Le déclin de la fertilité masculine est une réalité préoccupante, comme en témoigne l’annonce d’un « grand plan » de lutte contre l’infertilité en France. Aujourd’hui, les facteurs en cause sont de mieux en mieux connus, impliquant des changements dans la prise en charge initiale et dans la prévention, notamment en médecine générale. Point sur ces évolutions ainsi que sur les nouveautés en matière de contraception masculine.

L’attention des médias se tourne de plus en plus vers le déclin de la fertilité masculine. Que sait-on aujourd’hui des raisons de ce déclin ?

En France, l’infertilité touche plus de 3 millions de personnes, d’après un rapport gouvernemental publié en 2022. Au niveau mondial, une personne sur six serait concernée, et les prévalences sont similaires quel que soit le niveau de revenu des pays, ce qui montre l’universalité du problème (OMS, 2023).

Il y a certes des facteurs sociétaux, notamment dans les pays occidentaux : la décision d’avoir un enfant est prise à des âges de plus en plus tardifs, où la fertilité commence naturellement à décliner.

Mais il a aussi été montré que, au cours des cinquante dernières années, la qualité du sperme a baissé, partout dans le monde : la concentration moyenne des spermatozoïdes a été divisée par 2 depuis les années 1970, passant de 101 à 49 millions/mL. Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de preuves formelles permettant d’expliquer ce déclin, mais on soupçonne le rôle prépondérant de certains facteurs environnementaux (expositions à la pollution, à des substances toxiques, à des perturbateurs endocriniens tels que des pesticides mais aussi à certains médicaments…). Le rôle du mode de vie a été prouvé par de nombreuses études : tabagisme, consommation d’alcool, sédentarité, obésité, stress, etc., d’où l’importance de la prévention en ce sens.

Au sein des couples ayant des difficultés à procréer, un trouble de la fertilité de l’homme (seul ou associé à un trouble chez la femme) est en cause dans la moitié des cas.

Quelles sont les nouveautés dans les traitements de l’infertilité de l’homme ?

La principale nouveauté est le changement de paradigme dans la prise en charge. Auparavant, dès qu’on retrouvait ne serait-ce que quelques spermatozoïdes dans le spermogramme, on se dirigeait très rapidement vers les procédures d’assistance médicale à la procréation (AMP). Aujourd’hui, on préconise en première intention d’optimiser la qualité du sperme en s’attaquant d’abord aux facteurs de risque comportementaux : sevrage tabagique, diminution voire éviction de l’alcool, amélioration de la durée et de la qualité du sommeil, pratique d’un sport, perte de poids et rééquilibrage alimentaire… sont les mesures à recommander d’emblée. Elles peuvent s’accompagner d’un traitement hormonal favorisant la spermatogenèse.

En dehors des cas urgents (lorsque les deux partenaires ont déjà 40 ans) ou si le patient suit déjà ces recommandations hygiéno-diététiques, cette intervention peut être tentée entre trois et six mois avant de se tourner vers l’AMP. Non seulement elle a des chances d’être efficace toute seule mais aussi d’augmenter les probabilités de réussite d’une AMP si celle-ci est ensuite nécessaire.

Quel est donc le rôle du médecin généraliste ?

Face à un patient qui, après douze mois ou plus de rapports sexuels réguliers non protégés, n’arrive pas à concevoir, le premier réflexe du médecin généraliste doit être :

  • de chercher les facteurs de risque pour commencer à les traiter : ceux déjà mentionnés liés au mode de vie mais aussi ceux liés au contexte professionnel, car certains métiers sont plus à risque en raison des contacts répétés et souvent non protégés avec des toxiques (peintres, jardiniers, personnel d’usines chimiques…) ou de l’exposition à la chaleur (boulangers, cuisiniers, chauffeurs…) ;
  • de rechercher la présence ou les antécédents d’infections (IST mais aussi infections virales comme le Covid, les hépatites…) ;
  • d’examiner le patient : diminution de la taille des testicules ? présence d’une varicocèle ?...
  • de prescrire un spermogramme.
 

Le patient doit ensuite être orienté vers l’urologue s’il y a des antécédents ou des signes particuliers et lorsque le spermogramme n’est pas normal.

Et en matière de contraception masculine, quelles sont les nouveautés ?

