Objectifs
Devant un exanthème ou une érythrodermie de l’adulte, argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
Savoir rechercher les éléments cliniques et éventuellement paracliniques en faveur d’une toxidermie médicamenteuse.

Exanthème

Définition

L’exanthème est un érythème cutané d’apparition brutale et souvent transitoire. Une atteinte des muqueuses – énanthème – peut s’y associer. Il peut être diffus ou de topographie plus spécifique, et être isolé ou associé à une symptomatologie variée (fièvre, prurit, asthénie…). Il peut être bénin ou potentiellement grave. Les deux étiologies principalement retrouvées sont les causes médicamenteuses chez les adultes et les causes infectieuses (virales chez les enfants et infections sexuellement transmissibles – virus de l’immunodéficience humaine [VIH] et syphilis – chez les adultes).

Démarche diagnostique


Anamnèse

L’interrogatoire du patient est essentiel dans la démarche diagnostique et permet d’orienter les examens complémentaires et hypothèses diagnostiques. Chez l’adulte, on recherchera les prises médicamenteuses, les signes associés (fièvre, asthénie, signes respiratoires…), les rapports sexuels à risque et les contages infectieux. Les antécédents d’allergie, le statut vaccinal et le statut sérologique chez les femmes enceintes sont également indispensables à rechercher. Enfin, la date d’apparition des premiers symptômes et la localisation du début de l’éruption sont à renseigner.

Analyse sémiologique

On distingue trois types de présentation clinique qui orientent le diagnostic chez l’adulte : exanthème roséoliforme, morbilliforme et scarlatiniforme (fig. 1A-C). Leurs caractéristiques cliniques sont résumées dans le tableau 1.
Devant un exanthème, il convient d’estimer la surface corporelle atteinte, sa localisation, et de rechercher les signes généraux (fièvre, altération de l’état général). La présence de signes extracutanés oriente le diagnostic : origine virale (fièvre, syndrome grippal, énanthème, polyadénopathie) et origine médicamenteuse (prurit, caractère polymorphe de l’éruption). Les signes de gravité indispensables à rechercher sont : l’œdème du visage, les adénopathies, la présence d’un signe de Nikolsky (décollement cutané provoqué par le frottement en peau saine) et les érosions muqueuses, qui orientent vers une toxidermie grave.

Bilan paraclinique

Chez l’adulte, une sérologie syphilis et VIH sera obligatoirement réalisée devant tout type d’exanthème. Devant un exanthème scarlatiniforme, on complétera le bilan avec un prélèvement de gorge.
En l’absence de cause évidente, on réalisera également un hémogramme, un ionogramme, un bilan hépatique, une sérologie du virus d’Epstein-Barr . Devant un signe clinique de gravité, on recherchera également les signes biologiques de gravité : hyperéosinophilie (> 1 500 /mm3), insuffisance rénale et/ou hépatique.
Chez la femme enceinte, on complète le bilan en prenant en compte son statut sérologique de début de grossesse : sérologies de toxoplasmose, rubéole, cytomégalovirus, parvovirus B19.

Diagnostic étiologique

Les principales causes retrouvées chez l’adulte sont médicamenteuses et infectieuses (VIH et sy­philis). Les toxidermies sont également des causes d’exanthème fréquentes chez l’adulte et sont le plus souvent bénignes. Une éviction médicamenteuse puis des tests allergologiques seront réalisés ainsi qu’une déclaration à la pharmacovigilance.
Les causes sont résumées dans le tableau 2. Les photographies cliniques sont présentées figures 2 à 4.

Érythrodermie

Définition

L’érythrodermie est un syndrome clinique rare défini par une éruption cutanée recouvrant plus de 90 % de la surface corporelle d’évolution chronique (> 6 semaines). Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique qui se complique d’une mortalité élevée (environ 20 %) et dont la prise en charge immédiate et spécialisée est nécessaire.

Démarche diagnostique


Anamnèse

L’interrogatoire recherche la durée d’évolution de l’éruption, les antécédents dermatologiques et non dermatologiques, les prises médicamenteuses récentes, l’application de topique, les éventuels contages infectieux, les rapports sexuels non protégés et le prurit familial. La recherche de signes généraux associés est également indispensable : fièvre, sueurs nocturnes, anorexie.

