L’infertilité concerne 1 couple sur 6, et 15 % de ceux en âge de procréer auront recours à des traitements inducteurs de l’ovulation ou à des techniques de procréation médicalement assistée.1
La démographie déclinante des gyné- cologues et l’accès limité aux structures spécialisées selon les régions font du médecin généraliste un acteur clé dans la prise en charge de l’infertilité. Ce dernier doit pouvoir interroger, examiner et prescrire au couple les examens complémentaires de première intention permettant ainsi d’accélérer le long parcours d’aide médicale à la procréation, notamment chez la femme de plus de 35 ans. Il doit aussi pouvoir rassurer les femmes jeunes souvent inquiètes à propos de leur aptitude à concevoir des enfants.

De quoi parle-t-on ?

L’infertilité est définie par l’OMS comme l’incapacité d’un couple à procréer ou à mener à terme une grossesse au bout d’un an ou plus de rapports sexuels réguliers non protégés.
Le terme de stérilité est réservé aux situations d’infertilité définitive (ménopause, castration bilatérale).
Un bilan initial est justifié à compter d’un an de rapports sexuels réguliers non protégés non fécondants. Ce délai est à adapter en fonction du contexte et de la situation du couple, notamment de l’âge de la patiente (> 35 ans) ou de l’existence de signes cliniques devant faire évoquer une étiologie spécifique (troubles du cycle menstruel, antécédent testiculaire, anéjaculation…).
La fertilité dépend des 2 partenaires. Il est donc important de les recevoir initialement ensemble, puis, si besoin, séparément, pour un interrogatoire, un examen clinique et un bilan initial conjoint.

L’interrogatoire

Il recueille systématiquement:
– l’âge ;
–la prise de médicaments, en particulier ceux pouvant impacter la fertilité ou potentiellement tératogènes ;
–les antécédents médicaux et chirurgicaux en lien avec la procréation : pathologie génétique, cancéreuse, auto-­ immune (dont le diabète), existence de virus à risque de transmission par voie sexuelle, pathologie vasculaire, chirurgie pelvienne ou digestive. Ces questions permettent d’évaluer dans le même temps les événements influençant le déroulement de la future grossesse ou la santé de l’enfant à venir ;
– chez la femme, on s’enquiert en particulier des antécédents gynéco-­obstétricaux : gestité/parité, voie d’accouchement, poids de naissance, dernier frottis cervico-vaginal (FCV), pathologie cervicale, salpingite, infection sexuellement transmissible (IST), durée des cycles, signes cliniques en faveur d’une endométriose ;
– chez l’homme, l’accent est mis sur la sphère génito-urinaire : antécédent de prostatite, d’IST, torsion ou traumatisme testiculaire, cryptorchidie uni- ou bilatérale ;
– les antécédents familiaux sont à rechercher, surtout pour la femme : on s’enquiert de toute hérédité oncologique, notamment de cancers hormonodépendants tels que ceux du sein, de l’ovaire, de l’utérus ou du côlon. Les antécédents familiaux vasculaires ou thrombogènes doivent également être recherchés. En fonction du contexte, il est parfois nécessaire d’adresser la patiente à un spécialiste afin de prescrire des examens complémentaires (bilan de thrombophilie biologique). Ces pathologies peuvent perturber le déroulement de la future grossesse et nécessiter un traitement prophylactique en amont de la prise en charge ;
– la sexualité, avec la fréquence des rapports (2 ou 3 par semaine dans la fenêtre de fécondabilité sont recommandés) ; la recherche d’une dyséjaculation ou d’une dysérection ;
– la durée de l’infertilité et son caractère primaire ou secondaire sont à préciser. Il faut penser à demander si un ou des enfants sont nés d’une précédente union. Le délai de conception et le caractère spontané ou médicalisé des grossesses précédentes sont à préciser le cas échéant.
Des traitements d’assistance médicale à la procréation antérieurs doivent faire proposer une consultation en milieu spécialisé.
Ce moment est également privilégié pour apprécier la motivation et l’état psychologique du couple. L’infertilité est en effet souvent à l’origine de stress et de tension qu’il est nécessaire d’identifier afin de répondre au mieux aux besoins des patients.
Un suivi psychologique doit être proposé en cas de signe d’appel.

