Le glaucome est une maladie fréquente, le plus souvent asymptomatique, pouvant conduire à la cécité en l’absence de prise en charge. Le médecin traitant a un rôle important à jouer dans la prévention et le dépistage (quels patients adresser à l’ophtalmologiste ?) mais aussi dans la surveillance des patients (motiver le suivi, connaître les complications des traitements, les contre-indications, les facteurs d’aggravation…).

 

Le glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) est une neuropathie optique chronique irréversible, le plus souvent bilatérale et asymétrique, d’évolution insidieuse, qui altère progressivement le champ visuel sans que le patient ne s’en rende compte parce que son acuité visuelle reste longtemps conservée. En France, on estime qu’il y a environ 1,2 million de patients atteints, dont la moitié ne sont pas dépistés.

Les recommandations de bonne pratique ont été actualisées par la HAS début mars 2022. Focus sur les consignes qui intéressent les généralistes.

Prévention et dépistage

L’hypertonie oculaire (pression intraoculaire [PIO] > 21 mmHg pour une épaisseur cornéenne centrale [ECC] comprise entre 520 et 580 µm) est le principal facteur de risque modifiable d’apparition et de progression d’un glaucome à angle ouvert.

Les autres facteurs de risque reconnus sont : un âge avancé, les anomalies papillaires (évoquant un début de glaucome prépérimétrique), les antécédents familiaux de glaucome, une faible épaisseur centrale cornéenne, une mélanodermie ; dans une moindre mesure : diabète, HTA, maladies cardiovasculaires, migraine, apnée du sommeil.

Ainsi, la HAS recommande d’adresser à un ophtalmologiste tout patient ayant AU MOINS 1 des facteurs de risque suivants :

• âge de 40 ans et plus ;

• antécédent personnel d’hypertonie oculaire ;

• antécédent familial de glaucome (à rechercher systématiquement ; inciter ces patients à consulter un ophtalmologiste même s’ils sont jeunes, ont une bonne vue et ne portent pas de lunettes) ;

• myopie forte ;

• corticothérapie prolongée (attention aux patients traités au long cours par de la cortisone, en collyre ou per os, sans surveillance ophtalmologique : le glaucome « cortisonique » est redoutable car il évolue à bas bruit et peut entraîner la perte de la vision) ;

• antécédent(s) de pathologie(s) oculaire(s), même ancienne(s), telles que décollement de rétine opéré, uvéite, traumatisme oculaire ;

• mélanodermie ;

• malformations oculaires.

Quels traitements de l’hypertonie oculaire ?

Il est classique de débuter par un traitement médical. En première intention : une monothérapie par analogues de prostaglandines ou bêtabloquants. Dans la mesure du possible, il faut préférer des collyres sans conservateur. Si la réponse au premier traitement n’est pas optimale, on passe à une bithérapie (combinaisons fixes à préférer) ou au traitement laser.

En cas de progression du glaucome (ou de non-équilibre pressionnel) malgré ces traitements, une chirurgie est envisagée. Aujourd’hui, il existe de nouvelles techniques micro-invasives : si la réduction pressionnelle est généralement inférieure à celle obtenue par les chirurgies filtrantes conventionnelles ou les valves de drainage, leur profil de sécurité (niveau de complication et maintien de la fonction visuelle) est meilleur.

Quelle surveillance ?

Quelle que soit la thérapeutique, elle nécessite une surveillance à vie, car la pression oculaire peut remonter dans le temps et nécessiter des ajustements de traitement pour ralentir la progression de la maladie. Une consultation ophtalmologique de contrôle est recommandée tous les 6 mois (examen clinique, champ visuel et analyse des fibres optiques en OCT).

L’éducation thérapeutique est donc fondamentale : il faut expliquer au patient l’importance du traitement régulier et du suivi compte tenu de la chronicité de la maladie et de la gravité du pronostic en l’absence d’un suivi régulier. En effet, en cas de diminution ou de perte de la vision liée au glaucome, il n’est pas possible de régénérer le nerf optique.

Le collyres hypotonisants peuvent induire des effets indésirables qu’il faut connaître (tableau ci-dessous).

Des conseils de bonne instillation permettent de les diminuer et d’améliorer l’observance : pour éviter l’hyperpigmentation palpébrale sous prostaglandines, appliquer une protection cutanée ; afin de diminuer l’absorption systémique des collyres (bêtabloquants notamment), donc les effets généraux, appuyer sur le méat lacrymal au niveau du canthus interne pendant deux minutes après l’instillation.

Quant aux contre-indications, l’usage de corticoïdes par voie locale (surtout en collyres) ou systémique chez les patients atteints d’une hypertonie oculaire ou d’un glaucome primitif à angle ouvert peut provoquer une élévation de la pression intra-oculaire. Un avis ophtalmologique est donc requis en cas de prescription prolongé de corticoïdes. Les corticoïdes en spray nasal peuvent augmenter de quelques millimètres de mercure la pression intraoculaire et ne sont donc qu’une contre-indication relative, tout comme les corticoïdes locaux non oculaires.

Attention aux contre-indications des bêtabloquants car les patients oublient souvent de signaler les collyres comme traitement.

Il ne faut pas oublier de traiter et corriger au mieux les facteurs de risque cardiovasculaire, et d’éviter notamment les fluctuations importantes de la pression artérielle, délétères pour la perfusion d’un nerf optique altéré par le glaucome.

Tableau

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

HAS. Diagnostic et prise en charge de l’hypertonie oculaire et du glaucome primitif à angle ouvert. 4 mars 2022.

Lachkar Y. Rôle du praticien dans le suivi des glaucomes.  Rev Prat 2016;66(5):505-7.

Aptel F. Nouvelles techniques de chirurgie du glaucome.  Rev Prat 2021;71(9);935-8.

Buffault J, Baudouin C, Labbé A. Complications des collyres antiglaucomateux.  Rev Prat Med Gen 2021;35(1061);457-9.