Des critères diagnostiques révisés sont disponibles depuis 2016. L’objectif thérapeutique est que le patient comprenne sa maladie, évite l’errance médicale et soit acteur de son parcours de soins.
En France, la prévalence de la fibromyalgie est de 1,6 %. Elle touche 7 à 10 fois plus les femmes que les hommes. Il s’agit de la pathologie douloureuse chronique diffuse la plus fréquente. En 2016, des critères diagnostiques révisés ont été proposés. Ceux-ci ont amélioré certaines insuffisances grâce à l’adjonction des symptômes somatiques non rhumatologiques et des critères de sévérité. La fibromyalgie est désormais classée parmi les douleurs chroniques « nociplastiques » (International Association for the Study of Pain, 2019). Cela signifie que les douleurs ne sont pas accompagnées de lésions organiques, qu’elles évoluent depuis plus de 3 mois, qu’elles s’accompagnent d’allodynie et/ou d’hyperalgésie avec des douleurs spontanées et/ou provoquées des régions concernées, qu’elles sont associées à une détresse émotionnelle et/ou un handicap fonctionnel significatifs et qu’il n’y a pas d’autre diagnostic évoqué.
Dépistage clinique
En 2010, un outil pratique de dépistage de la fibromyalgie a été validé par une équipe française. Il s’agit du Fibromyalgia Rapid Screening Tool (FiRST) [tableau 1].1-3 C’est un auto-questionnaire simple de 6 questions. La positivité de 5 items sur 6 permet de dépister une fibromyalgie chez des patients souffrant de douleurs diffuses articulaires, musculaires ou tendineuses, depuis plus de 3 mois, avec une sensibilité et une spécificité proches de 90 %. Cet auto-questionnaire peut être utilisé de façon très rapide en consultation de médecine générale. Il permet d’éviter les retards et errances diagnostiques et de débuter une prise en charge.
Diagnostic clinique : les critères diagnostiques 2016
Le diagnostic est effectué à l’aide d’un score global associant le nombre de zones douloureuses répertoriées – score de douleurs diffuses (Widespread Pain Index) [0-19] et le score de sévérité (Symptom Severity Scale) [0-12].4 Ce dernier évalue les autres symptômes physiques, le réveil non reposé, les troubles cognitifs et la fatigue. Il est quantifié de 1 à 12, chacun des 4 items ci-dessus étant coté de 0 à 3 selon son importance.
La dernière révision des critères diagnostiques 2016 comporte donc les éléments suivants :
– douleurs diffuses touchant au moins 4 sur 5 régions du corps ;
– symptômes présents depuis au moins 3 mois ;
– association d’un score de douleurs diffuses > 7 et un score de sévérité > 5 ou association d’un score de douleurs diffuses de 4 à 6 et un score de sévérité > 9 ;
– diagnostic de fibromyalgie n’excluant pas une pathologie associée.
Au total, ces critères sont très utiles. En outre, le diagnostic nécessite de connaître l’histoire médicale complète du patient, son parcours de vie et de faire un examen clinique minutieux.
La dernière révision des critères diagnostiques 2016 comporte donc les éléments suivants :
– douleurs diffuses touchant au moins 4 sur 5 régions du corps ;
– symptômes présents depuis au moins 3 mois ;
– association d’un score de douleurs diffuses > 7 et un score de sévérité > 5 ou association d’un score de douleurs diffuses de 4 à 6 et un score de sévérité > 9 ;
– diagnostic de fibromyalgie n’excluant pas une pathologie associée.
Au total, ces critères sont très utiles. En outre, le diagnostic nécessite de connaître l’histoire médicale complète du patient, son parcours de vie et de faire un examen clinique minutieux.
Quels examens complémentaires ?
Toutes les recommandations internationales s’accordent pour conclure que les examens complémentaires doivent être limités. Ils servent à rechercher des pathologies associées et/ou des diagnostics différentiels. La prescription comprend hémogramme, vitesse de sédimentation, protéine C-réactive, créatine phosphokinase et dosage des hormones thyroïdiennes.5, 6 Certains ajoutent le dosage de la parathormone. Anticorps antinucléaires, facteur rhumatoïde, dosage du fer et de la vitamine D sont demandés en fonction de l’orientation clinique. L’imagerie est sans intérêt dans la fibromyalgie isolée.
Prescrire un bilan biologique initial avant toute prescription médicamenteuse et pour la surveillance est bien entendu nécessaire.
Prescrire un bilan biologique initial avant toute prescription médicamenteuse et pour la surveillance est bien entendu nécessaire.
Quels diagnostics différentiels ?
