Meurt-on encore mal en France ? Et faut-il s’inspirer de ce que font nos voisins étrangers qui ont légalisé l’euthanasie et le suicide assisté ? Pas si sûr, au regard des premiers bilans tirés de ces pratiques.

 

Légaliser l’euthanasie ne permet pas de mettre fin à des pratiques clandestines

Adoptée en Belgique en 2002, et étendue aux mineurs en 2014, la loi avait pour but de diminuer le nombre d’actes d’euthanasie « semi-clandestines ». Mais les limites du cadre législatif semblent avoir été vite dépassées. Les différents rapports de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie (CF-CEE) arrivent à la même conclusion : le nombre d’euthanasies déclarées ne représente qu’une partie de celles pratiquées (50 % étaient non déclarées en 2007). Plus encore, alors que le patient doit faire une demande écrite et que le médecin se doit de l’informer de l’état de gravité de sa maladie, ces procédures sont loin d’être toujours respectées. Au cours des années, « les pathologies incurables », seul motif légitime initial de demande d’euthanasie, se sont vues progressivement élargies à des « troubles psychiques ou psychiatriques », et plus récemment faire considérer par le Comité consultatif belge de bioéthique que « le vieillissement en lui-même était une affection grave et donc un motif légitime de demande d’euthanasie ».

 

Le suicide assisté : les modèles suisse et orégonais

La demande de suicide assisté n’est recevable que si le patient, capable de discernement, est atteint d’une maladie et/ou de limitations fonctionnelles cause d’une souffrance insupportable. Mais comment évaluer objectivement un critère aussi subjectif ! Alors que certains cantons suisses prônent plutôt l’accompagnement du patient au sein de structures publiques (établissements médico-sociaux ou hôpitaux), d’autres délèguent ce rôle à des associations militantes (comme Exit-ADMD ou Dignitas). La demande affluant de l’étranger, Dignitas a fait le choix d’ouvrir ses pratiques à des citoyens autres que suisses. Conditions exigées : « avoir une maladie » et adhérer à l’association, moyennant un coût total de 10 000 euros.

En Orégon, où la pratique semble mieux encadrée, 40 % des patients susceptibles de recourir au suicide assisté ne donnent pas suite au souhait qu’ils ont exprimé initialement ; comme si l’essentiel était que « leur droit à mourir » soit reconnu.

 

Quelles dérives retenir de ces systèmes ?

Premier constat : « Les raisons physiques liées à une maladie grave et incurable soin loin d’être prédominantes » ; la dépression ou la douleur chronique étant parfois le seul motif de la demande.

Pire encore, certaines pratiques ont été dénoncées, relevant le manque d’accompagnement des patients dans leur suicide assisté, et conduisant parfois à des scènes d’agonie. Des délais de plusieurs heures pouvant s’écouler entre la prise létale et le décès (parfois plus d’une journée).

Mais c’est sans parler des séquelles sur les proches et les médecins qui accompagnent ces gestes. Dans une étude parue dans la revue European Psychiatry, 20 % des proches d’un patient ayant eu recours au suicide assisté en Suisse souffriraient de troubles post-traumatiques et 16 % de dépression. 

Trois propositions de loi ont été déposées en France visant à légaliser l’euthanasie et le suicide assisté. Le débat est donc loin d’être clos.

Alexandra Karsenty - La Revue du Praticien

Grouille D. Fin de vie : les options belge, suisse et orégonaise. Rev Prat 2019;69;25-30.