Depuis octobre 2022, une augmentation des cas d’infections invasives à méningocoque (IIM) a été constatée par Santé publique France, selon le dernier rapport consacré à ce sujet, publié fin janvier 2023. Par rapport aux années précédentes (pandémiques mais aussi prépandémiques), le nombre de cas n’a jamais été aussi élevé que fin 2022 - début 2023 : en décembre 2022, avec 84 cas d’IIM déclarés, l’incidence se situait à un niveau élevé, dépassant le pic mensuel observé plus tardivement en généralau cours des saisons hivernales dans les années ayant précédé la pandémie de Covid-19 (v. fig. 1).
Quelles sont les classes d’âge les plus touchées et les sérogroupes en cause ?
Les sérogroupes B étaient responsables de la majorité des cas enregistrés en 2022 (53 %), suivis des sérogroupes Y (23 %), W (19 %) et C (3 %) :
Les IIM B ont principalement affecté,comme dans la période ayant précédé la pandémie, les nourrissons et les jeunes adultes mais l’augmentation a été particulièrement marquée chez les 15-24 ans (v. fig. 2). Deux situations inhabituelles ont été observées : des foyers d’hyperendémie ont été identifiés en Auvergne-Rhône-Alpes, en lien avec une nouvelle souche de sérogroupe B du complexe clonal 41/44 (ST-3753), jamais été observé en France auparavant ; une épidémie clonale d’IIM B est survenue en novembre 2022 à Strasbourg, la souche en cause étant rattachée au complexe clonal 269, génotype rare qui avait causé moins d’une dizaine de cas en France depuis 2014-2015. Ces deux situations ont conduit les ARS à mener des campagnes locales de vaccination auprès des jeunes adultes.
Les IIM Y sont plus fréquentes chez les adultes que chez les enfants, en particulier les plus de 60 ans. En comparaison avec la période prépandémique, le sérogroupe Y a entraîné un plus grand nombre d’infections invasives chez les jeunes adultes âgés de 15-24 ans, tandis que dans les autres classes d’âge, le nombre de cas était comparable aux niveaux observés avant la pandémie.
Les IIM W sont également en augmentation depuis le mois de novembre dans plusieurs classes d’âge (nourrissons, jeunes adultes de 15-24 ans et adultes plus âgés). Selon le Centre national de référence des méningocoques, les souches de ce sérogroupe sont en majorité rattachées au ST (séquence type) 9 316 et au complexe clonal 11. Les souches du ST-9316, minoritaires avant la pandémie, semblent avoir diffusé dans la population.
La létalité des IIM en 2022 (10 %) était équivalente à celle observée avant la pandémie, avec des variations selon le sérogroupe et l’âge. Celle des IIM W était élevée (21 %) mais également équivalente à celle d’avant la pandémie (21,8 % entre 2016 et 2019).
Comment expliquer ces données ?
Après deux années où l’incidence était restée faible, en lien avec les mesures mises en place pendant la pandémie de Covid, ce bilan indique la reprise de la circulation des méningocoques en 2022, qui se traduit par une augmentation de l’incidence des IIM, en particulier chez les jeunes adultes, chez lesquels le portage rhino-pharyngé est habituellement le plus élevé.
La diminution de l’exposition aux méningocoques dans cette population au cours des années Covid a probablement entraîné une diminution de l’immunité mucosale, ce qui peut augmenter le risque d’infection invasive, y compris pour les souches du sérogroupe Y qui étaient plutôt considérées comme des souches de portage chez les jeunes.
Par ailleurs, la circulation de virus respiratoires (VRS, grippe, SARS-CoV-2…) survenue fin 2022 pourrait expliquer l’augmentation récente des cas, puisque ces infections virales peuvent fragiliser les muqueuses des voies respiratoires, et ainsi augmenter le risque d’infection invasive après acquisition du méningocoque au niveau pharyngé.
Conduite à tenir
Selon Santé publique France, la diversité clonale a été complètement modifiée pour l’ensemble des sérogroupes par la faible circulation des méningocoques entre 2020 et 2022, favorisant l’implantation locale de souches émergentes. Dans ce contexte, SPF exhorte à la vigilance par rapport au risque de cas groupés.
Ainsi, le signalement sans délai des cas d’IIM par les professionnels de santé aux ARS est essentiel pour la mise en place rapide des mesures prophylactiques pour les contacts des cas (antibiotiques et dans certains cas vaccination). La surveillance nécessite la transmission rapide des fiches de déclaration obligatoire aux ARS puis à Santé publique France. En complément de cette DO, l’envoi des prélèvements biologiques et des souches par les laboratoires de biologie au CNR est un volet majeur de la surveillance pour caractériser les méningocoques à l’origine des infections invasives et être en mesure de détecter des implantations locales de certaines souches de méningocoques.
La recrudescence des IIM incite à renforcer la vaccination contre le méningocoque B chez les jeunes enfants : elle est désormais recommandée dans le calendrier vaccinal pour tous les nourrissons, avec trois doses (M3, M5, M12), et peut être faite jusqu’à l’âge de 2 ans pour les enfants non vaccinés.
Une nouvelle étude espagnole a par ailleurs confirmé l’efficacité sur le terrain du vaccin Bexsero (4CMenB) contre les IIM dans les 5 premières années de vie. L’efficacité de la primovaccination complète est évaluée à 71% ; ce vaccin exerçait aussi une protection contre les autres sérotypes, évaluée à 76 %.
D’après les experts d’Infovac, la situation épidémiologique incite à redéfinir la politique de prévention des IIM, en incluant la recommandation d’administrer un vaccin conjugué tétravalent à l’adolescence.
Enfin, pour rappel, la vaccination contre le méningocoque C reste obligatoire pour tous les nourrissons (à M5 et M12).
Infovac. Bulletin n °2 février 2023. 8 février 2023.