Après 20 ans de polémiques, le débat sur les génériques semble s’apaiser, avec l’apparition de nouvelles règles de prescription précisant les cas particuliers de non-substitution. Les biosimilaires doivent, pour leur part, faire la preuve de leur équivalence thérapeutique par des essais cliniques, tandis que les débats portent sur l’extension de leurs indications et leur interchangeabilité.
Les Français semblent s’accoutumer, sans qu’on puisse encore parler d’adhésion, à l’utilisation des génériques lorsque la situation, de plus en plus fréquente, s’y prête. Et cela, au terme d’un long cheminement de près de deux décennies, émaillé de la part des uns de réticences, de freins et de polémiques, de la part des autres d’incitations, de conventions et de textes réglementaires. La récente crise dite du Levothyrox puis celle, plus confidentielle, du valsartan, n’auront fort heureusement pas eu les répercussions délétères redoutées, et l’ambiance est à l’apaisement sinon à la lassitude. Pour ce qui est de l’arrivée et du déploiement des biosimilaires, on était en droit d’espérer que la pédagogie des autorités sanitaires, bénéficiant de l’expérience acquise durant la saga des génériques, permettrait d’instaurer la nécessaire confiance des prescripteurs et des patients. C’était sans compter la palinodie observée en matière d’interchan­geabilité, laquelle a bien failli, par sa frilosité, jeter la suspicion et ­compromettre cette confiance si ­difficile à conquérir.

Génériques : le calme après les escarmouches

Le débat scientifique actuel : excipients et bioéquivalence…

On peut considérer la définition du générique comme pérenne avec les années. Seule une explicitation ­portant sur les formes pharmaceutiques concernées est intervenue depuis l’origine : les médicaments pris par voie orale dont le principe actif est libéré immédiatement (par exemple gélule ou comprimé) sont considérés comme une même forme pharmaceutique.1
Le générique d’un médicament original (princeps) a la même compo­sition qualitative et quantitative en principe actif que lui. Il ne peut en différer que par son (ou ses) ­excipient(s), lesquels n’ont aucune activité pharmacologique recherchée et ne sont destinés qu’à contribuer à la qualité pharmaceutique du produit, en particulier à sa stabilité, et à éventuellement favoriser son absorption par l’organisme. Certains de ses excipients sont intéressants dès lors qu’ils permettent, par exemple, d’optimiser la taille ou le goût de l’unité de médicament. D’autres peuvent avoir un risque accru de mauvaise tolérance chez certains patients sensibles identifiables. Ce sont les excipients à effets notoires, dont la présence est repérable dans la notice et sur le conditionnement.
Dans la pratique, l’identité de compo­sition et de dosage ne suffit pas au générique pour mériter sa définition et sa mise sur le marché. Tout candidat générique doit démontrer une efficacité équivalente à celle de son princeps par la mise en évidence de sa bioéquivalence de disponibilité, c’est-à-dire de la quantité de principe actif disponible dans le sang et de la vitesse à laquelle ce principe actif atteint la circulation sanguine. Cette bioéquivalence, admise si elle se situe dans les limites réglementaires imposées mais qui ne sauraient par définition correspondre à une stricte équivalence, est parfaitement acceptable dans la grande majorité des cas, permettant raisonnablement d’augurer une équivalence des effets cliniques du prin­ceps et de son générique.
Mais le problème se pose pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, c’est-à-dire ceux pour lesquels la différence entre la dose efficace et la dose toxique est faible. Dans ces conditions, toute variation même ­minime de leur concentration dans l’organisme peut entraîner des effets indésirables parfois sévères. Sans revenir sur les polémiques qui ont suivi la mise sur le marché d’une nouvelle présentation du Levothyrox (médicament à marge thérapeutique étroite) caractérisée par un changement d’excipients destiné à assurer une meilleure stabilité au principe actif, ni sur la nature ou les causes des effets indésirables notifiés qui en ont résulté, force est de constater que les critères réglementaires imposés par les autorités de santé pour la démonstration d’une bioéquivalence font actuellement à bon droit l’objet de débats. Car il est notoire qu’ils ne prennent pas suffisamment en compte les variabilités intra- et inter- individuelles : d’une part, les études imposées ne portent que sur des sujets sains, d’autre part, leur nombre, par le lissage des résultats qu’il entraîne, n’autorise de conclusions « qu’en moyenne » mais non pour un sujet particulier.

