Depuis la découverte des deux premiers antigènes de groupe sanguin A et B par Karl Landsteiner en 1900, plus de 350 antigènes ont été mis en évidence et 36 systèmes de groupes sanguins définis (International Society of Blood Transfusion ; www.isbtweb.org/). Les gènes codant tous les systèmes connus à ce jour ont été clonés, et les bases moléculaires de la plupart des antigènes élucidées. Pour 30 de ces systèmes, les antigènes sont de nature protéique. C’est-à-dire qu’ils sont des produits directs des gènes et dépendent de la séquence primaire d’acides aminés des protéines auxquelles ils sont associés. Pour les systèmes ABO, Globoside, H, I, Lewis et P, les antigènes sont des produits indirects des gènes codant des glycosyltransférases qui catalysent la synthèse de structures glucidiques retrouvées sur les glycoprotéines ou glycolipides.
Ces connaissances ainsi que l’avènement de la polymerase chain reaction (PCR) ont ouvert la voie d’un nouveau typage des antigènes de groupe sanguin : le génotypage. Celui-ci doit permettre, à partir de l’étude du patrimoine génétique, de prédire la présence ou l’absence d’un antigène de groupe sanguin. Le génotypage représente alors une alternative pour les biologistes lorsque les méthodes sérologiques sont mises en défaut. La diversité antigénique des groupes sanguins est assurée par une grande variété d’événements génétiques, le plus fréquent étant le poly- morphisme sur un nucléotide (single nucleotide polymorphism [SNP]) puis-que environ deux tiers des antigènes de groupes sanguins sont associés à des SNP.1 D’autres mécanismes moléculaires comme la délétion, l’insertion ou la duplication d’un ou plusieurs nucléotides, pouvant introduire un décalage de cadre de lecture, sont moins fréquents. Enfin, il faut noter que la conversion génique (recombinaisons entre deux gènes homologues) est le mécanisme le plus répandu parmi les variants des systèmes de groupe sanguin RH (« Rhésus ») ou MNS.2, 3 Quelles qu’elles soient, ces variations nucléotidiques peuvent être décelées à l’aide de l’outil puissant qu’est l’amplification génique ou PCR.
Les technologies utilisées aujourd’hui couramment dans les laboratoires d’immuno-hématologie moléculaire dérivent toutes de l’utilisation de la PCR et vont conduire soit à la détection de la présence d’un gène, soit à l’identification directe de la variation nucléotidique ou SNP, soit à la détermination de la succession des nucléotides contenus dans un fragment d’ADN amplifié (séquençage d’acides nucléiques).

Évolution des techniques

Les premiers tests de génotypage développés, pour la détection des antigènes de groupes sanguins, étaient basés sur l’amplification de fragments d’ADN contenant le polymorphisme spécifique d’un antigène de groupe sanguin (PCR RFLP [restriction fragment length polymorphism] et PCR SSP [sequence specific primer]).4 L’interprétation se fait sur la taille des fragments d’ADN observés après électrophorèse sur gel d’agarose. On leur préfère aujourd’hui des technologies de type PCR en temps réel qui ont une meilleure sensibilité et qui permettent de s’affranchir des étapes post-amplification responsables des risques de contamination par les produits d’amplification. La plus spécifique d’entre elles repose sur l’utilisation des sondes d’hydrolyse TaqMan associées à des fluorochromes « reporter ».5 Plus récemment, les technologies « microarray »6 ou de spectrométrie de masse,7 permettant de détecter simultanément un grand nombre de SNP, se sont largement répandues dans les laboratoires d’immunohématologie moléculaire. Enfin, le séquençage des acides nucléiques, qu’il soit traditionnel ou de type next generation sequencing (NGS),8 permet de caractériser précisément les nouveaux variants sur le gène complet.

Indications

Transfusion récente et autres contextes

Les biologistes ont recours aux examens moléculaires dans des contextes parti- culiers. C’est le cas de patients récemment transfusés (moins de 3 mois) où il est impossible de faire la différence, par des techniques d’hémagglutination, entre les globules rouges du patient et ceux du donneur. Le typage moléculaire est alors tout à fait adapté, et permet par déduction du phénotype de mettre en place des transfusions compatibles, et ainsi de prévenir l’allo-immunisation anti-érythrocytaire chez les patients dépendant de transfusions et notamment chez les patients drépanocytaires. Même si l’on constate, dans les concentrés de globules rouges leucodéplétés, un résidu de globules blancs, l’analyse du patrimoine génétique du receveur reste très fiable, comme l’ont démontré des études spécifiques.9, 10
Il se peut aussi que les globules rouges du receveur soient saturés par des anticorps, avec ou non présence d’une anémie hémolytique auto-immune, ce qui crée une réaction faussement positive dans le cadre d’examens séro- logiques. L’aide des tests moléculaires est alors primordiale pour prédire la présence ou l’absence d’antigènes de groupes sanguins.
Enfin, dans le cadre de l’expression d’antigènes pour lesquels les réactifs sérologiques sont inexistants, le typage moléculaire se révèle être alors un outil d’une grande aide afin d’identifier la présence de ces antigènes.

