À base d’eau de mer, d’analgésique, d’antibiotique, de corticoïde… les gouttes auriculaires ont de nombreuses applications en ORL. Point sur les indications (et les « non-indications » !) en fonction de la partie de l’oreille à traiter, les CI, les posologies, les précautions… dans cette fiche pratique.

Instillées dans le conduit auditif externe (CAE), les gouttes auriculaires visent à éviter la formation de bouchons de cérumen ou à traiter localement une douleur ou une infection bactérienne ou fongique (tableau).

Produits d’hygiène

Solutés d’eau de mer

Lorsque le cérumen est trop sec ou sa production très abondante, il se forme des amas qui peuvent s’agglomérer dans le CAE et le boucher. On utilise des solutés d’eau de mer un peu diluée ou désodée pour diminuer la sensation de brûlure, mais plus salée que le sérum physiologique. (Audispray, Céruspray, Doculyse, Stérimar…). À appliquer 2 à 3 fois/semaine dans les oreilles.

Chez le bébé, le lavage des oreilles se fait avec l’eau du bain, en même temps que le shampoing.

Gouttes huileuses (Cérulyse)

Elles ne dissolvent pas le cérumen, mais, appliquées plusieurs jours de suite, elles facilitent son extraction par lavage d’oreille

Gouttes contenant un analgésique (Otipax, Otylol)

Elles sont indiquées en cas d’otalgie, par exemple dans les otites congestives, les otites barotraumatiques et les exceptionnelles otites phlycténulaires.

Elles sont efficaces très rapidement, en quelques minutes, mais leur effet antalgique est de courte durée, ce qui nécessite de répéter les applications (sans risque de passage systémique).

Contre-indiquées : en cas de perforation tympanique.

Si la douleur dure plus de 48 heures, le diagnostic initial doit être remis en cause et le patient réexaminé.

Gouttes contenant un ou des antibiotiques

Avantage : elles permettent d’obtenir sur la peau du CAE et la face externe du tympan des concentrations d’antibiotiques très supérieures à celles obtenues avec un traitement oral ou parentéral.

Deux applications quotidiennes suffisent car le principe actif reste présent plusieurs heures.

Ofloxacine (Oflocet) et rifampicine (Otofa), non ototoxiques, peuvent être utilisés lorsque le tympan est ouvert. C’est le cas pour les otorrhées sur perforation tympanique ancienne (par opposition aux perforations lors d’une otite moyenne aiguë) ou sur aérateurs transtympaniques.

Les aérateurs transtympaniques sont des corps étrangers inertes et seule une antibiothérapie locale peut détruire les bactéries à leur contact. Si l’otorrhée persiste, il faut prendre l’avis d’un ORL car la présence de biofilms bactériens à leur surface peut conduire à poser l’indication de leur retrait.

Idéalement, l’aspiration du conduit doit être systématique avant tout traitement local.

L’Otofa colore en jaune orangé le revêtement cutané du CAE et le tympan et peut rendre difficile l’examen otoscopique.

Gouttes contenant un antifongique

• Traitement de première intention des otomycoses (exemple : Auricularum, contenant de la nystatine, contre-indiqué en cas de perforation tympanique).

• Circonstance : otite externe prolongée ou se répétant trop souvent, l’infection du CAE n’est alors plus seulement bactérienne, mais aussi fongique (Candida, Aspergillus).

En dehors des gouttes, le traitement d’une otomycose nécessite des aspirations répétées du conduit. Si elle persiste, il faut réaliser un prélèvement bactériologique et mycologique.

Le traitement doit être prescrit initialement 15 jours, et éventuellement prolongé d’une semaine en fonction des données cliniques. Deux applications quotidiennes sont nécessaires.

Gouttes associant des antibiotiques et des corticoïdes

• Gouttes ototoxiques contenant des aminosides (Antibio Synalar, Framyxone, Panotile, Polydexa).

Contre-indiquées en cas de perforation tympanique.

• Gouttes non ototoxiques contenant des fluoroquinolones : Ciloxadex.

Ces gouttes sont utilisées dans le traitement de première intention des otites externes et pour les myringites granuleuses. Elles sont également prescrites en cas de dermites chroniques surinfectées du CAE.

En cas de conduit auditif externe rétréci par l’inflammation, ce traitement peut être instillé à travers une mèche ou un tampon expansible, placé dans le conduit. La durée du traitement est habituellement d’une semaine, à la posologie de 2 instillations par jour.

Les « non-indications »

• En cas d’otite moyenne aiguë collectée : les gouttes auriculaires ne peuvent pas traverser un tympan intact et sont donc inutiles.

• En cas d’otite moyenne aiguë perforée spontanément, la perforation est punctiforme, et le pus présent dans la caisse sous pression (raison pour laquelle il s’évacue vers l’extérieur), les gouttes ne peuvent donc pas pénétrer dans la caisse du tympan pour aller au contact de la muqueuse infectée. Le traitement antibiotique (si indiqué) doit donc être systémique. Cependant, le pus est souvent acide et chez certains patients génère une irritation du revêtement du CAE. Pour l’éviter, on peut prescrire des bains d’eau oxygénée boratée à saturation. Ne pas poursuivre ce traitement au-delà de 2 - 3 jours, car l’eau oxygénée décape le film lipidique protecteur du CAE et risque elle-même d’induire une inflammation.

• En cas de perforation sèche (traumatique ou due à une otite chronique à tympan ouvert) : contre-indication.

Références
François M. Gouttes auriculaires : indications.  Rev Prat Med Gen 2011;25(866):589-90.
Société française d’ORL. Utilisations des gouttes et poudres à usage auriculaire. Recommandations pour la pratique clinique. Octobre 2001.
Decazes de Glucksbierg JM, Pessey JJ, Ovetchkine P, et al. Antibiothérapie locale en ORL. Recommandation de bonne pratique.  Afssaps, juillet 2004.

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