Tumeur du système nerveux central la plus fréquente chez l’adulte (3 481 nouveaux cas en France en 2018), le glioblastome est également la plus agressive, avec une survie nette standardisée à cinq ans de 7 %. Ce cancer reste quasi systématiquement fatal, et aucune stratégie thérapeutique ne se démarque pour améliorer la survie après récurrence. Face à ce pronostic très sombre, des chercheurs essaient depuis plusieurs années d’introduire pour ce cancer une option de traitement développée initialement pour les hémopathies malignes : les CAR-T cells, ou cellules T porteuses d’un récepteur chimérique. Dans cette thérapie génique très onéreuse et complexe à mettre en place, les lymphocytes T du patient sont prélevés et génétiquement modifiés pour reconnaître des récepteurs spécifiques des cellules cancéreuses. Ces mutants sont ensuite multipliés et réinjectés au patient pour détruire ses tumeurs. Six thérapies fondées sur les CAR-T cells sont déjà utilisées en cancérologie en France.Mais le développement des CAR-T cells fait face à des obstacles dans l’indication du glioblastome, notamment parce que les cellules hétérogènes de ce dernier limitent l’intérêt de cibler un seul antigène. Pour dépasser ces limites, deux équipes américaines ont développé en parallèle des CAR-T cells reconnaissant deux antigènes du glioblastome, ou « dual CAR-T cells », qu’ils ont injectées par voie intrathécale dans le système ventriculaire de patients, dans le cadre d’essais de phase I en cours.La première étude, publiée dans Nature Medicine, concernait 6 patients. Elle utilisait des CAR-T cells ciblant un épitope de la protéine EGFR présent sur la surface tumorale chez 50 à 60 % des patients atteints de glioblastome, ainsi que la protéine IL- 13Rα2 exprimée chez 50 à 75 % des patients.La deuxième étude, publiée dans le NEJM, concernait 3 patients. Elle utilisait des CAR-T cells ciblant la protéine EGFR standard, ainsi qu’un variant de la protéine EGFR spécifique des tumeurs.Dans les deux cas, le critère de jugement principal était la tolérance au traitement. Dans l’étude de Nature Medicine, tous les patients ont souffert de neurotoxicité modérée à sévère d’apparition rapide après injection, mais qui a pu être traitée. Deux des trois patients de l’essai du NEJM ont souffert d’effets indésirables sévères (encéphalopathie et fatigue).Parmi les critères secondaires, une régression tumorale spectaculaire à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) – qui pourrait s’expliquer en partie par l’inflammation consécutive à la chirurgie nécessaire à l’injection des CAR-T cells – a été observée dès le jour suivant l’intervention chez tous les participants des deux essais. Toutefois, ces résultats se sont avérés potentiellement transitoires : les tumeurs ont récidivé chez 2 patients de l’étude du NEJM, tandis que le dernier a vu sa réponse au traitement durer plus de six mois. Dans l’étude de Nature Medicine, un patient a récidivé après un mois, un autre a quitté l’essai, un troisième n’a pas montré de signes de progression tumorale durant sept mois ; de même, les trois derniers patients n’avaient pas de signes de progression tumorale à la date de recueil des données, mais ils étaient à moins de six mois de l’injection (le suivi médian était de 2,5 mois post-injection sur cet essai en cours).Pour les auteurs des deux articles, ces résultats indiquent que ces thérapies ont une sûreté suffisante pour être utilisées. Ces signaux précoces d’efficacité du traitement demandent toutefois plus d’investigations, par un suivi plus long sur davantage de patients.
Références
N Engl J Med 2024 Mar 13. Choi BD, Gerstner ER, Frigault MJ, et al. Intraventricular CARv3-TEAM-E T cells in recurrent glioblastoma. PMID : 38477966.