Une pathologie douloureuse et handicapante encore trop souvent sous-diagnostiquée alors qu’elle doit être prise en charge rapidement.
La fissure anale est une pathologie douloureuse handicapante altérant de manière significative la qualité de vie de patients le plus souvent jeunes et en activité, de manière équivalente dans les deux sexes.1 Les patients atteints sont significativement plus jeunes que ceux consultant pour pathologie hémorroïdaire : 43,8 ans +/- 6,3 versus 53,1 ans +/- 22,1 d’âge moyen dans une série récente.2 Elle est en effet la deuxième cause de consultation en proctologie, après la pathologie hémorroïdaire,2 et a un impact économique non négligeable du fait d’un taux important de consultations, d’hospitalisations et par conséquent d’absentéisme. En Angleterre, l’incidence des hospitalisations pour fissure anale était de 1,56 pour 10 000 habitants entre 2005 et 2006 ;3 en Italie, 5 199 patients ont consulté pour une fissure anale en 2009 dont 1 924 (37 %) ont subi une chirurgie.4
Une précision, cependant, en préambule : il est courant de faire l’erreur de « pluraliser » la fissure anale alors qu’il s’agit d’une entité pathologique qui implique une origine primaire. Le fait d’en parler au pluriel pose la question d’une origine secondaire (v. infra ). Les diagnostics différentiels des « ulcérations pseudo-fissuraires »).
Une précision, cependant, en préambule : il est courant de faire l’erreur de « pluraliser » la fissure anale alors qu’il s’agit d’une entité pathologique qui implique une origine primaire. Le fait d’en parler au pluriel pose la question d’une origine secondaire (
Qu’est-ce qu’une fissure anale ?
La définition communément admise de la fissure anale est une ulcération linéaire de l’anoderme, distale par rapport à la ligne pectinée, généralement située au niveau de la commissure postérieure de l’anus et associée à une contracture du sphincter (fig. 1 ).
Une fissure anale est arbitrairement considérée comme aiguë si elle est présente depuis moins de 6 semaines avec un aspect plutôt superficiel et bien délimité. Elle est considérée comme chronique si elle évolue depuis plus de 6 semaines et/ou si elle présente un aspect creusant mettant à nu le sphincter interne avec des bords décollés et épaissis et/ou s’il existe une marisque et une papille anale hypertrophique associées.5, 6
Une marisque est un repli souple de la peau périanale plus au moins volumineux (fig. 2 ) alors que la papille est un nodule en « battant de cloche » implanté au niveau de la ligne pectinée, à l’apex de la fissure. Par conséquent, la papille n’est visible qu’en intracanalaire à moins qu’elle ne soit volumineuse et spontanément prolabée (fig. 3 ). Ces lésions surmontent souvent les deux bords externe et interne de la fissure chronique et peuvent persister après sa cicatrisation.
Une fissure anale est arbitrairement considérée comme aiguë si elle est présente depuis moins de 6 semaines avec un aspect plutôt superficiel et bien délimité. Elle est considérée comme chronique si elle évolue depuis plus de 6 semaines et/ou si elle présente un aspect creusant mettant à nu le sphincter interne avec des bords décollés et épaissis et/ou s’il existe une marisque et une papille anale hypertrophique associées.5, 6
Une marisque est un repli souple de la peau périanale plus au moins volumineux (
Comment faire le diagnostic ?
Dans la grande majorité des cas, la fissure anale est révélée par une symptomatologie douloureuse. Lors de la défécation, la lésion est en effet étirée, provoquant une douleur immédiate qui est typiquement suivie d’une courte accalmie, puis d’une nouvelle douleur due à une contracture sphinctérienne réflexe pouvant durer plusieurs heures, suivie d’une période de trêve jusqu’à la défécation suivante. Cette douleur en trois temps et rythmée par les selles est très évocatrice du diagnostic. La douleur décrite est à type de « lame de rasoir » au passage de la selle, de brûlures et/ou de spasme sphinctérien. La douleur peut être si intense qu’elle est responsable d’une hantise et donc d’un évitement de la défécation. Dans ce cas, la stagnation rectale des selles les dessèche et les rend encore plus difficiles à évacuer, ce qui peut exacerber le problème et générer un cercle vicieux.3
La douleur peut s’accompagner de saignements de sang rouge vif, le plus souvent de faible abondance à l’essuyage, plus rarement dans la cuvette, ainsi que d’une sensation de boule anale correspondant en général à la marisque que le patient prend pour une « hémorroïde ».