De nombreuses pathologies peuvent mimer une fibromyalgie. Il peut s’agir de maladies rhumatismales, de pathologies neurologiques, de troubles métaboliques…5 Il est important d’évoquer ces diagnostics différentiels résumés dans le tableau 2.6 Certains médicaments peuvent aussi entraîner des douleurs. Il s’agit notamment des statines (douleurs musculaires), des opioïdes (par le biais de l’hyperalgésie), des chimiothérapies (douleurs neuropathiques), des anti- aromatases (arthralgies, douleurs diffuses) et des bisphosphonates (douleurs osseuses).
Pathologies psychopathologiques, psychiatriques associées
Les troubles anxieux sont associés à la fibromyalgie chez 35 à 62 % des patients, la dépression chez 58 à 86 %, les troubles bipolaires chez 11 % et l’abus de substances chez 12 %. L’anxiété et la dépression sont très fréquemment associés aux douleurs chroniques (et donc à la fibromyalgie). Elles sont considérées comme des associations comorbides. Les troubles de l’humeur sont des facteurs d’entretien de la douleur chronique.
Le syndrome de stress post-traumatique est observé au cours de la fibromyalgie avec une fréquence supérieure par rapport à la population générale – environ 57 %. Les événements de vie traumatiques antérieurs sont potentiellement source de douleurs ultérieures.
Parmi les patients souffrant de fibromyalgie, les réponses à la douleur semblent facilitées lorsqu’existent un catastrophisme lié à la douleur, un névrosisme (tendance à expérimenter des émotions négatives), un sentiment d’injustice et des stratégies d’ajustement peu flexibles.
Le syndrome de stress post-traumatique est observé au cours de la fibromyalgie avec une fréquence supérieure par rapport à la population générale – environ 57 %. Les événements de vie traumatiques antérieurs sont potentiellement source de douleurs ultérieures.
Parmi les patients souffrant de fibromyalgie, les réponses à la douleur semblent facilitées lorsqu’existent un catastrophisme lié à la douleur, un névrosisme (tendance à expérimenter des émotions négatives), un sentiment d’injustice et des stratégies d’ajustement peu flexibles.
Recommandations diagnostiques en pratique
On peut résumer la démarche diagnostique en 6 étapes :6
– évaluer la douleur et ses caractéristiques ;
– évaluer les symptômes associés (fatigue, réveil non reposé, troubles cognitifs, symptômes physiques de tous les appareils, signes systémiques) ;
– interroger l’histoire personnelle (médicale et psychosociale) ;
– interroger l’histoire familiale (médicale et psychosociale) ;
– faire l’examen clinique ;
– prescrire un bilan biologique limité.
Le médecin traitant doit évoquer une fibromyalgie dès que possible sans nécessité de confirmation par un spécialiste.
Après avoir recherché des diagnostics associés et ou différentiels – somatiques et/ou psychologiques – le diagnostic doit être communiqué au patient. Cette recommandation peut être modulée chez l’enfant, où l’on préfère éviter de « coller » une étiquette diagnostique trop précoce, espérant un amendement des symptômes avec une prise en charge rapide globale et adaptée.
Des symptômes nouveaux inhabituels doivent faire évoquer une autre pathologie. Surtout, l’envoi itératif à de multiples spécialistes doit être évité.
– évaluer la douleur et ses caractéristiques ;
– évaluer les symptômes associés (fatigue, réveil non reposé, troubles cognitifs, symptômes physiques de tous les appareils, signes systémiques) ;
– interroger l’histoire personnelle (médicale et psychosociale) ;
– interroger l’histoire familiale (médicale et psychosociale) ;
– faire l’examen clinique ;
– prescrire un bilan biologique limité.
Le médecin traitant doit évoquer une fibromyalgie dès que possible sans nécessité de confirmation par un spécialiste.
Après avoir recherché des diagnostics associés et ou différentiels – somatiques et/ou psychologiques – le diagnostic doit être communiqué au patient. Cette recommandation peut être modulée chez l’enfant, où l’on préfère éviter de « coller » une étiquette diagnostique trop précoce, espérant un amendement des symptômes avec une prise en charge rapide globale et adaptée.
Des symptômes nouveaux inhabituels doivent faire évoquer une autre pathologie. Surtout, l’envoi itératif à de multiples spécialistes doit être évité.
Principes de la prise en charge
La prise en charge est multimodale et les approches multidisciplinaires sont efficaces et recommandées.
Les antalgiques classiques sont en règle générale peu efficaces.7, 8 Les psychotropes (certains antiépileptiques, les antidépresseurs tricycliques et les antidépresseurs inhibiteurs de la sérotonine et de la noradrénaline) ont une efficacité modérée chez les patients répondeurs. Des médicaments sont formellement déconseillés : opioïdes forts, corticostéroïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens, benzodiazépines. Même si la kétamine et les cannabinoïdes sont parfois utilisés, aucune étude n’a montré leur efficacité sur la douleur de la fibromyalgie.