Clinique

L’examen clinique recherche une endocrinopathie : dysthyroïdie, hyperandrogénie, hypogonadisme et/ou galactorrhée en faveur d’une hyperprolactinémie. Rappelons qu’il est aussi important chez l’homme que chez la femme et doit être complet.
Un examen gynécologique avec spéculum, un toucher vaginal et une palpation mammaire permettent de dépister une douleur pelvienne pouvant orienter vers une endométriose, une masse latéro-­utérine ou mammaire nécessitant des examens complémentaires ad hoc.
Un frottis cervico-vaginal est nécessaire si le dernier date de plus de 2 ans (dans le contexte d’une future grossesse).

Les examens complémentaires

Chez la femme

Une analyse de la fonction ovarienne comprenant un bilan hormonal ainsi qu’une échographie est demandée en première intention, entre J2 et J4 du cycle menstruel.
Le bilan hormonal est composé d’une FSH, LH et du taux d’estradiol.
Dans le cas d’une spanioménorrhée ou d’une aménorrhée, la prescription de progestérone pour 10 jours est préconisée. Cela permet le plus souvent d’obtenir une hémorragie de privation et de réaliser les examens prescrits dans la période appropriée du cycle menstruel.
Il peut être complété en deuxième intention ou sur point d’appel clinique par une TSH et une prolactine.
Un bilan hormonal androgénique est également prescrit en cas de signe clinique d’hyperandrogénie : 17-OH progestérone, testostérone totale, SHBG (Sex Hormon-Binding Globuline) et delta- 4-androstènedione.
Le dosage de l’AMH (hormone antimüllérienne) n’est pas recommandé en première intention, mais il est très souvent effectué lors de la prise en charge en AMP car il permet d’ajuster au mieux les doses de gonadotrophines prescrites.
L’échographie pelvienne a pour but de dépister des anomalies anatomiques ou morphologiques utérines (fibromes ou polypes, hydrosalpinx ou autre pathologie annexielle) et d’observer l’aspect ovarien, avec notamment un comptage des follicules antraux.
L’hystérosalpingographie s’assure de la perméabilité tubaire (à effectuer en première partie du cycle menstruel, en l’absence d’allergie à l’iode et en dehors de tout contexte infectieux). Elle est souvent encadrée d’une antibiothérapie.
Lors de la consultation, il est également recommandé de prescrire un bilan préconceptionnel comprenant sérologies rubéole et toxoplasmose et carte de groupe sanguin.

Chez l’homme

Un bilan spermiologique de première intention comprend :
– un spermogramme : numération des spermatozoïdes, analyse de leur mobilité, vitalité, taille et forme, mesure du volume de sperme et dosage de certaines substances normalement présentes ;
– un spermocytogramme : analyse morphologique au microscope du flagelle, de la tête et de la pièce intermédiaire des spermatozoïdes après fixation sur lame. Ce dernier sera à contrôler à 3 mois et complété par un test de migration-survie.
Si des anomalies sévères sont retrouvées, ou sur point d’appel clinique, ces examens seront accompagnés d’analyses génétiques, d’un bilan hormonal ainsi que d’une échographie testiculaire ± endorectale. Une consultation avec un médecin spécialiste est alors indiquée.

Du couple

Le test post-coïtal n’est plus recommandé. En effet, les données de la littérature le concernant sont contradictoires. De plus, la grande variabilité interopérateur et ses conditions de réalisation ne sont pas en faveur de la mise en œuvre de cet examen.
La pratique de l’AMP est contrôlée sur le plan juridique. Il est nécessaire de prescrire aux 2 membres du couple avant le début de la prise en charge des sérologies : VIH, TPHA-VDRL, hépatite B et C. En cas de positivité, une prise en charge dans un centre spécialisé possédant une accréditation pour le risque viral est nécessaire. Une spermoculture n’est plus obligatoire depuis 2017. Cette dernière est cependant souvent prescrite.2