L’examen proctologique, en position allongée latérale ou genu pectorale, permet de visualiser la fissure anale sous la forme d’une déchirure ayant la forme d’une raquette ouverte vers l’extérieur. Elle est localisée dans 80 à 90 % des cas au niveau de la commissure anale postérieure, plus rarement en antérieur. Elle est parfois bipolaire (fig. 4) [< 1 % des cas].7 L’examen recherche également les éléments de chronicité ainsi que d’éventuels signes de surinfection ou des arguments pour une étiologie secondaire (v. infra). Cependant, le diagnostic est parfois difficile en cas de fissure surmontée par une volumineuse marisque susceptible de la masquer et pouvant faire porter à tort le diagnostic de pathologie hémorroïdaire. Le patient douloureux et pusillanime est également difficile à examiner car il a alors tendance à serrer les fesses. Du reste, il ne faut pas s’acharner à faire un toucher ano-rectal en cas de suspicion de fissure anale en raison de la douleur provoquée souvent intense.
La douleur peut s’accompagner de saignements de sang rouge vif, le plus souvent de faible abondance à l’essuyage, plus rarement dans la cuvette, ainsi que d’une sensation de boule anale correspondant en général à la marisque que le patient prend pour une « hémorroïde ».
L’examen proctologique, en position allongée latérale ou genu pectorale, permet de visualiser la fissure anale sous la forme d’une déchirure ayant la forme d’une raquette ouverte vers l’extérieur. Elle est localisée dans 80 à 90 % des cas au niveau de la commissure anale postérieure, plus rarement en antérieur. Elle est parfois bipolaire (fig. 4) [< 1 % des cas].7 L’examen recherche également les éléments de chronicité ainsi que d’éventuels signes de surinfection ou des arguments pour une étiologie secondaire (v. infra). Cependant, le diagnostic est parfois difficile en cas de fissure surmontée par une volumineuse marisque susceptible de la masquer et pouvant faire porter à tort le diagnostic de pathologie hémorroïdaire. Le patient douloureux et pusillanime est également difficile à examiner car il a alors tendance à serrer les fesses. Du reste, il ne faut pas s’acharner à faire un toucher ano-rectal en cas de suspicion de fissure anale en raison de la douleur provoquée souvent intense.
Quels sont la cause et les facteurs favorisants ?
La physiopathologie de la fissure anale est un sujet de controverse. Le facteur déclenchant classique est un traumatisme, résultant notamment du passage de selles dures.3 Cependant, le facteur traumatique n’est pas seul en cause puisque moins de 25 % des fissures anales chroniques sont associées à une constipation.3 Une fissure anale peut se former en cas de diarrhée aiguë avec des émissions répétées de selles dans un court laps de temps. De plus, la majorité des patients constipés chroniques ne développent pas de fissure anale ou cicatrisent spontanément en cas de déchirure. En fait, la contracture du sphincter interne, à l’origine d’une hypertonie anale de repos, est un élément participatif majeur dans la genèse d’une fissure.3 Cette contracture serait secondaire à la baisse de la libération de monoxyde d’azote chez les patients ayant une fissure anale par rapport aux témoins.8 Il a été également démontré que la vascularisation anodermique était moins développée chez les patients qui ont une fissure anale, notamment au niveau de la partie postérieure de l’anus, ce qui expliquerait la localisation plus fréquente de la fissure à ce niveau. Cette diminution de la vascularisation est en partie expliquée par l’écrasement des petits vaisseaux par le sphincter anal contracté et fait alors de la fissure anale une lésion ischémique.9 Toutefois, on ne sait aujourd’hui si cette contracture anale est un facteur étiopathogénique de la fissure ou si elle est due à une réaction réflexe à la douleur provoquée par la fissure elle-même.