Une information écrite et approfondie est fortement recommandée.7 En effet, le patient doit comprendre sa maladie, être acteur du traitement, ne pas attendre une suppression complète de la douleur, apprendre à gérer le stress, la fatigue, les troubles du sommeil...
La pratique d’exercices physiques d’aérobie, doux et réguliers, est mise au premier plan dans la plupart des recommandations. Ceux-ci peuvent être classiques (marche, vélo, natation…) ou être effectués via les techniques de mouvement méditatif (yoga, taï chi, qi gong). En cas de dépression, d’anxiété, de catastrophisme, de stratégies inadaptées, les thérapies cognitives et comportementales (classiques et/ou utilisant la méditation en pleine conscience) sont utiles.7, 8 La stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS) du cortex moteur a montré des résultats intéressants ; cependant, elle n’est pas facile d’accès et nécessite des séances régulières du fait de l’absence d’effet rémanent.
Les antalgiques classiques sont en règle générale peu efficaces.7, 8 Les psychotropes (certains antiépileptiques, les antidépresseurs tricycliques et les antidépresseurs inhibiteurs de la sérotonine et de la noradrénaline) ont une efficacité modérée chez les patients répondeurs. Des médicaments sont formellement déconseillés : opioïdes forts, corticostéroïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens, benzodiazépines. Même si la kétamine et les cannabinoïdes sont parfois utilisés, aucune étude n’a montré leur efficacité sur la douleur de la fibromyalgie.
Une information écrite et approfondie est fortement recommandée.7 En effet, le patient doit comprendre sa maladie, être acteur du traitement, ne pas attendre une suppression complète de la douleur, apprendre à gérer le stress, la fatigue, les troubles du sommeil...
La pratique d’exercices physiques d’aérobie, doux et réguliers, est mise au premier plan dans la plupart des recommandations. Ceux-ci peuvent être classiques (marche, vélo, natation…) ou être effectués via les techniques de mouvement méditatif (yoga, taï chi, qi gong). En cas de dépression, d’anxiété, de catastrophisme, de stratégies inadaptées, les thérapies cognitives et comportementales (classiques et/ou utilisant la méditation en pleine conscience) sont utiles.7, 8 La stimulation magnétique transcrânienne répétée (rTMS) du cortex moteur a montré des résultats intéressants ; cependant, elle n’est pas facile d’accès et nécessite des séances régulières du fait de l’absence d’effet rémanent.
Références
1. Perrot S, Bouhassira D, Fermanian J ; Cercle d’étude de la douleur en rhumatologie. Development and validation of the Fibromyalgia Rapid Screening Tool (FiRST). Pain 2010;150:250-6.
2. Burckhardt CS, Clark SR, Bennett RM. Fibromyalgia and quality of life: a comparative analysis. J Rheumatology 1993;20:475-9.
3. Perrot S, Dumont D, Guillemin F, Pouchot J, Coste J. For the French group of quality of life research. Quality of life in women with fibromyalgia syndrome: validation of the QIF, the French version of the fibromyalgia impact questionnaire. J Rheumatol 2003;30:1054-9.
4. Wolfe F, Clauw DJ, Fitzcharles MA, et al. 2016 Revisions to the 2010/2011fibromyalgia diagnostic criteria. Semin Arthritis Rheum 2016;46:319-29.
5. Laroche F. La fibromyalgie : diagnostic positif, diagnostics différentiels et diagnostics associés. Rev Rhumatol 2018;85:287-94.
6. Häuser W, Perrot S, Sommer C, Shir Y, Fitzcharles, MA. Diagnostic confounders of chronic widespread pain: not always fibromyalgia. Pain Reports 2017;2:e598.
7. Macfarlane G, Kronisch C, Dean L, et al. EULAR revised recommendations for the management of fibromyalgia. Ann Rheum Dis 2017;76:318-28.
8. Thieme K. Mathys M, Turk D. Evidenced-based guidelines on the treatment of fibromyalgia patients: are they consistent and if not, why not? Have effective psychological treatments been overlooked? J Pain 2017;18:747-56
2. Burckhardt CS, Clark SR, Bennett RM. Fibromyalgia and quality of life: a comparative analysis. J Rheumatology 1993;20:475-9.
3. Perrot S, Dumont D, Guillemin F, Pouchot J, Coste J. For the French group of quality of life research. Quality of life in women with fibromyalgia syndrome: validation of the QIF, the French version of the fibromyalgia impact questionnaire. J Rheumatol 2003;30:1054-9.
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8. Thieme K. Mathys M, Turk D. Evidenced-based guidelines on the treatment of fibromyalgia patients: are they consistent and if not, why not? Have effective psychological treatments been overlooked? J Pain 2017;18:747-56