… Alors que, précédemment, les freins étaient plutôt comportementaux et sociologiques

Mais, lors de leur introduction, ce n’était ni les critères de bioéquivalence ni même la nature des excipients qui nourrissaient les débats houleux et fournissaient du grain à moudre aux opposants aux génériques. Il fallait compter davantage avec les convictions personnelles des acteurs, leur niveau culturel et scientifique, mais aussi avec les influences familiales et de l’entourage et déjà celles des réseaux sociaux.2, 3

Des médicaments au rabais ?

Leur premier argument, le plus simpliste, était que les prix des génériques, si inférieurs à ceux des princeps, ne pouvaient que faire ­douter de leur qualité et de leur efficacité. On rappelle à ce propos que la décote actuelle du prix du générique tend vers - 60 % par rapport au prix initial du princeps et que le prix du princeps baisse alors lui-même de l’ordre de 20 % lorsque son générique devient disponible. Il leur semblait qu’un médicament « au rabais » ne pouvait revendiquer les vertus de son modèle. Du reste, ils prétendaient mériter mieux que d’être soignés « au rabais ». C’était bien mal comprendre une conséquence pourtant élémentaire de la perte du brevet d’un médicament. Un médicament original dont le brevet est tombé dans le ­domaine public au bout de 10 à 15 ans peut être copié. Dans ces conditions, on conçoit que les revendications de prix des copieurs ne puissent s’aligner sur celles des firmes ayant ­préalablement chèrement financé la recherche et le développement des princeps. Il en résulte donc, tout naturellement, une économie appréciable pour l’Assurance maladie. Mais c’est justement parce que l’argument des pouvoirs publics en faveur de la promotion des génériques était essentiellement d’ordre financier que la suspicion prenait corps : la santé des populations était sacrifiée à de basses considérations ­budgétaires ou peut-être même à des intérêts particuliers. On suspectait des collusions, voire des corruptions. On suspectait aussi les autorités compétentes de ne pas contrôler la fabrication et la qualité pharmaceutique des génériques avec autant de rigueur que celles des princeps. Face au dénigrement ambiant dont les génériques étaient victimes, les firmes exploitant les princeps, soucieuses d’exploiter le plus longtemps possible leurs produits en dehors de toute concurrence, contribuaient souvent elles-mêmes à nourrir suspicion et inquiétude chez les prescripteurs par le biais de la visite médicale vantant la crédibilité et la supériorité des médicaments de marque. C’était faire semblant d’ignorer que, dans nombre de cas, ce sont les mêmes usines situées hors de l’Hexagone qui fabriquent, en sous-traitance, les mêmes principes actifs destinés la fois aux princeps et à leurs génériques. Il aura fallu l’épisode du retrait du marché de certains génériques à base de valsartan pour le motif de la présence d’impuretés cancérigènes, puis la pandémie de Covid-19 pour faire émerger l’information inquiétante de notre dépendance en matière d’approvision­nement de médicaments.

Risques de confusion

Des expériences individuelles défavorables en matière de tolérance, ne relevant parfois que de l’anecdote, étaient promues par des médias au rang de réactions habituelles ou fréquentes, face à une pédagogie souvent maladroite et rarement convaincante des institutions et pouvoirs publics. Dans le domaine des maladies chroniques, en particulier chez les sujets âgés, ce qui représente plusieurs millions de patients, nombreux étaient ceux qui, équilibrés et stabilisés par leurs traitements habituels à base de princeps, s’opposaient à tout changement dans le libellé de leurs ordonnances médicales, y compris celui du nom de leurs médicaments : la moindre modification leur faisait ­redouter une aggravation de leur état de santé.4 Sans compter que, à la suite des accords passés entre génériqueurs et pharmaciens d’officine, légitimes à première vue, mais qui n’étaient souvent qu’éphémères, un patient pouvait se voir proposer, d’un renouvellement d’ordonnance à l’autre, deux génériques d’aspect et de couleur différents. Il en résultait un risque de confusion possiblement délétère en cas de polymédication et de troubles cognitifs. Cette situation préoccupait du reste les prescripteurs, dont seule une petite minorité doutait de la qualité des génériques par manque d’information, mais qui surtout subissait à son corps défendant une pression très forte – le terme n’est pas excessif – de la part de nombreux patients désireux d’échapper aux génériques et d’obtenir la prescription du « Graal », c’est-à-dire le princeps. Et l’on voyait fleurir de très nombreuses ordonnances portant de manière injustifiée, sinon abusive, la mention « non substituable ». En fait, on doit à la vérité de dire que l’attachement bien compréhensible du public au nom de marque des ­médicaments (celui du princeps) se doublait aussi de celui du corps des prescripteurs, insuffisamment formés à connaître et à utiliser le seul vrai nom opérationnel du médicament, sa dénomination commune internationale.