À part, la fissure anale du post-partum, le plus souvent localisée en commissural antérieur, ne s’accompagne pas d’hypertonie anale. La physiopathologie de cette fissure est différente. Elle semble surtout faire intervenir le traumatisme local de la constipation et celui d’un accouchement le plus souvent difficile. Il s’agit donc d’une lésion plutôt traumatique sur une zone mal vascularisée antérieure post-obstétricale. L’absence d’hypertonie anale peut également s’expliquer par la neuropathie pudendale du post-partum qui est souvent plus marquée en cas d’accouchement traumatique et qui se solde par une diminution de la pression sphinctérienne de base.10
À part, la fissure anale du post-partum, le plus souvent localisée en commissural antérieur, ne s’accompagne pas d’hypertonie anale. La physiopathologie de cette fissure est différente. Elle semble surtout faire intervenir le traumatisme local de la constipation et celui d’un accouchement le plus souvent difficile. Il s’agit donc d’une lésion plutôt traumatique sur une zone mal vascularisée antérieure post-obstétricale. L’absence d’hypertonie anale peut également s’expliquer par la neuropathie pudendale du post-partum qui est souvent plus marquée en cas d’accouchement traumatique et qui se solde par une diminution de la pression sphinctérienne de base.10
Quels diagnostics différentiels ?
Ils sont nombreux et doivent toujours être évoqués car leur prise en charge, voire leur pronostic, sont bien différents. En cas de lésion indolore survenant chez une personne de plus de 65 ans, de localisation latérale et/ou multiple, d’aspect inflammatoire, associée à une rectite ou à des lésions suppuratives, il faut évoquer alors une ulcération pseudo-fissuraire « secondaire » à d’autres pathologies comme une maladie de Crohn (fig. 5 ), une infection sexuellement transmise (gonococcie, Chlamydia [fig. 6 ], syphilis, etc.), une tuberculose, un cancer (fig. 7 ), etc. (tableau 1 ). Au moindre doute diagnostique, des prélèvements à visée infectieuse et/ou anatomopathologique doivent être pratiqués.2
Quels risques ?
Les deux principaux risques d’une fissure anale chronique sont l’infection et le développement d’un anisme. Il n’y a pas de risque de transformation maligne.
L’infection peut se manifester de manière aiguë par un abcès dont la symptomatologie couvre largement celle de la fissure elle-même, qui passe au second plan. Elle peut également se manifester par une suppuration chronique avec un orifice fistuleux productif, en général proche du lit fissuraire (fig. 8 ). En cas d’infection, le traitement médical est inefficace et une prise en charge chirurgicale est nécessaire. Elle consiste en une exérèse de la fissure et une mise à plat de la suppuration.
L’anisme est défini par une contraction paradoxale du sphincter anal à l’effort de poussée au moment de la défécation. En plus de l’hypertonie anale de base, une fissure anale chronique évoluant depuis des mois, voire des années, peut altérer le réflexe de défécation et se solder par une absence de relaxation du sphincter à l’effort de poussée, voire sa contraction paradoxale. Le patient se plaint alors d’une constipation terminale invalidante qui peut persister après traitement de la fissure et qui peut nécessiter des séances de rééducation pour retrouver un fonctionnement normal.11
L’infection peut se manifester de manière aiguë par un abcès dont la symptomatologie couvre largement celle de la fissure elle-même, qui passe au second plan. Elle peut également se manifester par une suppuration chronique avec un orifice fistuleux productif, en général proche du lit fissuraire (
L’anisme est défini par une contraction paradoxale du sphincter anal à l’effort de poussée au moment de la défécation. En plus de l’hypertonie anale de base, une fissure anale chronique évoluant depuis des mois, voire des années, peut altérer le réflexe de défécation et se solder par une absence de relaxation du sphincter à l’effort de poussée, voire sa contraction paradoxale. Le patient se plaint alors d’une constipation terminale invalidante qui peut persister après traitement de la fissure et qui peut nécessiter des séances de rééducation pour retrouver un fonctionnement normal.11
Traitement médical
Le traitement médical est recommandé en première intention.12, 13 Il permet de guérir jusqu’à 80 % des patients ayant une fissure aiguë et jusqu’à 50 % des patients ayant une fissure chronique.