L’éducation du couple

Il doit être informé d’un certain nombre des déterminants.
L’âge maternel est un facteur primordial dans la fertilité. Il s’agit d’un problème de santé publique puisque la première grossesse est de plus en plus tardive dans notre société.
Ainsi les chances d’obtention d’une grossesse spontanée par cycle sont d’environ 25 % à 25 ans, 12 % à 35 ans et 6 % à 40 ans.3 Le risque de fausse couche spontanée (FCS) est également proportionnel à l’âge de la patiente.
De plus, la prise en charge en assistance médicale à la procréation n’est possible en France que jusqu’au jour du 43e anniversaire de la patiente.
L’obésité comme le sous-poids sont responsables d’une dysovulation pouvant entraîner une infertilité. La première provoque une hausse considérable du taux de FCS, de même que de nombreuses complications obstétricales. Le sous-poids peut également induire des carences responsables de malformation fœtale ou de retard de croissance.4
Un tabagisme actif comme passif perturbe la fertilité de la femme et de l’homme via différents paramètres. Il accélère tout d’abord le vieillissement ovarien et peut dérégler la folliculo-­genèse. Il est également à l’origine d’une hypomobilité tubaire augmentant ainsi le risque de grossesse extra-utérine.
Chez l’homme, il altère les paramètres spermatiques.5
De même, une consommation importante d’alcool peut entraîner une désorganisation des cycles menstruels responsable d’une dysovulation. Elle peut aussi altérer la spermatogenèse via des modifications du profil hormonal de l’homme.6
La prise de cannabis et autres drogues a de la même façon un impact négatif sur la fécondation. Enfin, ces toxiques augmentent le risque de FCS.
Les étapes du cycle menstruel ne sont pas toujours bien comprises des patients. Le médecin généraliste a aussi un rôle d’information sur les mécanismes conduisant à une grossesse et notamment la connaissance de l’anatomie féminine et masculine, la période de fécondabilité et la fréquence des rapports sexuels…
Encadre

1. Place du médecin généraliste dans l’exploration de l’infertilité

Il est l’un des premiers interlocuteurs des couples, et doit pouvoir les renseigner et les informer au mieux sur les différentes prises en charge possibles.

Son rôle est déterminant dans la prévention et l’éducation des patients. Il est à même de proposer des conseils pour favoriser la fertilité, une prise en charge diététique ou addictologique.

En fonction des résultats du bilan de première intention, il oriente vers les spécialistes concernés et assure la coordination.

Même si la prise en charge thérapeutique relève essentiellement d’un milieu spécialisé, il peut dans certaines situations assurer le suivi des traitements.

Enfin, il a un rôle primordial dans l’accompagnement et le soutien psychologique des futurs parents.

Encadre

2. Assistance médicale à la procréation : bilan minimal d’infertilité

Femme

• Bilan biologique : FSH, LH, estradiol, prolactine, TSH, AMH ± testostérone, SHBG, 17-OHP, delta-4-androstènedione.

• Bilan morphologique :

– échographie pelvienne avec compte des follicules antraux ;

– hystérosalpingographie.


Homme

Spermogramme, spermocytogramme, test de migration-survie.

Références
1. Ohannessian A, Gamerre M, Agostini A. Épidémio­logie de la fertilité. EMC (Elsevier SAS, Paris), Gynécologie, 2014. Article [738-C-10].
2. JORF. Ministère des Solidarités et de la Santé. Arrêté du 30 juin 2017 modifiant l’arrêté du 11 avril 2008 modifié relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation.
https://bit.ly/2SMFPrg
3. Khoshnood B, Bouvier-Colle MH, Leridon H, Blondel B. Impact de l’âge maternel élevé sur la fertilité, la santé de la mère et la santé de l’enfant. J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris) 2008;37:733-47.
4. Mitchell A, Fantasia HC. Understanding the Effect of Obesity on Fertility Among Reproductive-Age Women. Nurs Womens Health 2016;20:368-76.
5. Sépaniak S, Forges T, Monnier-Barbarino P. Tabac et fertilité chez la femme et l’homme. Gynecol Obstet Fertil 2006;34:945-9.
6. Muthusami K, Chinnaswamy P. Effect of chronic alcoholism on male fertility hormones and semen quality. Fertil Steril 2005;84:919-24.

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essentiel

L’infertilité doit faire l’objet d’un interrogatoire et d’un examen clinique minutieux des 2 partenaires.

Un bilan est justifié à partir d’un an de rapports sexuels non fécondants.

Il comprend en première intention une échographie pelvienne (femme), l’évaluation de la fonction ovarienne et spermiologique.

L’éducation du couple aux déterminants de la fertilité est primordiale.