La présence d’un foramen ovale perméable, à l’origine d’une hypothétique embolie paradoxale, est significativement plus élevée chez les patients ayant eu un infarctus cérébral sans autre cause identifiée. Avec quelles conséquences sur le plan thérapeutique pour prévenir les récidives ?
Le foramen ovale est une ­communication physiologique entre les deux oreillettes permettant durant la vie fœtale l’apport de sang oxygéné d’origine placentaire. Il est amené à se fermer après la naissance lorsque le gradient de pression entre les oreillettes s’inverse. Dans environ 25 % des cas selon les études anatomiques, la fermeture est incomplète, maintenant une communication entre les oreillettes, appelée foramen ovale perméable ou persistant. Ce vestige de la circulation fœtale a été impliqué dans diverses maladies, notamment la survenue d’accidents ischémiques cérébraux.

Foramen ovale perméable et infarctus cérébral cryptogénique

Le foramen ovale perméable a été considéré comme une simple variante anatomique jusqu’à la fin du XIXe siècle lorsque des études anatomiques ont montré que cette communication pouvait permettre à un thrombus veineux de gagner la circulation systémique et provoquer un infarctus cérébral. Le terme d’embolie paradoxale était né. Un regain d’intérêt pour le foramen ovale perméable est venu du développement de l’échocardiographie de contraste dans les années 1980, qui a permis de montrer que sa présence était significativement plus élevée chez les patients ayant un infarctus cérébral sans autre cause identifiée (cryptogénique) que chez des témoins ou des patients ayant un infarctus cérébral de cause connue,1 une association plus forte chez les patients de moins de 55 ans (odds ratio [OR] : 5,1 ; intervalle de confiance [IC] à 95 % : 3,3-7,8) que chez ceux de plus de 55 ans (OR : 2,0 ; IC à 95 % : 1,03-3,7).2

Une association causale ou fortuite ?

Le foramen ovale perméable étant fréquent dans la population générale, sa découverte chez un patient ayant un infarctus cryptogénique ne signifie pas automatiquement qu’il en est la cause. Ainsi, dans une population de patients de moins de 60 ans ayant un infarctus cérébral cryptogénique associé à une perméabilité du foramen ovale dans 40 % des cas, la probabilité que ce soit une constatation fortuite sans lien avec l’infarctus cérébral est de 50 %, si l’on fait l’hypothèse que la prévalence du foramen ovale perméable chez les patients ayant un infarctus cryptogénique non lié à ce foramen perméable est de 25 % comme dans la population générale.2 Pour contourner ce problème, plusieurs travaux ont recherché des caractéristiques cliniques ou échocardiographiques renforçant le lien statistique (et donc la probabilité d’une association causale plus élevée) entre foramen ovale perméable et infarctus cérébral. Concernant les caractéristiques cliniques, le score Risk of Paradoxical Embolism (RoPE, tableau 1) permet d’estimer la probabilité d’une relation causale entre foramen ovale perméable et infarctus cérébral qui est d’autant plus grande que le patient est jeune, qu’il a peu ou pas de facteurs de risque vasculaire classiques et que les caractéristiques de son infarctus cérébral évoquent un mécanisme embolique.3 Concernant les caractéristiques échocardiographiques, la probabilité d’une relation causale est plus ­élevée chez les patients ayant un ­foramen ovale perméable associé à un anévrisme du septum interauriculaire (défini par une hypermobilité du septum inter­auriculaire dont ­l’excursion dans l’une et/ou l’autre oreillette pendant le cycle cardiaque dépasse 10 mm)4 ou un foramen ovale perméable avec un shunt ou un diamètre important.5

Mécanisme des infarctus cérébraux

L’embolie paradoxale est le mécanisme généralement invoqué, mais ce mécanisme reste hypothétique, car une source veineuse d’embolie (un critère clé du diagnostic d’embolie paradoxale) reste indétectable dans la grande majorité des cas. Les autres mécanismes potentiels d’infarctus cérébral lié au foramen ovale perméable sont la formation d’un thrombus dans le tunnel du ­foramen ou sur un anévrisme du ­septum inter­auriculaire associé, ou dans l’auricule gauche, conséquence d’une fibrillation atriale paroxystique ou d’une dysfonction auriculaire secondaires aux anomalies septales. Ces mécanismes restent cependant à documenter.

