Cette semaine, c’est dans un contexte virologique inédit que débute la campagne officielle de vaccination antigrippale 2020-2021. Le comportement de nos patients vis-à-vis de ce vaccin en sera-t-il modifié ? Force est de constater qu’année après année il peine à rencontrer l’adhésion de la population, y compris des personnes à risque. D’après Santé publique France, leur taux de couverture vaccinale contre la grippe stagne autour de 50 % et aurait même tendance à diminuer. Pourtant, la co-infection grippe saisonnière et Covid-19 doublerait le risque de décès comparativement à une infection isolée par le coronavirus et multi­plierait par 6 la mortalité par rapport à une personne ne contractant aucun de ces 2 virus. Ce surrisque pourrait pourtant être amoindri par le vaccin, dont les imperfections sont inhérentes à la structure même de l’influenza. Sans véritable certitude, des signaux encourageants nous parviennent de l’hémisphère Sud, où l’analyse du dernier épisode grippal permettrait de penser que, cette année, l’épidémie grippale serait plus tardive et surtout moins importante dans notre pays.
Alors faut-il tout de même, comme l’avait réclamé l’Académie nationale de médecine1 il y a quelques mois et dont certains pédiatres, gynéco-obstétriciens et syndicats médicaux se sont fait récemment l’écho, proposer la vaccination anti­grippale à tous ? L’idée se défend, mais au vu des stocks de vaccins disponibles (pourtant augmentés, dixit notre ministre), les cibles prioritaires de la vaccination restent les personnes les plus vulnérables : patients ayant certaines maladies chroniques (ALD listées), personnes âgées, surtout si elles vivent en institution, et femmes enceintes. Rappelons que la vaccination ne présente aucun danger pour la mère ou le fœtus ; lorsqu’elle est réalisée lors du dernier trimestre de grossesse, elle confère même une immunisation de quelques mois aux nourrissons.
Si une autre population cible mérite toute notre attention, c’est bien celle des soignants, entendus au sens large. Ils sont à la fois les plus exposés au risque d’infection et de potentiels vecteurs contaminants. Doit-on pour autant envisager une obligation vaccinale à leur endroit ? L’Académie nationale de médecine2 vient de rappeler sa position : « Il est urgent de rendre obligatoire la vaccination contre la grippe pour l’ensemble du personnel soignant exerçant dans le secteur public ou libéral, dans les établissements de santé et dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), ainsi que pour les auxiliaires de vie pour personnes âgées », avec comme argument « le risque de saturation des services hospitaliers par l’addition de cas de grippe sévère aux cas de Covid-19, aggravé par l’incapacité des soignants malades ». La médecine ambulatoire – généralistes en tête – s’en trouverait également fortement impactée, d’autant qu’elle fonctionne déjà en flux tendu… Pour le moment, le gouvernement ne souhaite pas donner suite à cette proposition.
Cette année encore, le succès de la vaccination antigrippale reposera donc sur une double implication des généralistes. D’abord, en sollicitant en priorité notre patientèle à risque et en envisageant un élargissement des conseils aux autres malades afin de contrer l’effet potentiel des co-infections virales. Ensuite, en se vaccinant pour se protéger et protéger les autres. En somme, faire acte d’une démarche responsable, altruiste et éthique.

1. Académie nationale de médecine du 13 mai 2020. Communiqué. Face à la Covid-19, vaccinons contre la grippe ! https://bit.ly/3nxE1jO
2. Académie nationale de médecine du 19 septembre 2020. Communiqué. Vacciner tous les soignants contre la grippe : une évidente obligation. https://bit.ly/30JgCCc