2021 : vers l’apaisement. Le générique en routine ?

La pédagogie aura fait long feu et, plus que le bon sens, ce sont les incitations, le recul et les textes réglementaires qui, paradoxalement, ont pacifié la situation. D’abord, le conseil du pharmacien et son droit de substi­tution ont joué un rôle essentiel, ­d’autant que ce droit permettait par ailleurs au prescripteur d’échapper à l’obligation de prescrire en dénomination commune, ce qui, lorsque la prescription d’une association fixe de médicaments se révèle pertinente, devient un exercice passablement complexe. Ensuite, une évolution favorable des prescripteurs, devenus proactifs et convaincants dans le ­domaine de la promotion des génériques auprès de leurs patients. À noter que cette évolution a été favorisée par l’instauration de conventions passées avec l’Assurance maladie intéressant financièrement les prescripteurs mais avec obligation de résultats. Enfin, des textes sécurisent ces prescriptions et les rendent plus opérationnelles.
C’est ainsi que depuis 2020,5 afin de tenir compte d’un certain nombre de cas particuliers (mais quel patient n’est pas susceptible d’être un cas particulier ?), et sans doute de ménager les derniers réfractaires, trois types de situations médicalement justifiées permettent d’échapper à une prescription générique possiblement délétère et de faire l’objet de la prescription d’un princeps avec la mention « non substituable » sur ­l’ordonnance : en cas de médicament à marge thérapeutique étroite, dont une liste a été établie (thyroxine, ­antiépileptiques…) ; chez l’enfant de moins de 6 ans si aucun générique n’a de forme adaptée ; chez les patients ayant une contre-indication formelle et démontrée à un excipient à effet notoire, lorsque le princeps ne comporte pas cet excipient. L’identification des situations 2 et 3 demandera sans doute beaucoup de discernement de la part des prescripteurs, et seul le recul nécessaire nous permettra de savoir si le système est suffisamment opérationnel.
Hormis ces situations, le patient qui refuse le générique ne bénéficie pas du tiers payant et ne sera remboursé par l’Assurance maladie qu’à concurrence du prix du générique le plus cher, cela ne s’appliquant que deux ans après la publication du prix du premier générique du groupe, afin de ne pas défavoriser les génériques face aux princeps qui décideraient d’aligner leurs prix.5 C’est ce que l’on dénomme la politique du « tiers payant contre générique ».
Une telle évolution des comportements et de la réglementation a déjà permis au marché des seuls génériques de s’établir en 2019 à 3,5 milliards d’euros (5,1 milliards si l’on inclut les princeps concernés dont les prix ont conjointement baissé avec l’arrivée de leurs génériques), avec un taux de pénétration des génériques dans le répertoire de 80,8 % et un nombre de boîtes vendues de plus 1,1 milliard. Selon le Comité économique des produits de santé, en 2019, plus d’une boîte sur trois délivrée par les officines de ville est un générique.6 Mais les économies induites suffiront-elles pour autant à financer les innovations onéreuses ?