Prévention des récidives d’infarctus cérébral

Le risque de récidive d’infarctus cérébral sous traitement antiplaquettaire chez les patients de moins de 60 ans est d’environ 1 % par an.6, 7 Le score RoPE ne permet pas d’identifier les patients à haut risque de récidive en rapport avec un foramen ovale perméable. Le risque de récidive diminue quand la valeur du score (c’est-à-dire la probabilité d’un lien causal entre foramen ovale perméable et infarctus cérébral) augmente. Le risque de ­récidive ne semble pas modifié par l’importance du shunt. Il est en revanche plus élevé (2,5 % par an) chez les patients de moins de 60 ans ayant un anévrisme du septum interauri­culaire associé au foramen ovale ­perméable.6, 7 Le risque augmente ­aussi chez les patients de plus de 60 ans, mais cette augmentation ­­reflète probablement en partie les ­comorbidités vasculaires.

Fermeture par voie endovasculaire

Six essais randomisés ont comparé la fermeture du foramen ovale perméable par voie endovasculaire au traitement « antithrombotique »8-13 (tableau 2). Cinq essais ont porté sur des patients âgés de 60 ans ou moins (âge moyen d’environ 45 ans). Dans un essai portant sur 120 patients, la limite supérieure d’âge était de 80 ans, mais près des trois quarts des patients ­inclus avaient moins de 60 ans (âge moyen de 51,8 ans). L’événement ­qualifiant était un infarctus cérébral sans autre cause identifiée qu’un ­foramen ovale perméable, survenu dans les 6 mois (9 mois dans une étude) précédant l’inclusion. Seule une étude a aussi inclus des patients ayant un accident ischémique transitoire. Dans quatre essais, tous les types de foramen ovale perméable étaient éligibles, alors que dans deux essais seuls les patients ayant un foramen ovale perméable avec shunt important ou associé à un anévrisme du septum interauriculaire pouvaient être inclus. Dans deux essais, la fermeture du foramen suivie d’un traitement antiplaquettaire a été comparée au seul traitement antiplaquettaire, alors que dans les quatre autres essais, les patients randomisés dans le groupe « fermeture suivie d’un traitement antithrombotique » (essentiel­lement antiplaquettaire) de durée variable ont été comparés à un groupe de patients qui ont reçu des anticoagulants oraux ou des antiplaquettaires en fonction des préférences du médecin en charge du patient.
La méta-analyse14 de ces essais (3 560 patients) montre que la fermeture du foramen ovale est associée à une réduction relative de 62 % (risque relatif [RR] : 0,38 ; IC à 95 % : 0,17-0,79) du risque de récidive d’accident vas­culaire cérébral (AVC) comparativement au traitement antithrombotique seul. La réduction absolue du risque de récidive d’AVC est seulement d’environ 1 pour 100 personnes-années, car le risque absolu de récidive sous antithrombotiques est lui-même relativement faible (1,3 pour 100 personnes-­années). Ce bénéfice relativement modeste doit cependant être mis en perspective avec une période à risque importante chez ces patients relativement jeunes.
Des complications procédurales « majeures » ont été rapportées chez 2,9 % des 1 844 patients randomisés dans le groupe « fermeture du foramen ». Aucune n’a été responsable d’un décès. Une fibrillation atriale de novo a été constatée chez 5 % des patients randomisés dans le groupe « fermeture » contre 1 % des patients randomisés dans le groupe « traitement antithrombotique seul » (RR : 4,3 ; IC à 95 % : 2,4-7,9). Il s’agissait le plus souvent d’un épisode unique et transitoire de fibrillation atriale survenant dans le mois suivant la procédure. Certains de ces cas pourraient être en rapport avec une fibrillation atriale paroxystique méconnue avant l’infarctus cérébral qualifiant. Parmi les patients ayant eu une fibrillation atriale post-fermeture, 5 % ont eu un AVC récidivant (0,3 % des patients ayant eu une fermeture du foramen). Bien que la plupart de ces fibrillations post-fermeture aient été transitoires, leurs déterminants et leur pronostic devront être précisés par des études complémentaires.