Traitement de première ligne
Il repose sur la régularisation du transit. Des conseils visant à augmenter la ration hydrique et adopter un régime riche en fibres sont donnés. Cependant, ce n’est le plus souvent pas suffisant, et un traitement laxatif est nécessaire pendant quelques mois. À l’inverse, en cas de fissure en rapport avec un épisode diarrhéique, il faut plutôt ralentir le transit. Des topiques y sont associés pour une action locale apaisante, cicatrisante et anesthésiante. La douleur doit être traitée par des antalgiques qui permettent de lever, du moins en partie, l’hypertonie anale et améliorent ainsi la vascularisation de la zone fissuraire. La prescription d’anxiolytiques, de myorelaxants et d’alphabloquants est possible pour agir sur l’hypertonie anale mais reste à la marge en l’absence de données scientifiques formelles.
Le traitement doit être poursuivi de manière régulière pendant au moins un mois, au-delà de la disparition de la douleur. En effet, la cicatrisation est longue à obtenir, et les patients ont souvent tendance, à tort, à arrêter le traitement prématurément au risque d’une récidive rapide des symptômes à la moindre selle bien formée ou dure. D’ailleurs, un traitement laxatif prolongé permet de réduire de manière significative le taux de récidive. Il faut aussi informer les patients que les annexes (marisques et papilles) qui accompagnent les fissures chroniques ne disparaissent pas avec le traitement médical.12, 13
Le traitement doit être poursuivi de manière régulière pendant au moins un mois, au-delà de la disparition de la douleur. En effet, la cicatrisation est longue à obtenir, et les patients ont souvent tendance, à tort, à arrêter le traitement prématurément au risque d’une récidive rapide des symptômes à la moindre selle bien formée ou dure. D’ailleurs, un traitement laxatif prolongé permet de réduire de manière significative le taux de récidive. Il faut aussi informer les patients que les annexes (marisques et papilles) qui accompagnent les fissures chroniques ne disparaissent pas avec le traitement médical.12, 13
Traitement de deuxième ligne
Il a pour but d’agir transitoirement sur l’hypertonie anale. Les traitements utilisés ont une efficacité qui varie de 40 à 70 % avec des récidives fréquentes.
Le trinitrate de glycéryl (en topique) a été testé en deux concentrations de 0,2 et 0,4 % avec une possible meilleure efficacité de la dernière formulation sur la douleur et sur le délai d’action.14 Il est disponible en France en pommade à 0,4 % (Rectogesic, en vente libre et non remboursé). Il s’applique toutes les 12 heures avec un doigtier en intracanalaire jusqu’à la première phalange pendant une durée de 8 semaines. Il améliore significativement la douleur et la qualité de vie des patients,15 au prix de quelques effets indésirables dominés par des céphalées rapportées chez environ un quart des patients. Le taux de récidive est cependant non négligeable, en moyenne 50 %.13
Les inhibiteurs calciques en présentation topique ne sont pas encore disponibles en France. La nifédipine 0,3 % est disponible dans quelques pays méditerranéens, en l’occurrence l’Italie, la Grèce, Israël et la Turquie, alors que le diltiazem à 2 % est disponible en Angleterre et aux États-Unis. Les résultats sont similaires à ceux du trinitrate de glycéryl, avec une amélioration des symptômes chez environ 75 % des patients,13, 16 mais le taux de récidive est d’environ 60 % après 2 ans de suivi.17 Quelques effets indésirables ont été également rapportés tels qu’un prurit anal et des céphalées, mais la tolérance est globalement meilleure que celle des dérivés nitrés.18
L’injection de toxine botulique permet de bloquer la libération de l’acétylcholine et provoque une paralysie transitoire du sphincter interne et une réduction du tonus anal.19 Cependant, son utilisation est limitée par sa restriction à certaines spécialités en France, le coût du produit en l’absence de remboursement dans cette indication, le caractère invasif des injections et l’absence de standardisation de la dose à injecter, du site d’injection, du nombre et des intervalles entre les injections.20 Cela est d’autant plus limitant que le taux de récidive est élevé (40-55 % à 3-4 ans)21 et que des événements indésirables significatifs ont été rapportés tels qu’une incontinence anale transitoire (10 %), des hématomes et des infections sous-cutanées.22