La contraception des hommes est au premier plan aujourd’hui. Depuis une dizaine d’années, un mouvement sociétal d’équité engendre une volonté de mieux répartir la charge contraceptive dans le couple. Les craintes grandissantes des femmes vis-à-vis des contraceptions hormonales participent également de cette évolution.

Seulement, aujourd’hui, il n’y a que trois types de contraception masculine validés et recommandés : le préservatif, le coït interrompu – d’efficacité aléatoire – et la vasectomie. Les autres n’en sont qu’au stade expérimental. Aucune méthode hormonale ne dispose aujourd’hui d’une AMM et n’est donc disponible en dehors des cadres de recherche ; des études sont en cours sur une pilule testoprogestative, mais la bonne combinaison n’a pas encore été validée – cela viendra peut-être dans les cinq ou dix prochaines années.

La contraception thermique (« slip chauffant ») est à considérer de façon expérimentale et doit être accompagnée par un urologue lorsqu’elle est désirée par le patient. D’une part, elle peut être contraignante pour certains hommes : ce slip, qui est doté d’un anneau faisant remonter les testicules dans le corps pour élever leur température et inhiber ainsi la spermatogenèse, doit être porté pendant quinze heures par jour et pas durant le sommeil. D’autre part, bien qu’elle suscite un certain engouement, car elle est perçue comme « naturelle » (alors que cela n’est vraiment pas naturel d’avoir les testicules à 37 °C…), elle n’a pas encore été évaluée sur un nombre suffisant de couples et sur une durée suffisante, notamment en matière de réversibilité et sécurité (risque cancérigène ?).

Reste donc la vasectomie, qui gagne en popularité en France : sa fréquence a été multipliée par 10 à 15 au cours des dix dernières années. C’est la contraception classique de l’homme de plus de 30 ans ayant déjà en général un ou plusieurs enfants, en couple stable, et qui a priori ne souhaite pas changer d’avis. Mais elle est aussi de plus en plus demandée par des hommes plus jeunes qui ne veulent pas d’enfants ; dans ces cas, sa réalisation peut s’avérer délicate, car la réversibilité n’est pas garantie (c’est pourquoi on propose à tous les hommes de conserver leur sperme avant une vasectomie, en cas de changement d’avis ultérieur).

Les urologues ont compris l’importance de cet enjeu contraceptif. Nous sommes en discussion actuellement avec le ministère de la Santé pour essayer de faciliter l’accès à la vasectomie. La procédure est aujourd’hui un peu contraignante car il faut deux consultations à quatre mois d’intervalle (délai de réflexion) : la France est le seul pays où ce délai existe !

Quels sont les messages importants pour les généralistes ?

Concernant la fertilité, le médecin généraliste peut changer la donne en matière de prévention. En effet, puisqu’il n’y a pas l’équivalent chez l’homme du suivi gynécologique dont bénéficient les femmes depuis le très jeune âge, c’est le généraliste qui est en première ligne en matière de santé sexuelle masculine. Il est donc important d’aborder ces sujets avec les jeunes patients, d’évaluer les risques menaçant la fertilité même s’il n’y a pas encore de projet parental : évoquer le mode de vie, interroger sur les antécédents testiculaires dans l’enfance, sur les interventions, voire faire un spermogramme, et penser à orienter d’emblée vers l’urologue en cas de doute. Le « grand plan » sur l’infertilité récemment annoncé par Emmanuel Macron comprendrait d’ailleurs la généralisation d’examens réalisés en prévention chez les jeunes de 25 ans (dont le spermogramme).

En second lieu, il faut encourager les hommes à prendre en charge leur contraception, notamment grâce à la vasectomie lorsqu’elle est indiquée, donner les informations, etc. Les médecins généralistes peuvent contribuer à faire bouger les lignes : la reproduction – que ce soit l’infertilité ou la contraception – n’est pas que l’affaire des femmes !

Pour en savoir plus
Hocq H, Braham I, Hinault-Boyer C, et al. Impact de l’environnement sur la fertilité. Rev Prat Med Gen 2022;36(1069);333-6.
Sarfati P, Amand G, Maitrot-Mantelet L. Exploration d’une infertilité en médecine générale. Rev Prat Med Gen 2020;34(1049);754-6.