Anticoagulants oraux

Dans l’étude CLOSE,10 qui comportait un bras de randomisation « anticoagulants oraux », les récidives ­d’infarctus cérébral étaient moins fréquentes sous anticoagulants oraux (3/187) que sous antiplaquettaires (7/174), mais la différence n’était pas significative (hazard ratio [HR] : 0,44 ; IC à 95 % : 0,11-1,48 ; p = 0,18). Des méta-analyses incluant aussi les sous-groupes de patients ayant un foramen ovale perméable issus d’études randomisées comparant les anticoagulants oraux aux antiplaquettaires chez des patients ayant un infarctus cryptogénique n’ont pas permis de conclure quant à la supériorité des anticoagulants oraux comparés à l’aspirine.15 Seuls des nouveaux essais randomisés permettront de répondre à la question de l’efficacité des anticoagulants oraux comparés à l’aspirine et à la fermeture du foramen ovale perméable.

Recommandations

Toutes les recommandations s’accordent sur la nécessité d’une étroite collaboration entre neurologues et cardiologues pour vérifier l’exhaustivité et la qualité du bilan neurologique et cardiologique et pour informer le patient sur les risques et bénéfices des différentes options thérapeutiques et l’impliquer dans un processus de décision partagée. Les recommandations proposées par un groupe d’experts de la Société française neuro-vasculaire (SFNV) et de la Société française de cardiologie16 (SFC) figurent dans le tableau 3. Le choix des experts du consensus SFNV-SFC de limiter leur recommandation de fermeture aux patients ayant un foramen ovale ­perméable associé à un anévrisme du septum interauriculaire ou à un shunt important est justifié par le fait que : plusieurs études ont montré que la présence d’un anévrisme du septum interauriculaire ou d’un shunt important augmente la probabilité d’une relation causale entre le foramen ovale perméable et l’infarctus cérébral ; que la présence de cet anévrisme associé à la perméabilité du foramen ovale a été associée à un risque plus élevé d’infarctus récidivant ; et que des méta-analyses des essais randomisés suggèrent que les patients ayant un foramen ovale perméable à haut risque bénéficient plus de la fermeture du foramen que les patients ayant uniquement un shunt minime sans anévrisme du septum interauriculaire.
Les recommandations de l’European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions17 (EAPCI) et de l’American Academy of Neurology18 étendent la limite d’âge de 65 ans et ne précisent pas l’ancienneté de l’infarctus cérébral. L’EAPCI retient les accidents ischémiques transitoires (AIT) et suggère la prise en compte d’un anévrisme du septum interauriculaire dans la décision, alors que l’American Heart Asso­ciation ne retient pas les AIT et suggère la prise en compte d’un shunt important dans la décision. Lorsqu’une option médicale est prise, une décision individualisée est ­recommandée concernant le choix entre anticoagulants oraux et antiplaquettaires.