Biosimilaires : une excessive frilosité

En matière de médicaments biologiques, il faut rappeler que les biosimilaires ne sont pas des génériques. Ils ont certes la même composition qualitative et quantitative en substance active et la même forme pharmaceutique que leurs princeps, mais ils en diffèrent par la variabilité de la matière première et les procédés de fabrication.1, 7 C’est pourquoi leurs autorisations de mise sur le marché, une fois le brevet de leur princeps tombé dans le domaine public, requièrent davantage d’exigences que celles, assez rudimentaires, dont bénéficient les génériques. Car, en plus d’avoir à démontrer leur équivalence biologique à celle du princeps, ils doivent faire la démonstration de leur équivalence thérapeutique par des essais cliniques. Les bornes de cette équivalence thérapeutique,qui sont en règle de plus ou moins 15 % sur le critère principal d’évaluation et qui doivent être justifiées, sont destinées à s’assurer que le bénéfice clinique résultant de leur utilisation est de l’ordre de celui antérieurement manifesté par le princeps versus placebo dans son dossier d’autori­sation de mise sur le marché.8

Technologie non contestable mais une extrapolation d’indications qui questionne

De telles exigences de la part des ­autorités d’enregistrement semblent naturelles et ne prêtent guère à discussion. En revanche, l’extrapolation par assimilation, au bénéfice du biosimilaire, de l’ensemble des indications thérapeutiques du princeps, alors que le biosimilaire n’a été cliniquement testé que dans une seule indication ne va pas de soi et pose problème. Il s’avère en effet que les princeps ont pu se voir reconnaître avec le temps, bien avant l’expiration de leur brevet, de multiples indications thérapeutiques à la suite d’études ­cliniques conclusives dans chacune de ces indications. L’infliximab, ­l’étanercept ou l’adalimumab8 sont, par exemple, indiqués dans plusieurs types de rhumatismes inflammatoires chroniques et pas seulement dans la polyarthrite rhumatoïde. Pourtant, on ne demande aux biosimilaires des princeps concernés de fournir de preuves d’équivalence que dans le cadre d’une seule de leurs indications, considérée comme étant la référence clinique privilégiée. Dans l’exemple choisi, c’est la polyarthrite rhumatoïde et elle seule. Les choix de telles situations cliniques de référence ne sont pas anodins et supposent un consensus scientifique. On comprend toutefois que certaines réserves ou réticences aient pu se ­manifester face à cette problématique.
Quoi qu’il en soit, les débats suscités par l’arrivée des biosimilaires n’ont jamais été du même ordre que ceux suscités par les génériques. D’abord, s’agissant de la fabrication de biomédicaments, domaine de haute technologie, et non d’une simple synthèse chimique comme dans le cas des génériques, les procès d’intention pour un éventuel manque de rigueur dans le domaine de la qualité pharmaceutique ne pouvaient guère avoir d’écho ni susciter de défiance ou de suspicion dans le grand public et les médias ­généralistes. Ensuite, il n’est pas ­avéré que tel procédé de fabrication d’un biosimilaire l’emporte sur tel autre, qu’il concerne un biosimilaire concurrent ou le princeps. Celui du princeps n’a guère en sa faveur que son antériorité. Enfin, le caractère limité et particulier de la population cible des patients atteints des maladies justiciables de ces traitements, de même que les rapports étroits, ­privilégiés et confiants qu’ils entretiennent avec leurs soignants ne laissent, en règle générale, guère de place au scepticisme ou au refus. D’autant que cette population de patients, largement sensibilisée aux coûts des traitements dont elle bénéficie, est mieux à même que l’ensemble des citoyens de comprendre et d’admettre l’intérêt économique de produits dont la décote initiale de prix est de l’ordre de 30 % à l’hôpital et de 40 % en ville, suivie d’un calendrier de décote dit « au fil de l’eau ».6 Elle voit aussi un autre avantage non ­négligeable au déploiement des bio­similaires : leur existence, en aug­mentant les sources de production, limite les risques de rupture d’approvisionnement de produits dont ils sont hautement tributaires.

L’interchangeabilité : un débat perturbant

Les débats sont en fait venus d’où on ne les attendait pas, en rapport avec la notion d’interchangeabilité. En effet, dès lors qu’un biosimilaire a été acté comme équivalent à son princeps et que son utilisation n’a montré ni effets indésirables inattendus ou ­préoccupants, ni immunogénicité susceptible de compromettre son ­efficacité à long terme, on ne voit pas pourquoi l’interchangeabilité ferait l’objet de réserves et subirait des freins, sauf à penser que les autorités responsables se défient des résultats des évaluations. Or, si une primo­prescription par un princeps ou son biosimilaire indifféremment n’a ­jamais semblé poser un problème, le remplacement du princeps par son biosimilaire en cours de traitement chez un patient a suscité, dès l’origine, des craintes et des réserves, ­essentiellement de la part des auto­rités de santé. En France, cette interchangeabilité, un temps considérée à risque par l’Agence nationale de sécurité des produits de santé, récusée dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2016, n’a finalement été autorisée que dans celle de 2017 (sans plus de données scientifiques pour autant), assujettie à la traçabilité des administrations des produits et à l’information des patients.8 Encore ne concerne-t-elle que le couple biosi­milaire et son princeps et non les ­biosimilaires entre eux. De telles contorsions réglementaires constituent, dans le contexte que nous avons rappelé à propos des génériques, un manque de cohérence et une palinodie. Elles n’ont pu que constituer un signal de défiance envers ces médicaments en direction des prescripteurs comme des patients et un frein à leur utilisation.

