Les fibres musculaires lisses de ces derniers peuvent être stimulées :
– soit par le système nerveux autonome, qui déclenche dans le même temps une sudation (flush « humide »).
– soit par l’action directe de certaines substances vasoactives, endogènes ou exogènes (histamine, prostaglandine, catécholamines, sérotonine, calcitonine…) : on parle alors de flush « sec ».
Étiologies bénignes et courantes
Le flush cutané bénin, cause la plus fréquente, est un « érythème pudique » qui survient généralement depuis l’enfance, à l’occasion d’un stress émotionnel. Parfois responsable d’un inconfort important, il est accompagné de sueurs et d’une sensation de bouche sèche.
Les aliments peuvent être également en cause : l’alcool, notamment au sein de certaines populations ayant un déficit génétique de son métabolisme (Asiatiques particulièrement) ; les piment, poivron rouge, aliments riches en amines biogènes (fromages bleus, parmesan, épinards, aubergines), en glutamate monosodique (« syndrome du restaurant chinois ») ; mais aussi les poissons contenant un excès d’histamine et de saurine (toxine) : thon, bonite, maquereau, sardine, anchois, marlin… (En cas de rupture de la chaîne du froid, ils peuvent provoquer une intoxication alimentaire dite scombrotoxisme.) Après chirurgie de réduction gastrique et ingestion excessive de sucre, un « dumping syndrom » s’accompagnant de flush est possible.
Les situations d’hyperthermie se compliquent de flush : exercice physique intense, sauna, fièvre…
De diagnostic clinique, la rosacée est une dermatose faciale fréquente chez l’adulte d’âge moyen, associant anomalies vasculaires et phénomènes inflammatoires. Des flushs d’une durée de quelques minutes, souvent observés au début de la maladie, sont déclenchés par les changements de température, l’ingestion d’alcool ou d’aliments chauds ou épicés. Dans un second temps s’installe une érythrose faciale permanente associée à des télangiectasies (couperose) touchant les régions bombées du visage (partie médiane du front, nez, joues, menton) ainsi que des papulo-pustules inflammatoires de même topographie (
L’évolution est chronique, par poussées, et des complications oculaires, blépharite ou conjonctivite, sont fréquentes.
Certains médicaments provoquent des flushs en lien avec leur mécanisme d’action (
Jusqu’à 80 % des femmes en périménopause rapportent un syndrome climatérique caractérisé par des « bouffées de chaleur» associant flush, sensation de chaleur et sueurs profuses. Ces accès durent quelques minutes, surviennent généralement plusieurs fois sur 24 heures et sont responsables de réveils nocturnes altérant la qualité de vie des patientes.
Causes rares et/ou graves
Il survient en cas de masse tumorale importante (métastases hépatiques) ou de localisation extradigestive (libération des facteurs vasoactifs dans la veine cave inférieure). Symptômes classiques : flushs, diarrhées sécrétoires et, plus rarement, bronchospasme, hypotension, douleurs abdominales, télangiectasies, cardiopathie carcinoïde (insuffisance tricuspidienne et sténose pulmonaire), dépression (liée à la sécrétion de sérotonine).
En cas de tumeur d’origine grêlique, on note typiquement un flush de couleur rouge cerise, d’une durée de 30 secondes à 30 minutes, qui atteint le visage, le cou et la partie supérieure du tronc avant de devenir violacé. Au fur et à mesure des épisodes, il dure plus longtemps et s’étend à tout le corps.
Les carcinomes bronchiques sont responsables de flushs de quelques heures. Le diagnostic repose sur le dosage sérique de chromogranine A, sérotonine, et le taux urinaire d’acide 5-hydroxy- indolacétique (5H1AA). Le scanner peut montrer un syndrome tumoral et/ou une mésentérite rétractile. La scintigraphie à l’octréotide marqué à l’indium 111 fait le bilan d’extension.
Une activation anormale et une prolifération des mastocytes (cellules très riches en substances vasodilatatrices : histamine, substance P, tryptase, prostaglandine D2) peut être en cause. Le syndrome d’activation mastocytaire est défini par la triade :
– symptômes cliniques dus à l’infiltration tissulaire, urticaire pigmentaire, hépatosplénomégalie, cytopénie ; ou liés aux médiateurs libérés, flushs, urticaire aiguë, asthénie profonde, diarrhées, vomissements, douleurs abdominales, signes respiratoires, hypotension, prurit, troubles de l’attention, syncope, œdème de Quincke ;
– élévation récurrente du taux de tryptase sérique ;
– réponse aux antihistaminiques.
La mastocytose systémique (définie par une infiltration tumorale dans un organe autre que la peau) est due à l’activation clonale d’un mastocyte (mutation activatrice D816V sur le récepteur du Stem Cell Factor – facteur de croissance mastocytaire – dit c-Kit ± mastocytes exprimant le CD25). Classée dans les syndromes myéloprolifératifs, elle peut toucher enfants et adultes.
Dans l’urticaire pigmentaire, manifestation clinique la plus commune de la mastocytose, des macules et des papules rouge-brun prurigineuses fixées apparaissent sur les membres et le tronc. Le frottement de ces lésions entraîne leur gonflement transitoire (signe de Darier). Un dermographisme est souvent associé.
Le phéochromocytome est une tumeur rare du système nerveux autonome. Le plus souvent localisé au niveau surrénalien, il est responsable de décharges de catécholamines provoquant HTA, tachycardie, céphalées, sueurs, palpitations, malaise, pâleur, amaigrissement, hyperglycémie. Plus rarement, surviennent nausées, fièvre, flushs en raison de la cosécrétion de peptide vaso-actif intestinal (VIP : vasoactive intestinal peptide), de substance P et d’IL-6. Le diagnostic repose sur le dosage sérique et urinaire de métanéphrines et normétanéphrines. Une scintigraphie à la méta-iodobenzylguanidine (MIBG) permet de le localiser, complétée par le scanner ou l’IRM.