Des questions persistent

Les essais récents ont enfin apporté des réponses aux questions sur le rôle causal (désormais démontré) du foramen ovale perméable et de l’anévrisme du septum interauriculaire dans la survenue d’un infarctus cérébral et sur le bénéfice de la fermeture du foramen chez les patients de moins de 60 ans ayant un infarctus cérébral par ailleurs inexpliqué. Toutes les questions ne sont cependant pas résolues. Elles concernent notamment l’identification des ­patients (≤ 60 ans) qui bénéficient le plus, peu ou pas du tout de la fermeture du foramen, le bénéfice de la fermeture chez les patients non ­inclus dans les essais thérapeu­-tiques (patients de plus de 60 ans, ceux ayant une cause alternative d’AVC…), le bénéfice des anticoagulants oraux comparativement à la fermeture du foramen et le pronostic des fibrillations atriales induites par la fermeture du foramen. 
Références
1. Lechat P, Mas JL, Lascault G, et al. Prevalence of patent foramen ovale in patients with stroke. N Eng J Med 1988;318:1148-52.
2. Alsheikh-Ali AA, Thaler DE, Kent DM. Patent foramen ovale in cryptogenic stroke: incidental or pathogenic? Stroke 2009;40;2349-55.
3. Kent DM, Ruthazer R, Weimar C, et al. An index to identify stroke-related vs incidental patent foramen ovale in cryptogenic stroke. Neurology 2013;81:619-25.
4. Cabanes L, Mas JL, Cohen A, et al. Atrial septal aneurysm and patent foramen ovale as risk factors for cryptogenic stroke in patients less than 55 years of age. A study using transesophageal echocardiography. Stroke 1993;24:1865-73.
5. Goel SS, Murat Tuzcu E, Shishehbor MH, et al. Morphology of the patent foramen ovale in asymptomatic versus symptomatic (stroke or transient ischemic attack) patients. Am J Cardiol 2009;103:124-9.
6. Mas JL, Arquizan C, Lamy C, et al.; Patent Foramen Ovale and Atrial Septal Aneurysm study group. Recurrent cerebrovascular events associated with patent foramen ovale, atrial septal aneurysm, or both. N Engl J Med 2001;345:1740-6.
7. Turc G, Lee JY, Brochet E, Kim JS, Song JK, Mas JL; on behalf of the CLOSE and DEFENSE-PFO trial investigators. Atrial septal aneurysm, shunt size, and recurrent stroke risk in patients with patent foramen ovale. J Am Coll Cardiol 2020;75:2312-20.
8. Furlan AJ, Reisman M, Massaro J, et al; for the Closure I investigators. Closure or medical therapy for cryptogenic stroke with patent foramen ovale. N Engl J Med 2012;366:991-9.
9. Meier B, Kalesan B, Mattle HP, et al; for the PC trial investigators. Percutaneous closure of patent foramen ovale in cryptogenic embolism. N Engl J Med 2013;368:1083-91.
10. Saver JL, Carroll JD, Thaler DE, et al; for the RESPECT investigators. Long-term outcomes of patent foramen ovale closure or medical therapy after stroke. N Engl J Med 2017;377:1022-32.
11. Mas JL, Derumeaux G, Guillon B, et al; for the CLOSE investigators. Patent foramen ovale closure or anticoagulation vs. antiplatelets after stroke. N Engl J Med 2017;377:1011-21.
12. Sondergaard L, Kasner SE, Rhodes JF, et al; for the Gore REDUCE investigators. Patent foramen ovale closure or antiplatelet therapy for cryptogenic stroke. N Engl J Med 2017;377:1033-42.
13. Lee PH, Song JK, Kim JS, et al. Cryptogenic stroke and high-risk patent foramen ovale: the DEFENSE PFO trial. J Am Coll Cardiol 2018;781:2335-42.
14. Turc G, Calvet D, Guérin P, Sroussi M, Chatellier G, Mas JL; on behalf of the CLOSE investigators. Closure, anticoagulation, or antiplatelet therapy for cryptogenic stroke with patent foramen ovale: systematic review of randomized trials, sequential meta-analysis, and new insights from the CLOSE study. J Am Heart Assoc 2018;7:e008356.
15. Diener HC, Chutinet A, Easton JD, et al. Dabigatran or aspirin after embolic stroke of undetermined source in patients with patent foramen ovale: results From RE-SPECT ESUS. Stroke 2021 Jan 28;STROKEAHA120031237. PMID: 33504190
16. Mas JL, Derex L, Guérin P, et al. Transcatheter closure of patent foramen ovale to prevent stroke recurrence inpatients with otherwise unexplained ischaemic stroke: Expert consensus of the French Neurovascular Society and the French Society of Cardiology. Arch Cardiovasc Dis 2019;112:532-42.
17. Pristipino C, Sievert H, D’Ascenzo F, et al. European position paper on the management of patients with patent foramen ovale. General approach and left circulation thromboembolism. Eur Heart J 2019;40:3182-95.
18. Messé SR, Gronseth GS, Kent DM, et al. Practice advisory update summary: Patent foramen ovale and secondary stroke prevention. Neurology 2020;94:876-85.

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Résumé

Le foramen ovale perméable est un vestige de la circulation fœtale, dont le rôle dans la survenue d’infarctus cérébraux est désormais bien établi. Sa fermeture par voie endovasculaire suivie d’un traitement antiplaquettaire au long cours réduit d’environ 60 % par rapport à un traitement antithrombotique seul le risque de récidive chez les patients âgés de 60 ans ou moins ayant un infarctus cérébral attribué à un foramen ovale perméable. Les patients ayant un foramen ovale perméable associé à anévrisme du septum auriculaire et ceux ayant un foramen ovale perméable isolé avec shunt important pourraient être les meilleurs candidats. La supériorité des anticoagulants oraux comparativement à l’aspirine est incertaine. Leur bénéfice, comparativement à la fermeture du foramen, est inconnu. D’autres études sont nécessaires notamment pour : définir précisément les patients qui bénéficient le plus, peu ou pas du tout de la fermeture du foramen ovale perméable ; évaluer le pronostic à long terme des fibrillations atriales induites par la fermeture du foramen ovale perméable ; évaluer le bénéfice de la fermeture chez les patients non inclus dans les essais thérapeutiques, notamment ceux de plus de 60 ans ; et pour évaluer le rôle des anticoagulants oraux comparativement à l’aspirine et à la fermeture du foramen.