Le trinitrate de glycéryl (en topique) a été testé en deux concentrations de 0,2 et 0,4 % avec une possible meilleure efficacité de la dernière formulation sur la douleur et sur le délai d’action.14 Il est disponible en France en pommade à 0,4 % (Rectogesic, en vente libre et non remboursé). Il s’applique toutes les 12 heures avec un doigtier en intracanalaire jusqu’à la première phalange pendant une durée de 8 semaines. Il améliore significativement la douleur et la qualité de vie des patients,15 au prix de quelques effets indésirables dominés par des céphalées rapportées chez environ un quart des patients. Le taux de récidive est cependant non négligeable, en moyenne 50 %.13
Les inhibiteurs calciques en présentation topique ne sont pas encore disponibles en France. La nifédipine 0,3 % est disponible dans quelques pays méditerranéens, en l’occurrence l’Italie, la Grèce, Israël et la Turquie, alors que le diltiazem à 2 % est disponible en Angleterre et aux États-Unis. Les résultats sont similaires à ceux du trinitrate de glycéryl, avec une amélioration des symptômes chez environ 75 % des patients,13, 16 mais le taux de récidive est d’environ 60 % après 2 ans de suivi.17 Quelques effets indésirables ont été également rapportés tels qu’un prurit anal et des céphalées, mais la tolérance est globalement meilleure que celle des dérivés nitrés.18
L’injection de toxine botulique permet de bloquer la libération de l’acétylcholine et provoque une paralysie transitoire du sphincter interne et une réduction du tonus anal.19 Cependant, son utilisation est limitée par sa restriction à certaines spécialités en France, le coût du produit en l’absence de remboursement dans cette indication, le caractère invasif des injections et l’absence de standardisation de la dose à injecter, du site d’injection, du nombre et des intervalles entre les injections.20 Cela est d’autant plus limitant que le taux de récidive est élevé (40-55 % à 3-4 ans)21 et que des événements indésirables significatifs ont été rapportés tels qu’une incontinence anale transitoire (10 %), des hématomes et des infections sous-cutanées.22
Traitement chirurgical
La chirurgie est proposée d’emblée en cas de fissure anale hyperalgique et/ou infectée, ou secondairement chez les patients en échec du traitement médical bien conduit. Elle a une efficacité de 88 à 100 %, largement supérieure à celle du traitement médical.23 Elle est proposée chez environ 30 à 50 % des patients qui consultent pour une fissure anale.4
Fissurectomie +/- anoplastie muqueuse
Largement pratiquée en France, cette technique consiste à enlever le lit fissuraire avec ses annexes en respectant le sphincter. Elle permet de remplacer le tissu fibreux organisé de la fissure par une plaie fraîche et saine, plus apte à cicatriser (fig. 10 ).24 Elle permet également une analyse histologique de la fissure et l’élimination, en cas de doute, de certains diagnostics différentiels. En fin d’intervention, la plaie endocanalaire peut être recouverte par un lambeau de muqueuse rectale abaissée sur le sphincter (anoplastie muqueuse). Ce geste vise à limiter l’étendue de la plaie interne et réduire ainsi « théoriquement » la durée de cicatrisation qui est d’environ 8 semaines.25 Cependant, aucune étude comparative n’a démontré de façon formelle la pertinence de cette anoplastie complémentaire. Dans d’autres pays, des techniques de recouvrement à l’aide d’un lambeau ano-cutané visant à combler la plaie externe ont été proposées, sans davantage de preuve scientifique.26 Le taux de guérison de la fissurectomie se rapproche des 100 %, avec un faible taux de récidive (< 10 %) et d’incontinence (< 7 %).24, 25
En cas d’hypertonie sphinctérienne préopératoire marquée et faisant craindre une gêne de la cicatrisation, la fissurectomie peut être complétée par une sphinctérotomie interne postérieure médiane prudente, dans le lit de la fissurectomie, voire, si l’on ne souhaite prendre aucun risque d’incontinence anale séquellaire, par une injection locale de toxine botulique dont l’effet relaxant sur le sphincter interne est transitoire (2-3 mois) mais suffisant car il couvre la durée de cicatrisation.27, 28
