Les pathologies scrotales chez le garçon et l’homme ont des gravités et des degrés d’urgence variables. Devant une douleur scrotale aiguë, le premier diagnostic à évoquer est la torsion du testicule : tout retard de prise en charge conduit à sa perte, avec des implications médico-légales. Il faut connaître les différents tableaux cliniques – parfois atypiques et qui diffèrent en fonction de l’âge des patients – ainsi que les diagnostics différentiels.
Devant une douleur scrotale aiguë, il faut avoir une attitude clinique et sémiologique systématique et pertinente pour orienter rapidement la prise en charge sans perte de temps (fig. 1). Le diagnostic à redouter est la torsion du cordon spermatique. C’est une urgence chirurgicale pour la survie du testicule : la détorsion chirurgicale avant la 6e heure permet de sauver 90 % des testicules, alors qu’après 10 heures ce chiffre tombe à moins de 50 %.
Les diagnostics différentiels sont l’orchi-épididymite, la torsion d’annexe testiculaire, les traumatismes testiculaires, l’œdème scrotal aigu idiopathique et les tumeurs testiculaires.
Torsion du cordon spermatique : attention aux tableaux atypiques
Les deux pics d’incidence de cette pathologie sont les périodes de pics hormonaux : la période périnatale et la période pubertaire, mais on peut la rencontrer à tout âge, bien que rarement au-delà de 40 ans.
Formes cliniques : selon l’âge
Chez l’adolescent, la forme typique est bien connue : douleur brutale au niveau d’une bourse avec irradiation vers la région inguinale ou même la fosse iliaque ; des nausées et parfois des vomissements ; bourse inflammatoire, très douloureuse, augmentée de volume (fig. 2). La palpation, très douloureuse, perçoit une ascension du testicule qui saille en avant (signe de Gouverneur). Le réflexe crémastérien est aboli du côté atteint. La température est normale ou légèrement élevée (38 °C). Pas de symptomatologie urinaire.
D’autres tableaux moins francs peuvent conduire à des erreurs diagnostiques :
– formes subaiguës : le début est progressif sur plusieurs heures, voire plusieurs jours, les signes locaux sont moins intenses car les spires de torsion sont moins serrées ;
– torsion sur testicule non descendu : selon la position du testicule, la symptomatologie peut simuler une crise d’appendicite aiguë, une hernie étranglée ou une adénite aiguë. Ainsi, il faut examiner les testicules au cours de tout syndrome abdominal aigu ;
– torsion récidivante : l’enfant consulte pour des douleurs scrotales brutales résolues spontanément et pouvant correspondre à des épisodes de torsions spontanément réduites.
Une échographie testiculaire, réalisée par un opérateur entraîné et à la demande du chirurgien, permet parfois d’affirmer le diagnostic. Mais attention : aucune imagerie ne doit retarder la chirurgie d’urgence.
Chez le nouveau-né, la torsion survient avant la naissance ou juste après. L’examen clinique met en évidence un petit testicule pierreux, nécrotique, sans signe inflammatoire aigu. Dans ces situations, l’exploration chirurgicale est controversée et ne permet qu’exceptionnellement de sauver le testicule.
Quelles conséquences ?
La torsion provoque d’abord un infarctus veineux du testicule puis une ischémie artérielle. Ces lésions vasculaires sont d’autant plus sévères et rapides que la torsion est serrée. L’atrophie testiculaire peut être complète, avec disparition du testicule en quelques mois, ou provoque un testicule hypotrophique ne se développant pas à la puberté. En moyenne, le délai de 6 heures est considéré comme la limite de réversibilité des lésions ischémiques.
Le tissu germinal étant très sensible à l’ischémie, la stérilité est le risque majeur : en 6 à 12 heures, la fonction germinale spermatogénétique est réduite de moitié et, en 12 à 24 heures, elle est détruite et la fonction hormonale altérée.
Le testicule controlatéral comporte souvent les mêmes défauts anatomiques de fixation, donc les mêmes risques. De plus, la fertilité du testicule controlatéral pourrait être atteinte par des mécanismes auto-immuns provenant du testicule tordu, ce qui expliquerait la stérilité de certains patients ayant un antécédent de torsion unilatérale.
Quelle prise en charge ?
C’est une urgence chirurgicale extrême. Réalisée par voie scrotale (parfois inguinale), elle a trois objectifs : détordre pour rétablir la vascularisation testiculaire, prévenir la récidive en fixant le testicule (orchidopexie), prévenir une torsion controlatérale en fixant le testicule opposé. Si le testicule est nécrosé, il est enlevé et une prothèse sera proposée ultérieurement.
Le risque d’hypotrophie ou d’atrophie secondaire d’un testicule conservé après détorsion est de l’ordre de 60 %, ce qui justifie d’en prévenir les parents et de revoir le patient 4 à 6 mois plus tard avec une mensuration échographique des testicules, répétée dans la période de croissance testiculaire pubertaire.
Orchi-épididymite
Elle est plus fréquente chez l’adulte jeune (20-40 ans), mais peut survenir à tout âge. Le patient a une grosse bourse aiguë, de la fièvre et des signes urinaires (dysurie, pollakiurie). Il faut rechercher systématiquement un contexte ourlien. Contrairement à la torsion, le soulèvement du testicule diminue la douleur (signe de Prehn). Il faut réaliser un examen cytobactériologique des urines, une échographie et un examen sanguin à la recherche d’une inflammation.
Torsion d’annexe testiculaire
La torsion d’annexe testiculaire prend la forme d’une douleur scrotale progressive, avec un réflexe crémastérien conservé et parfois la palpation d’un petit nodule bleuté au pôle supérieur du testicule. En cas de certitude diagnostique, le traitement repose sur un antalgique de palier 1 et des AINS ; les symptômes s’amendent généralement en quelques jours. Attention : chez les grands enfants, un épididyme augmenté de volume en échographie fait souvent porter à tort le diagnostic d’épididymite alors qu’il peut s’agir d’une torsion du cordon débutante ou spontanément résolutive.
Œdème scrotal aigu idiopathique
Il s’agit d’un œdème érythémateux, le plus souvent bilatéral, et qui n’atteint que les couches cutanées et sous-cutanées, préservant les organes sous-jacents. Il s’étend volontiers aux régions inguinales, crurales et/ou périnéales. Son origine est incertaine. La prise en charge repose sur l’antalgie, la réassurance parentale et éventuellement un antihistaminique. Il faut prévenir l’enfant et la famille du risque de récidive.
Traumatisme testiculaire
Les traumatismes sont parfois évidents, mais peuvent être cachés, typiquement chez un enfant pudique ou qui a transgressé des règles. Il convient de répéter l’interrogatoire en rassurant l’enfant. Il faut rechercher des signes cutanés (ecchymose) et des signes échographiques d’hématome ou de rupture de l’albuginée.
Tumeur testiculaire
La découverte d’une tumeur du testicule au décours d’un épisode aigu est possible, bien que rare, aidée par l’échographie testiculaire ; une exploration par voie inguinale peut s’avérer utile, en informant le patient et la famille du risque d’orchidectomie.
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