles et pourtant quotidiennement mis en place par les patients atteints de TOC. Ils sont indispensables à repérer dans le cadre d’une thérapie cognitive et comportementale (TCC) ou pour apprécier la sévérité du TOC.
Puis, pour être considérés comme un TOC, les symptômes doivent être chronophages et/ou engendrer une souffrance marquée dans la vie de l’individu en altérant sa qualité de vie, ses relations familiales, ou son aptitude au travail, par exemple. Il convient de noter que cette dernière version du DSM stipule que les symptômes sont chronophages, et ce sans préciser de durée minimale comme dans le DSM-IV-TR (au moins 1 h par jour). Le DSM-5 accorde alors plus d’importance à l’évaluation subjective du patient qu’à une durée précise des symptômes.
Généralement, le TOC est associé à un bon degré d’« insight », ou conscience du trouble, c’est-à-dire que les patients admettent, le plus souvent spontanément, que ces croyances ne correspondent probablement pas à la réalité. C’est aussi certainement ce bon degré d’insight qui donne l’impression « d’être fou », que décrivent beaucoup de patients. Cependant, les degrés d’insight peuvent être variables d’un patient à l’autre. Ainsi, le DSM-5 précise le diagnostic de TOC avec son degré d’insight, allant de bon à absent. Dans le cas d’une absence d’insight, le diagnostic différentiel avec des croyances délirantes nécessite une analyse clinique plus poussée et l’avis de spécialistes (psychiatre).
Le TOC peut aussi être associé à la présence de tics. Ainsi, le DSM-5 demande de spécifier si des tics sont comorbides au TOC. Le diagnostic différentiel, notamment avec des compulsions seules (sans obsessions), peut parfois être délicat et nécessiter alors l’avis d’un spécialiste (neurologue ou psychiatre).
Ainsi, cette nouvelle version du DSM-5 demande de confirmer si les symptômes observés sont bien ceux d’un TOC, et de préciser le degré d’insight et la présence de tics associés.

Une nouvelle famille de TOC

Jusqu’à la 4e version révisée du DSM (DSM-IV-TR),2 le TOC était placé dans la catégorie « troubles anxieux », avec le trouble panique, l’agoraphobie, les phobies spécifiques et sociale, le trouble anxieux généralisé et le syndrome de stress post-traumatique. En plus d’être marqués par une anxiété certaine, ces troubles sont caractérisés par une anxiété anticipatoire et des évitements.
Si l’anxiété est toujours un symptôme clairement rapporté par les patients atteints de TOC, le DSM-5 a créé une nouvelle catégorie rassemblant les TOC avec des troubles qui lui sont « apparentés » (fig. 2).3
La plus grande modification est sans doute l’isolement de la thésaurisation pathologique (ou syllogomanie), caractérisée par un comportement d’accumulation (ou amassage) excessif. En effet, elle était jusqu’alors considérée comme une thématique du TOC, au même titre que le lavage, les vérifications ou les thématiques sexuelles ou religieuses. Cette entité a été isolée notamment à cause de ses particularités cliniques, avec une plus mauvaise réponse au traitement médicamenteux et en TCC comparée aux autres thématiques de TOC.
Dans cette nouvelle famille, on trouve également l’obsession d’une dysmorphie corporelle (aussi connue sous le nom de dysmorphophobie), la personne souffrant aussi de pensées anxiogènes difficiles à contrôler et chronophages, centrées sur l’apparence physique, avec parfois des besoins de vérifications répétées (toucher, se regarder dans le miroir).
La trichotillomanie (arrachage des cheveux ou poils) et la dermatillomanie (triturage pathologique de la peau) font aussi partie de la famille des « TOC et troubles apparentés ». Elles se rapprochent du TOC par leur aspect compulsif, avec des gestes répétés, ritualisés, qui procurent un soulagement d’une certaine tension une fois exécutés.
Le DSM-5 propose ainsi de rassembler le TOC dans la famille des « TOC et troubles apparentés », isolant par la même occasion les accumulateurs dans un trouble à part nommé thésaurisation pathologique. Comme dans les anciennes versions du DSM, les critères diagnostiques restent stables, insistant peut-être sur la notion subjective du caractère chronophage du trouble.
Références
1. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders - Third edition. Washington DC: American Psychiatric Association, 1980.
2. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders Fourth edition - Text revision. Washington DC: American Psychiatric Association, 2000.
3. American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders - Fifth edition. Washington DC: American Psychiatric Association, 2013.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés

Résumé

Les critères diagnostiques du trouble obsessionnel compulsif (TOC) sont apparus dans la 3e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) dans les années 1980. Le TOC était classé dans la catégorie des troubles anxieux. Aujourd’hui, le DSM-5 propose d’isoler le TOC au sein d’une nouvelle famille, celle des TOC et troubles apparentés. Le comportement d’accumulation (amassage), autrefois considéré comme un symptôme du TOC, devient un trouble à part entière, nommé « thésaurisation pathologique ». Cette famille comprend également l’obsession de la dysmorphie corporelle, la trichotillomanie et la dermatillomanie. Les grandes lignes des critères diagnostiques du TOC sont conservées. Le DSM-5 ajoute la distinction de différents degrés de prise de conscience (ou insight) du trouble, ainsi que la présence de tics comorbides au TOC.