Face aux cas récents d’infections de vaches laitières par la grippe aviaire A(H5N1) aux États-Unis, l’Organisation mondiale de la santé a conduit une analyse de risque et publié des recommandations. Qu’en retenir ?

Depuis 2020 - 2021, la situation épidémiologique actuelle des virus influenza aviaires hautement pathogènes (IAHP), du sous-type H5N1 du clade 2.3.4.4b en particulier, inquiète les autorités de santé.

Depuis octobre 2021, l’Europe subit l’épizootie d’IAHP la plus importante jamais connue et depuis l’automne 2023, une nouvelle dynamique de propagation a été observée dans la faune sauvage migratrice mais aussi dans des élevages de volailles et d’oiseaux captifs. En France, cette situation avait conduit Santé publique France à mettre en place un protocole de surveillance renforcée des cas humains de grippe d’origine aviaire.

Depuis mars 2024, la détection de cas d’infection par le virus de l’influenza A(H5N1) dans des troupeaux de vaches laitières inquiète les autorités sur le risque de potentielle adaptation du virus à la transmission entre mammifères, y compris chez l’homme.

Cas récents chez les animaux

Les infections récentes chez des vaches laitières aux États-Unis ont été détectées dans 131 troupeaux dans 12 États, au 27 juin 2024. Les données indiquent qu’il y a probablement eu une transmission latérale entre les bovins, bien que les infections initiales aient été probablement d’origine aviaire sauvage. Des analyses génomiques publiées en avril par le ministère de l’Agriculture américain suggèrent que le virus se propageait dans le bétail depuis déjà des mois sans avoir été détecté, mais ne donnent pas d’informations sur l’origine de cette épizootie. Les voies et les modes de transmission ainsi que la durée de l’excrétion virale chez les vaches sont à l’étude.

Peu de cas de transmission entre mammifères ont été formellement signalés au cours des dernières années, mais des éléments indirects constatés lors des épizooties sont compatibles avec ce type de transmission (grandes mortalités de mammifères marins, épidémies dans plusieurs fermes d’élevage d’animaux à fourrure en Finlande et en Espagne en 2022 et 2023).

Fin avril 2024, aucune séquence virale n’avait montré des marqueurs bien reconnus de l’adaptation aux mammifères, parmi les échantillons provenant des vaches laitières américaines. L’analyse des données de séquençage disponibles – avec d’autres échantillons précédents de virus de clade 2.3.4.4b – n’a pour l’instant montré aucune modification qui pourrait augmenter la liaison aux récepteurs des voies respiratoires supérieures de l’homme (pouvant favoriser un risque accru de transmission vers les humains et de transmission interhumaine). La surveillance génomique continue pour détecter d’autres changements ou leur accumulation au fil du temps.

Enfin, de fortes concentrations de virus ont été détectées dans le laitde ces vaches, suggérant que le processus de traite pourrait être impliqué dans la transmission entre vaches et vers les humains. Les conséquences de la présence du virus dans le lait en matière de transmission sont encore à l’étude ; d’autres voies possibles de contamination (surfaces…) le sont également. Selon les analyses conduites par la Food and Drug Administration sur des échantillons de lait et produits laitiers commercialisés, aucun virus viable n’y a été détecté pour le moment. Malgré les avertissements de l’agence, qui a rappelé à la population de ne pas consommer du lait non pasteurisé, les ventes sont en hausse dans plusieurs États

Cas humains : la transmission interhumaine est improbable pour le moment

Peu d’infections humaines ont été signalées à ce jour, malgré le nombre élevé de foyers épizootiques de l’influenza A(H5N1) : depuis 2021, 31 cas ont été notifiés à l’OMS (notamment en Chine, au Cambodge, au Royaume-Uni et aux États-Unis), dont 13 cas dus au clade 2.3.4.4b parmi les 24 analysés.

Tous les cas détectés en Europe et Amérique du Nord étaient a- ou paucisymptomatiques. Sur les 3 cas humains identifiés au 15 juin 2024 aux États-Unis, en lien avec l’épidémie chez les vaches laitières, les symptômes étaient surtout ophtalmologiques (conjonctivite) pour deux d’entre eux, et pseudogrippaux pour le troisième. Les cas détectés en Chine et en Amérique du Sud ont cependant été sévères (dont un décès). Ces différences cliniques s’expliquent probablement par les différences dans le génotype du virus, la charge virale, l’état de santé sous-jacent, la durée de l’exposition, etc.

Tous les cas avaient été exposés directement ou indirectement à des oiseaux ou mammifères infectés ou à des environnements contaminés.

Aucun cas de transmission interhumaine n’a été rapporté à ce jour. L’analyse des séquences virales disponibles a révélé des marqueurs associés à l’adaptation du virus aux mammifères, mais les échantillons isolés jusqu’à présent, y compris chez l’homme, conservent largement les caractéristiques des virus adaptés aux oiseaux, rendant improbable la transmission interhumaine des virus A(H5N1) actuellement en circulation, en l’absence de nouvelles mutations.

Par ailleurs, dans ces mêmes séquences, il n’a pas été détecté des marqueurs de sensibilité réduite aux médicaments antiviraux.

Recommandations et conduite à tenir

Les professionnels exposés à des animaux infectés ou à des environnements contaminés ont un risque plus élevé et doivent prendre les précautions nécessaires pour prévenir l’infection :

  • port d’équipements de protection individuelle (gants étanches, lunettes de protection, masques FFP2) ;
  • mesures d’hygiène personnelle : lavage les mains avec du savon ou une solution hydroalcoolique après chaque contact avec des animaux ou surfaces contaminées, même en cas de port de gants de protection ;
  • en France, la vaccination contre la grippe saisonnière est recommandée pour les professionnels exposés aux virus aviaires et porcins, afin de limiter le risque de réassortiments entre les virus influenza humains et animaux.

Les médecins doivent être alertés sur la possibilité d’une infection chez les personnes ayant des antécédents d’exposition à des animaux dans des régions où la circulation des virus de la grippe aviaire est connue. En pratique, Santé publique France recommande  d’interroger tout patient ayant de la fièvre et des signes respiratoires sur ses expositions à risque dans les 10 jours précédents, surtout en cas d’exposition fréquente prolongée (professionnelle), ou contact à moins d’un mètre sans protection avec un patient confirmé d’IAHP, surtout en cas de symptômes respiratoires chez le patient source.

L’OMS a demandé la surveillance systématique et le suivi épidémiologique et virologique des cas humains suspects et confirmés. Elle a également sollicité la vigilance accrue des foyers épizootiques chez les oiseaux et le bétail, ainsi que le partage de séquences génomiques des infections animales et humaines avec les instances internationales pour que celles-ci continuent de mener des évaluations des risques.

Pour en savoir plus
CDC. Current H5N1 Bird Flu Situation in Dairy Cows. 27 juin 2024.
FDA. Updates on Highly Pathogenic Avian Influenza (HPAI). 25 juin 2024.
WHO. Joint FAO/WHO/WOAH preliminary assessment of recent influenza A(H5N1) viruses.  2 avril 2024.
Mallapaty S. Bird flu virus has been spreading in US cows for months, RNA reveals.  Nature 27 avril 2024.
Santé publique France. Les bons réflexes face aux grippes aviaire et porcine. 29 avril 2024.
À lire aussi : 
Martin Agudelo L. Grippe aviaire : un protocole de surveillance renforcé.Rev Prat (en ligne) 23 janvier 2024.
Nobile C. Grippe aviaire : conduite à tenir en MG. Rev Prat (en ligne) 3 janvier 2023.

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