Économies attendues : il y a encore de la marge

Les économies induites par les biosimilaires en faveur de l’Assurance maladie n’ont certainement pas atteint l’ampleur de celles imputables aux génériques. La décote de prix, moins importante que celle des ­génériques, s’explique aisément par le fait que le coût de fabrication de ces deux types de médicaments, les uns chimiques et les autres biologiques, n’est pas du même ordre. Par ailleurs, le nombre de patients concernés par les biosimilaires reste limité par rapport aux effectifs de patients atteints par exemple d’hypertension artérielle ou de ­diabète de type 2. Toutefois, l’expiration prochaine du brevet de nombreux princeps fort onéreux laisse augurer une évolution favorable. Les premières autorisations de mise sur le marché de biosimilaires datent de 2006, et on en comptait une soixantaine fin 2019. Le coût des ­médicaments biologiques ayant été en France de 7 milliards d’euros en 2019 dont seulement 777 millions pour les biosimilaires,9 des marges existent donc. Encore faudra-t-il qu’en dépit de l’existence de procédures d’intéressement financier hospitalières en faveur de l’utilisation des biosimilaires, les ordonnances de sortie de l’hôpital soient vertueuses, ce qui est loin d’être actuellement le cas. En effet, même si la mise en concurrence ne fait ­retenir par l’hôpital que le moins coûteux, ce dernier ne correspond pas toujours, loin de là, au moins onéreux au tarif de ville. Le produit retenu peut même être un princeps que la firme pharmaceutique exploitante aura su rendre attractif pour les finances hospitalières, avec l’arrière-pensée que c’est lui qui figurera le plus souvent sur l’ordonnance de sortie.10 Il s’agit alors d’un effet pervers que l’absence de droit de substitution du pharmacien, dans le cas des biosimilaires, ne permet pas de rectifier, sans compter la mauvaise image produite par ce vecteur de diffusion des biosimilaires que devrait être l’hôpital. 

Possibilité pour le pharmacien de recourir à la mention « non substituable » pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, en l’absence d’une mention « non substituable » par le prescripteur

Encadre

Annexe : Règles de dispensation et de substitution des médicaments génériques

https://www.ameli.fr/paris/medecin/exercice-liberal/presciption-prise-charge/medicaments-generiques/regle-dispensation-substitution-medicaments-generiques

La dispensation et la substitution de médicaments génériques obéissent à des règles particulières.

Règles de substitution

Depuis 1999, les pharmaciens sont autorisés à substituer un médicament générique à celui prescrit, à condition que ce médicament soit dans le même groupe générique et que le médecin n’ait pas exclu cette possibilité par ­l’apposition de la mention « non substituable » sur l’ordonnance accompagnée du ­motif médical, sous forme d’acronyme, justifiant ce refus de substitution.

Pour limiter le risque de confusion par le patient, le pharmacien doit indiquer sur l’ordonnance le nom du médicament qu’il a délivré (voir l’article L5125-23 du code de la santé publique sur le site legifrance.gouv.fr).

Les pharmaciens sont encouragés à substituer les médicaments d’origine par des médicaments génériques, et des objectifs sont fixés depuis 2006, dans le cadre de la convention nationale entre l’Assurance maladie et les pharmaciens.

L’objectif de taux de substitution fixé par les pouvoirs publics est ­aujourd’hui de 90 %.

En 2018, le taux moyen de substitution était de 88,4 %.


Prise en compte des excipients à effet notoire

Lors de la substitution, le pharmacien doit prendre en compte la présence dans le médicament choisi ­(médicament d’origine ou générique) des excipients à effet notoire.

