La Convention citoyenne sur la fin de vie vient de remettre son rapport :1 82 % des participants jugent que l’actuel encadrement de la fin de vie est inadapté car il ne répondrait pas à la liberté de choix de chacun, surtout face à certaines situations cliniques ; 97 % souhaitent qu’il soit amélioré ; mais seuls 76 % se prononcent pour la légalisation de l’aide active à mourir, sans véritable consensus sur les places respectives à attribuer au suicide assisté et à l’euthanasie. Ils souhaitent surtout que cette aide active à mourir ne donne pas lieu à des dérives dont les personnes vulnérables pourraient être les victimes. Tout ceci résume bien l’ambivalence des réponses à la question posée et la complexité de cet enjeu sociétal.
La loi actuelle2 repose sur trois notions – l’obstination déraisonnable, l’abstention thérapeutique et la sédation profonde et continue – dont il est bien difficile d’évaluer objectivement les résultats. Tout d’abord, elle est peu ou mal connue par les patients ; de plus, les équipes de soins palliatifs, très mal réparties sur le territoire, manquent souvent de ressources humaines ; enfin, la culture palliative reste modeste au sein de la population comme chez les professionnels de santé, par manque d’(in)formations.
Les participants à la convention ont mis l’accent sur le respect des choix et de la volonté du patient. Et c’est ici que les directives anticipées (DA) prennent toute leur valeur. Cependant, il faut bien distinguer les DA rédigées en pleine santé, pour un cas d’empêchement futur et brutal d’exprimer ses volontés, des DA rédigées dans un contexte où le pronostic vital est engagé à court terme. Dans ce dernier cas, les DA sont l’occasion d’un véritable moment de réflexion et de concertation entre la personne de confiance, la famille et les soignants (en particulier, les acteurs des soins palliatifs et d'HAD), avec le médecin traitant en référent et coordinateur. Les DA permettent alors d’envisager un véritable parcours de soins de la fin de vie où l’aide active à mourir peut être abordée sans tabou, en précisant néanmoins qu’elle n’est pas une finalité inéluctable, mais une solution envisageable si nécessaire. Un tel projet de fin de vie, évoluant avec la maladie, semble être une procédure possible pour répondre à l’angoisse de la mort.
L’aide active à mourir pourrait permettre à chacun d’affirmer sa liberté à gérer sa vie ; elle serait aussi, pour la nation, un moyen d’exprimer sa fraternité et sa solidarité face à la souffrance ressentie lors de ces moments difficiles.
Mais la culture judéochrétienne de la France n’est-elle pas un frein pour y parvenir ? En septembre dernier, le Conseil consultatif national d’éthique a précisé3« qu’il existe une voie pour une application éthique de l’aide active à mourir, à certaines conditions strictes avec lesquelles il apparaît inacceptable de transiger ». Le Conseil national de l’Ordre des médecins se situe dans cette même approche,4 sollicitant la création d’une clause de conscience.
Si nombre d’urgentistes sont favorables à une évolution de la loi Claeys-Leonetti, les équipes de soins palliatifs sont persuadées que celle-ci, bien appliquée, resterait suffisante. Les médecins traitants sont très partagés : certains sont résolument contre, arguant que leur rôle est de soigner, non de tuer ; d’autres seraient d’accord pour respecter et accompagner leurs patients selon leurs souhaits, dans un nouveau cadre réglementaire.
Le président de la République souhaite qu’un projet de loi soit déposé à la fin de l’été 2023. Est-ce un délai suffisant pour un sujet sociétal d’une telle ampleur ? Cette nouvelle loi, si elle est adoptée, devra répondre précisément à certaines questions, en particulier « Pourquoi une aide active à mourir ? », « Comment l’appliquer ? », « Par qui ? » et « Où ? ».
Espérons que, sur un tel sujet, les débats parlementaires seront conduits avec sérénité, en dépassant les clivages politiques et le clientélisme électoral.
2. Loi Clayes-Leonetti du 2 février 2016. https://bit.ly/41DW0bX
3. Avis 139 du Conseil consultatif national d’éthique du 13 septembre 2022. https://bit.ly/3L6as5B
4. Communiqué de presse du CNOM « Fin de vie et rôle du médecin », du 1er avril 2023. https://bit.ly/3mVUQK5