Le VIPome est une tumeur neuro- endocrine qui se développe au niveau du pancréas. La sécrétion du VIP entraîne une diarrhée motrice intense avec déshydratation et amaigrissement, des flushs et un diabète sucré.
Un cancer médullaire de la thyroïde (masse tumorale importante, stade souvent métastatique) peut être responsable d’une forte sécrétion de calcitonine et induire diarrhées motrices et flushs. Le diagnostic est fait alors facilement par le dosage de la thyrocalcitonine et la détection d’un nodule thyroïdien à l’échographie.
Un carcinome rénal peut être aussi à l’origine des symptômes, via la sécrétion de prostaglandines.
En cas d’allergie IgE médiée, les polynucléaires basophiles libèrent des substances vasoactives (histamine surtout) pouvant provoquer des flushs associés au cortège habituel de manifestations anaphylactiques : état de choc, urticaire, angiœdème (larynx, paupière), bronchospasme, rhinite… Attention : un flush isolé ne peut pas être dû à une réaction anaphylactique.
Une hyperthyroïdie peut être également retrouvée (d’autres signes de thyrotoxicose sont évocateurs).
Enfin, certaines pathologies neurologiques sont en cause : migraine, maladie de Parkinson, tumeurs cérébrales, algie vasculaire de la face, syndrome de Frey (apparition de rougeur et/ou de sueur en regard du territoire innervé par le nerf auriculo-temporal après stimulation gustative ; en cause : une réinnervation aberrante, à la suite d’un abcès parotidien, un trauma, une chirurgie mandibulaire…).
Quel bilan ?
Il faut rechercher les signes d’alerte évoquant une étiologie plus rare et parfois grave : apparition à l’âge adulte (sans syndrome climatérique associé), altération de l’état général, syndrome tumoral clinique (adénopathies cervicales, masse abdominale, nodule thyroïdien, hématurie à la bandelette urinaire), urticaire pigmentaire, diarrhée chronique, signes associés aux crises (bronchospasme, hypertension artérielle), certaines particularités cliniques (couleur rouge cerise, violacée).
Le plus souvent, aucun examen complémentaire n’est nécessaire si l’étiologie est évidente et bénigne.2, 3
En cas de signe d’alerte, le bilan, orienté par la clinique, peut comporter (
– dosages sériques : hémogramme, bilan hépatique, glycémie, TSH et T4L, tryptase, métanéphrines, normétanéphrines, chromogranine A, sérotonine, VIP, calcitonine ;
– dosages urinaires des 24 h : métanéphrines, normétanéphrines, 5-HIAA ;
Les résultats de ces examens biologiques sont à analyser avec précaution en raison du risque de faux positifs ou négatifs. Par exemple, une tryptase normale n’élimine pas un syndrome d’activation mastocytaire, la chromogranine A est souvent élevée chez des patients prenant des inhibiteurs de la pompe à protons. Il faut donc refaire les dosages y compris durant les flushs et parfois associer des biopsies selon le contexte (par exemple : cutanée ou digestive avec marquage c-kit si suspicion de mastocytose).
– imagerie (en 2e intention) : échographie de la thyroïde ; scanner à la recherche d’une tumeur carcinoïde (lésion bronchique, grêlique, colique, métastase hépatique), d’un VIPome pancréatique, d’un carcinome rénal, d’un phéochromocytome, d’une tumeur cérébrale ; scintigraphie à la MIBG (phéochromocytome) ou à l’octréotide (tumeur carcinoïde).
1. Médicaments pouvant induire des flushs (liste non exhaustive)
Vasodilatateurs : inhibiteurs calciques, de la phosphodiestérase de type 5, dérivés nitrés.
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ou de la monoamine oxydase (augmentation de la concentration de sérotonine).
Flush par effet antabuse (si combiné à la prise d’alcool) : métronidazole, céphalosporine, gliclazide, kétoconazole.
Substituts nicotiniques, opiacés, corticothérapie systémique, IEC, vancomycine, rifampicine, ciclosporine.
2. Flushs : quels diagnostics différentiels ?
affectant la face, est très rarement extrafaciale. Elle commence par des flushs faciaux, mais le tableau clinique se complète par d’autres signes cutanés (papules, pustules, télangiectasies, rhinophyma, œdèmes chroniques) et s’aggrave par différents facteurs.
s, comme l’urticaire ou l’eczéma, peuvent aussi se manifester par un érythème du visage.
peut être confondue avec le flush, notamment dans ses premières manifestations.
à répercussion systémique comme le lupus érythémateux ou la dermatomyosite.
(CO) peut, par son apparence rosée, mimer un flush.
nfin, le piège d’une phototoxicité ou d’une photoallergie doit être évité.
2. Lafont E, Sokol H, Sarre-Annweiler ME, et al. Causes and differential diagnosis of flush. Rev Med Interne 2014;35:303-9.
3. Huguet I, Grossman A. Management of endrocrine disease: Flushing: current concepts. Eur J Endocrinol 2017;177:R219-R229.
4. Sadeghian A, Rouhana H, Oswald-Stumpf B, Boh E. Etiologies and management of cutaneous flushing: Nonmalignant causes. J Am Acad Dermatol 2017;77:391-402.
5. Sadeghian A, Rouhana H, Oswald-Stumpf B, Boh E. Etiologies and management of cutaneous flushing: Malignant causes. J Am Acad Dermatol 2017;77:405-14.