– Pour la substitution d’un médicament d’origine ne contenant pas d’excipient à effet notoire, il est ­recommandé de choisir un médicament générique ­dépourvu de tout excipient à effet notoire.

– Pour la substitution d’un médicament d’origine contenant un ou ­plusieurs excipients à effet notoire, il est recommandé de choisir un ­médicament générique contenant le ou les même(s) excipient(s) à effet notoire ou un médicament générique partiellement ou totalement dépourvu de ces excipients à effet notoire.

Cependant, si le patient ne présente pas de risque de survenue d’effets indésirables liés à ces excipients à effet notoire, la substitution par un médicament ­générique contenant un ou plusieurs excipients à effet notoire est possible.


Répertoire des médicaments génériques

Le répertoire des médicaments génériques est un outil mis à la disposition des professionnels de santé. Il a pour objet de faciliter la prescription par le médecin et la substitution par le pharmacien en identifiant dans un même groupe le médicament d’origine et l’ensemble des médicaments génériques correspondants.

L’inscription par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) d’un médicament générique au sein du répertoire garantit le fait qu’il peut se substituer au médicament d’origine dans les mêmes conditions d’efficacité, de sécurité d’emploi et de qualité. Le répertoire contient tous les médicaments génériques autorisés par l’ANSM. Cependant, certains peuvent ne pas être commercialisés par les laboratoires détenteurs de l’autorisation de mise sur le marché (AMM).

Les accès possibles :

– pour consulter la liste complète des médicaments ­inscrits au répertoire des médicaments génériques ­(commercialisés ou non) : consultez la page Répertoire génériques sur le site ansm.sante.fr ;

– pour effectuer une recherche complète sur un médi­cament commercialisé (générique ou non) : consultez le site Base de données publiques des médicaments, avec deux entrées possibles (par nom de médicament et par nom de substance active). Dans la fiche info de chaque médicament faisant partie du répertoire, le paragraphe « Groupe(s) générique(s) » permet d’accéder à la liste des médicaments du groupe et à toutes les informations les concernant : résumé des caractéristiques du produit, notice d’information du patient, prix, service médical rendu…


Cas particuliers

Dans certaines situations, la substitution nécessite des précautions particulières, et parfois même le ­pharmacien peut être autorisé à recourir à la mention « non substituable » pour ne pas substituer.

Les médicaments dits « à marge thérapeutique étroite » sont ceux pour lesquels l’intervalle de confiance qui ­permet de juger de la bioéquivalence est resserré. Ces médicaments se ­caractérisent en effet par des concentrations toxiques ou inefficaces proches des concen­trations efficaces. De ce fait, de faibles variations de dose ou de concentration peuvent entraîner une modification du rapport bénéfices-risques.

Dans cette logique, tout changement au cours du traitement doit être réalisé avec précaution, qu’il s’agisse du passage d’un médicament d’origine vers un autre, d’un médicament d’origine vers une spécialité générique ou d’une spécialité générique vers une autre. L’adaptation de la posologie est sensible aussi bien pour le médicament générique que pour le médicament d’origine.

Pour en savoir plus sur les précautions de substitution des médicaments à marge thérapeutique étroite :

– une mention d’information Pharmaciens : substitution des médicaments antiépileptiques dans l’épilepsie (PDF) disponible sur le site ansm.sante.fr ;

– la page Recommandations sur la substitution des spécialités à base de lévothyroxine sodique sur le site ansm.sante.fr.

Le pharmacien peut, depuis l’arrêté du 30 janvier 2020, ne pas proposer la substitution à un patient, même en l’absence d’une mention « non substituable » par le prescripteur, afin d’assurer la stabilité de la dispensa­-tion pour les patients déjà traités et stabilisés par un médicament à marge thérapeutique étroite (MTE), à l’exclusion des phases d’adaptation du traitement, et uniquement pour les médicaments comportant les principes actifs autorisés avec le ­motif « non substituable (MTE) » (liste en annexe de l’arrêté du 12 novembre 2019).

Il s’agit des principes actifs suivants :

– lamotrigine, lévétiracétam, prégabaline, topiramate, valproate de sodium et zonisamide (des antiépileptiques) ;

– lévothyroxine (une hormone thyroïdienne) ;

– azathioprine, ciclosporine, évérolimus, mycophénolate mofétil et mycophénolate sodique (des immunosuppresseurs) ;

– buprénorphine (un traitement substitutif aux opiacés).

