Cette conférence fait suite au rapport rendu en mars 2019 par Dominique Libault à la ministre de la Santé, après une concertation de 6mois avec des forums dans toute la France et le recueil de témoignages et de propositions auprès de plus de 400 000 personnes. 

La France vieillit, mais le défi de l’avancée en âge est encore devant nous : la part des 75 ans ou plus est passée de 6,6 % en 1990 à 9,1 % en 2015, soit une hausse de 2,5 points en 25ans. En 2040, 14,6 % des Français auront 75 ans ou plus, soit une hausse de 5,5 points en 25 ans, et poseront la question de la prise en charge des personnes âgées en perte d’autonomie. Mais si l’espérance de vie des Français est parmi les plus élevées d’Europe, ce n’est pas le cas de l’espérance de vie en bonne santé qui est, chez les femmes, plus faible qu’en Suède, en Allemagne et au Danemark. 

Du fait de la démographie, le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie va inéluctablement s’accroître même si les progrès de la médecine, les efforts de prévention et l’amélioration des conditions de vie peuvent contribuer à faire diminuer les taux de prévalence. La France devrait compter environ 20 000 personnes âgées en perte d’autonomie de plus chaque année d’ici à 2030. Entre 2030 et 2040, le rythme s’accélérerait, avec une hausse annuelle moyenne de l’ordre de 40 000.

La concertation a fait ressortir des demandes fortes des citoyens, des professionnels et des personnes âgées : la priorité au maintien à domicile ; l’amélioration de la qualité de la prise en charge en établissement ; le besoin d’être « chez soi », quel que soit son lieu de vie : les objectifs de demain sont de construire une nouvelle offre décloisonnée qui permette d’échapper à ce dilemme de l’isolement chez soi ou entre personnes âgées en Ehpad ; de répondre à une attente forte de simplification des démarches et du parcours de la personne âgée ; de réaliser une plus grande égalité de traitement entre les territoires.

En 2014, 30 milliards d’euros ont été consacrés à l’autonomie des personnes âgées. L’aide de proches aidant à domicile devrait être mieux financée, la formation et le salaire des aidants professionnels améliorés (payée environ 1 000 € par mois ; 90 % sont des femmes). La qualité des Ehpad est très variable, et le taux de personnels encadrants par personnes hébergées, passé entre 2007 et en 2015 de 57 à 63 équivalents temps plein pour 100 résidents, ne semble pas suffisant pour répondre à l’enjeu. Financièrement, le reste à charge est trop élevé pour les personnes ayant de faibles retraites.

Les principales propositions sont : la mise en place d’un guichet unique d’informations et d’orientation sur l’organisation la plus adaptée à la perte d’autonomie liée à l’âge ; la fluidification du parcours tendant vers l’absence de passage aux urgences hospitalières, en organisant des alternances de séjour temporaire en Ehpad ou service hospitalier de gériatrie ; le renforcement de la prévention en facilitant l’intervention au domicile de paramédicaux, préservant la mobilité, assurant des soins infirmiers. 

Financer ces nouveaux risques de perte d’autonomie implique de mobiliser 10 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2030. Diverses ressources sont mobilisables, et la loi de financement de la Sécurité sociale, votée tous les ans au Parlement, pourrait intégrer aussi le « prix » des personnes âgées.

Dominique Libault, Conseil d’État, Haut Conseil de financement de la protection sociale, Paris 

28 janvier 2020