En cas d’hypertonie sphinctérienne préopératoire marquée et faisant craindre une gêne de la cicatrisation, la fissurectomie peut être complétée par une sphinctérotomie interne postérieure médiane prudente, dans le lit de la fissurectomie, voire, si l’on ne souhaite prendre aucun risque d’incontinence anale séquellaire, par une injection locale de toxine botulique dont l’effet relaxant sur le sphincter interne est transitoire (2-3 mois) mais suffisant car il couvre la durée de cicatrisation.27, 28
Sphinctérotomie (ou léïomyotomie) latérale interne
Elle vise à lever la contracture sphinctérienne et ainsi assurer une meilleure vascularisation de la fissure. Sur le plan pratique, elle consiste à couper la partie distale du sphincter interne dans un quadrant latéral, le plus souvent à gauche, sans toucher à la fissure elle-même. La hauteur du sphincter à couper fait l’objet de débat. La section classique se fait jusqu’à la ligne pectinée mais la section est désormais de plus en plus adaptée à la hauteur de la fissure afin qu’elle soit moins étendue.12
Cette technique a une efficacité similaire à celle de la fissurectomie.29 Son avantage est que la durée de cicatrisation est bien plus courte, permettant donc une reprise d’activité plus rapide qu’après fissurectomie. Mais elle a deux inconvénients : le premier est de ne pas réséquer les annexes (marisques et papilles hypertrophiques) qui peuvent parfois être une source de gêne pour les patients et de ne pas permettre une analyse histologique de la fissure ; le second est qu’elle expose à un risque d’incontinence anale séquellaire. Ce taux d’incontinence a pu atteindre les 45 % dans certaines séries et dépend de la définition même de l’incontinence,30 mais il est désormais admis qu’il concerne moins de 10 % des patients et que les éventuels troubles sont minimes (fuites de gaz pour l’essentiel).31 Pour autant, cette technique, considérée comme le traitement de choix dans les pays anglo-saxons, du fait de sa simplicité et de son efficacité,12 est aujourd’hui moins pratiquée en France et dans bon nombre de pays européens, au profit de la fissurectomie.32 Elle est même contre-indiquée dans certaines situations (tableau 2 ).
Un algorithme récapitulatif de la prise en charge de la fissure anale est indiqué dans lafigure 10 .
Cette technique a une efficacité similaire à celle de la fissurectomie.29 Son avantage est que la durée de cicatrisation est bien plus courte, permettant donc une reprise d’activité plus rapide qu’après fissurectomie. Mais elle a deux inconvénients : le premier est de ne pas réséquer les annexes (marisques et papilles hypertrophiques) qui peuvent parfois être une source de gêne pour les patients et de ne pas permettre une analyse histologique de la fissure ; le second est qu’elle expose à un risque d’incontinence anale séquellaire. Ce taux d’incontinence a pu atteindre les 45 % dans certaines séries et dépend de la définition même de l’incontinence,30 mais il est désormais admis qu’il concerne moins de 10 % des patients et que les éventuels troubles sont minimes (fuites de gaz pour l’essentiel).31 Pour autant, cette technique, considérée comme le traitement de choix dans les pays anglo-saxons, du fait de sa simplicité et de son efficacité,12 est aujourd’hui moins pratiquée en France et dans bon nombre de pays européens, au profit de la fissurectomie.32 Elle est même contre-indiquée dans certaines situations (
Un algorithme récapitulatif de la prise en charge de la fissure anale est indiqué dans la
En conclusion
La fissure anale est une pathologie douloureuse et handicapante qui nécessite une prise en charge rapide, cependant souvent retardée en raison d’un sous-diagnostic propre à toutes les pathologies proctologiques mais également en raison de la difficulté de l’examen clinique chez ces patients douloureux. Un traitement médical prolongé reposant sur des laxatifs, des antalgiques, et des topiques doit être envisagé en première intention en dehors des cas particuliers de la fissure hyperalgique ou infectée. Ce traitement est efficace dans plus de 50 % des cas. En cas d’échec, la chirurgie permet de guérir plus de 90 % des patients avec un faible taux de récidive. Le choix entre les deux principales techniques chirurgicales (fissurectomie et sphinctérotomie latérale interne) dépend de quel côté de la Manche (ou de l’Atlantique) on se situe ou auquel on se sent appartenir…
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