Génotypage et maladie hémolytique du nouveau-né

Dans le cadre du conseil obstétrical, tout affaiblissement sérologique de l’antigène D (système RH) à la surface des globules rouges chez la femme enceinte doit faire l’objet d’une recherche d’un variant moléculaire de type partiel afin d’évaluer la nécessité d’injecter des gammaglobulines anti-D. En effet, il existe des antigènes incomplets ou partiels pour lesquels le porteur peut s’immuniser contre les épitopes absents, lorsqu’il est exposé à l’antigène complet, via la grossesse ou la transfusion. De plus, un typage fœtal RHD est réalisé chez toute femme enceinte D-négative. Le génotypage fœtal est une méthode non invasive qui permet de récupérer l’ADN fœtal circulant dans le plasma maternel et de déterminer si le fœtus exprime un antigène RhD qui pourrait immuniser la mère.11

Chez les donneurs

Chez les donneurs, deux situations courantes font appel à la biologie moléculaire : la première est d’assurer l’identification rapide d’un grand nombre de concentrés de globules rouges antigène- négatif pour des patients allo-immunisés, la deuxième est d’alimenter la Banque nationale de sang de phénotype rare en sélectionnant les dons par des caractéristiques moléculaires liées à l’expression d’antigènes rares.

En complément de la sérologie dans certaines situations

La sécurité transfusionnelle et obstétricale repose sur deux types d’examens aujourd’hui étroitement liés : la sérologie et la biologie moléculaire. Les techno- logies de génotypage des antigènes de groupes sanguins sont fiables et largement utilisées pour compléter les études sérologiques dans certaines situations. Il n’en reste pas moins que la sérologie reste la méthode de référence afin de statuer sur la présence ou non d’antigènes de groupes sanguins à la surface des globules rouges.
1. Storry JR, Olsson ML. Genetic basis of blood group diversity. Br J Haematol 2004;126:759-71.
2. Chou ST, Westhoff CM. The Rh and RhAG blood group systems. Immunohematology 2010;26:178-86.
3. Reid ME. MNS blood group system: a review. Immunohematology 2009;25:95-101.
4. Tournamille C. Les techniques de biologie moléculaire en immuno-hématologie. Transfus Clin Biol 2013;20:72-9.
5. Cheng J, Zhang Y, Li Q. Real-time PCR genotyping using displacing probes. Nucleic Acids Res 2004;32:e61.
6. Moulds JM, Ness PM, Sloan SR. Beadchip molecualr immunohematology. New York : Springer, 2011.
7. Gassner C, Meyer S, Frey BM, Vollmert C. Matrix-assisted laser desorption/ionisation, time-of-flight mass spectrometry-based blood group genotyping-the alternative approach. Transfus Med Rev 2013;27:2-9.
8. Fichou Y, Audrezet MP, Guéguen P, Le Maréchal C, Férec C. Next generation sequencing is a credible strategy for blood group genotyping. Br J Haematol 2014;167:554-62.
9. Reid ME, Rios M, Powell VI, Charles-Pierre D, Malavade V. DNA from blood samples can be used to genotype patients who have recently received a transfusion. Transfusion 2000;40:48-53.
10. Wenk RE, Chiafari PA. DNA typing of recipient blood after massive transfusion. Transfusion 1997;37:1108-10.
11. Rouillac C, Gane P, Cartron J, Le Pennec PY, Cartron JP, Colin Y. Molecular basis of the altered antigenic expression of RhD in weak D(Du) and RhC/e in RN phenotypes. Blood 1996;87:4853-61.
Références
1. Storry JR, Olsson ML. Genetic basis of blood group diversity. Br J Haematol 2004;126:759-71.

2. Chou ST, Westhoff CM. The Rh and RhAG blood group systems. Immunohematology 2010;26:178-86.

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10. Wenk RE, Chiafari PA. DNA typing of recipient blood after massive transfusion. Transfusion 1997;37:1108-10.

11. Rouillac C, Gane P, Cartron J, Le Pennec PY, Cartron JP, Colin Y. Molecular basis of the altered antigenic expression of RhD in weak D(Du) and RhC/e in RN phenotypes. Blood 1996;87:4853-61

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