Clinique (fig. 5 à 9)

Les signes cliniques classiques des érythrodermies comprennent un érythème généralisé, inflammatoire, plus violacé aux zones déclives, d’intensité variable d’un jour à l’autre, et d’apparition plus ou moins rapide. On retrouve également une desquamation postinflammatoire (fine ou en larges lambeaux), un prurit, des épisodes d’hyperthermie et d’hypothermie par altération de la fonction barrière cutanée, un épaississement cutané diffus par infiltration cellulaire (pachydermie mieux visible aux plis), une polyadénopathie (dermopathique ou par infiltration cellulaire), un œdème souvent marqué du visage (avec ectropion), des troubles hémodynamiques avec déperditions hydroélectrolytiques et/ou protéiques, une altération de l’état général.
D’autres symptômes peuvent s’y associer en fonction du diagnostic étiologique :
  • squames farineuses (gale) ;
  • squames épaisses (psoriasis) ;
  • signe de Dennie-Morgan : épaississement des plis sous-palpébraux avec aspect de doublement et hyper­linéarité palmaire (dermatite atopique) [fig. 10] ;
  • alopécie (lymphome T cutané) ;
  • énanthème avec chéilite, conjonctivite et/ou stomatite (toxidermique ou virale) ;
  • atteinte des ongles : psoriasis (onycholyse distale, hyper­kératose unguéale, tache saumonée), lignes de Beau, voire chutes des ongles.

Diagnostic étiologique

On distingue cinq grandes causes générales d’érythrodermie : dermatose inflammatoire, toxidermie, infection, hémopathie et syndrome paranéoplasique (tableau 3).
Après un interrogatoire précis et un examen clinique, on affinera le diagnostic étiologique avec les examens complémentaires biologiques orientés (numération formule sanguine, ionogramme, urée, créatinine, sérologie VIH, recherche de cellules de Sézary, phénotypage Sézary et clone T). Des prélèvements bactériologiques et parasitologiques peuvent être nécessaires.
La biopsie cutanée peut mettre en évidence des signes histologiques spécifiques de la maladie responsable de l’érythrodermie. Elle doit cependant être répétée en cas de suspicion de lymphome cutané.

Complications

La gravité de l’érythrodermie est corrélée au terrain sur lequel elle survient et aux complications qu’elle entraîne. Les troubles hydroélectrolytiques provoqués par la vaso­dilatation cutanée, la desquamation, le suintement, l’œdème et la fièvre peuvent décompenser une défaillance cardiaque, respiratoire ou rénale. Les complications du décubitus sont à prévenir et à surveiller (dénutrition, cachexie, escarres, thrombose). Les surinfections cutanées sont fréquentes et peuvent se compliquer de bactériémie sur porte d’entrée cutanée, de surinfection virale (syndrome de Kaposi-Juliusberg chez l’atopique).

Prise en charge

Hospitalisation en urgence dans un service spécialisé avec bilan biologique pour évaluer la gravité de la dermatose et débuter le bilan diagnostique, prise en charge d’éventuels troubles hydroélectrolytiques et décompensation de comorbidités (décompensation cardiaque, diabétique).
On débutera un traitement symptomatique avec réchauffement du malade, qui permet de limiter ses pertes, et un traitement étiologique selon la cause : dermocorticoïdes forts ou très forts si les prélèvements infectieux sont négatifs, arrêt des médicaments imputables, antirétroviraux.
Points forts
Exanthème et érythrodermie de l’adulte et de l’enfant (voir item 164)

POINTS FORTS À RETENIR

Devant un exanthème maculopapuleux chez l’adulte, les deux diagnostics à éliminer en urgence sont une primo-infection VIH et une syphilis secondaire.

Les toxidermies sont des causes fréquentes d’exanthème maculopapuleux chez l’adulte et sont le plus souvent bénignes.

Chez la femme enceinte non immunisée, la rubéole expose le fœtus à des malformations graves.

L’association catarrhe oculo-nasal, conjonctivite et exanthème fébrile devra faire évoquer une rougeole.

L’érythrodermie est un érythème généralisé associé à une desquamation et d’évolution prolongée.

L’érythrodermie est un syndrome rare potentiellement grave nécessitant une prise en charge en urgence.

L’aspect clinique de l’érythrodermie ne préjuge pas de sa cause.

Les principales causes de l’érythrodermie sont : psoriasis, dermatite atopique, lymphome T cutané épidermotrope et toxidermie type syndrome DRESS.

Les examens complémentaires pour le bilan étiologique et des complications seront réalisés simultanément.

Pour en savoir plus
Haute Autorité de santé. Nécrolyse épidermique. Syndromes de Stevens-Johnson et de Lyell, 2018.
Référentiel du Collège des enseignants en dermatologie de France, novembre 2017.
Recommandations de la Société française de dermatologie.

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