Le pharmacien doit alors indiquer la mention « non ­substituable (MTE-PH) » sur l’ordonnance, sous forme manuscrite, et en informer le prescripteur.

Conscients des risques potentiels de confusion pouvant être entraînés par un changement de conditionnement ou de forme galénique auprès des personnes âgées, les pharmaciens se sont engagés dans le cadre de la convention nationale avec ­l’Assurance maladie à assurer la ­stabilité de la dispensation auprès des personnes âgées de plus de 75 ans, sur un certain nombre de molécules utilisées dans le traitement des pathologies chroniques : diabète de type 2, hypercholestérolémie, hyper­tension artérielle, insuffisance cardiaque chronique…

Les 14 molécules ou associations de molécules concernées à ce jour font partie des indicateurs de la Rosp pharmaciens : atorvastatine, clopidogrel, duloxétine, escitalopram, gliclazide, lercanidipine, metformine, montélukast, pravastatine, quétiapine, ramipril, répaglinide, rosuvastatine, simvastatine.

En 2018, 96 % des patients de plus de 75 ans ont reçu la même marque de médicament générique pour ces ­molécules.

Pour en savoir plus sur la stabilité de la dispensation, consultez la Convention nationale des pharmaciens ­titulaires d’officine (espace pharmaciens) qui organise les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’Assurance maladie. 

Références
1. Haute Autorité de santé. Médicaments génériques. Les médicaments biosimilaires. https://www.ansm.sante.fr
2. Allenet B, Golay A. What are patients’ attitude toward generic drug? The example of metformin. Rev Med Suisse 2013;9:1005-9.
3. Beauvais V, Marque A, Ferte G, et al Factors influencing the use of the “not for generic substitution” mention for prescriptions in primary care: a survey with general practitioners. BMC Health Serv Res 2018;18:850.
4. Paraponaris A, Verger P, Desquins B, et al.; Panel MG Paca. Delivering generics without regulatory incentives? Empirical evidence from French general practitioners about willingness to prescribe international non-proprietary names. Healthpol 2004;70:23-32.
5. Loi du 24 décembre 2019 de financement de la Sécurité sociale pour 2020. Journal officiel de la République française, 29 décembre 2019.
6. Comité économique des produits de santé. Rapport d’activité 2019, septembre 2020. solidarites-sante.gouv.fr
7. Haute Autorité de santé. Les médicaments biosimilaires. https:/:www.has-sante.fr
8. Lechat P. Médicaments biosimilaires : enjeux réglementaires et impacts médicoéconomiques. Bull Acad Natl Med 2020;204:877-83.
9. GEMME. Dossier de presse 28 janvier 2020.
10. Dahmouh A. Médicaments biosimilaires : l’hôpital, premier vecteur de leur diffusion. Études et Résultats. Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS) 2019:n° 1123.

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Résumé

Les Français semblent s’accoutumer à l’utilisation des génériques au terme d’un cheminement de près de deux décennies émaillé de réticences, de freins comportementaux, de polémiques, mais aussi d’incitations, de conventions et de textes réglementaires. La récente crise dite du Levothyrox n’aura fort heureusement pas eu les répercussions délétères redoutées et l’ambiance est à l’apaisement sinon à la lassitude. Seuls trois types de situations médicalement justifiées permettent de leur échapper : en cas de médicament à marge thérapeutique étroite ; chez l’enfant de moins de 6 ans si aucun générique n’a de forme adaptée ; chez les patients ayant une contre-indication démontrée à un excipient à effet notoire, lorsque le princeps ne comporte pas cet excipient. Pour ce qui est du déploiement des biosimilaires, les débats ne sont pas venus d’où on les attendait c’est-à-dire de l’extrapolation au bénéfice du biosimilaire, de l’ensemble des indications thérapeutiques du princeps, alors que le biosimilaire n’a été cliniquement testé que dans une seule de ces indications. Ils ont résulté de la palinodie des autorités de santé à propos de leur interchangeabilité. Une palinodie qui, loin de favoriser leur prescription, a bien failli susciter la défiance des patients.