Le HDL-c est considéré comme un facteur protecteur vis-à-vis du risque cardiovasculaire, et il est d’ailleurs pris en compte dans les systèmes de calcul de ce risque. Une étude américaine parue dans le JAMA Cardiology remet en question cette notion : les patients dont le taux de HDL-cholestérol est très élevé auraient paradoxalement une mortalité plus élevée. Explications…

Le HDL-cholestérol est classiquement considéré comme un facteur protecteur vis-à-vis du risque cardiovasculaire (le fameux « bon cholestérol »). Selon l’étude INTERHEART, le risque d’infarctus du myocarde est multiplié par 4 pour chaque doublement du rapport ApoB/ApoA. Ce rapport, utilisé dans cette étude pour évaluer la dyslipidémie, combine la notion de risque lié au LDL-cholestérol (ApoB) et de protection cardiovasculaire associée au HDL-cholestérol (ApoA).

Toutefois, si un taux élevé de ce dernier est de ce fait considéré comme protecteur, il a déjà été montré que son élévation par les mesures hygiénodiététiques ou médicamenteusesn’a pas d’effet (il est donc considéré comme un facteur non modifiable, contrairement au LDL-c, dont l’abaissement est la cible principale des traitements de prévention primaire et secondaire de l’athérosclérose). Une étude de cohorte qui vient de paraître dans le JAMA Cardiology va plus loin : elle suggère qu’à des taux très élevés, le HDL-c est aussi un facteur de risque de mortalité cardiovasculaire…

Certaines études épidémiologiques récentes ont déjà suggéré que, chez des personnes sans antécédent de maladie cardiovasculaire, un taux très élevé de HDL-cholestérol était associé à une élévation de la mortalité. Mais cette étude observationnelle, prospective et multicentrique est la première à évaluer l’association entre des niveaux très élevés de HDL-cholestérol (> 80 mg/dL) et la mortalité chez des patients ayant déjà une maladie coronaire.

Les chercheurs ont recruté deux cohortes : 14 478 patients coronariens au Royaume-Uni (âge moyen : 62 ans ; 76 % d’hommes) et 5 467 aux États-Unis (âge moyen : 64 ans ; 66 % d’hommes). Les personnes ayant un taux de HDL-c > 80 mg/dL représentaient 1,8 % de la première cohorte et 1,6 % de la seconde.

Le suivi médian était de 8,9 années pour les premiers et de 6,7 années pour les seconds. Le critère principal de jugement était la mortalité toutes causes, et le critère secondaire la mortalité cardiovasculaire (par infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, AVC, embolie pulmonaire, ou complications durant une intervention chirurgicale cardiovasculaire).

Résultats : une association « en U » était observée entre le taux de HDL-c et la mortalité. Si, comme il était attendu, les patients ayant un faible taux de HDL-C avaient une mortalité augmentée par rapport à celles dont le taux était moyen (55 mg/dL était pris comme référence), les personnes dont le taux de HDL-c était très élevé avaient aussi un risque de mortalité plus élevé. En effet, des taux de HDL-c > 80 mg/dL étaient associés à un risque accru de décès toutes causes confondues (hazard ratio [HR] : 1,96 ; IC95 % : 1,42-2,71) et de décès cardiovasculaire (HR : 1,71 ; IC95 % : 1,09-2,68), par rapport aux personnes ayant des taux de HDL-c compris entre 40 et 60 mg/dL, après ajustement pour des facteurs tels que l’âge, le sexe, l’IMC, l’HTA et divers antécédents d’événements cardiovasculaires, les taux de LDL-c et de triglycérides, la consommation d’alcool fréquente et le tabagisme, etc. Ce surrisque mis en évidence dans la cohorte britannique était également retrouvé dans la cohorte américaine, quoique de façon plus modérée : 43 % pour la mortalité globale et 46 % pour la mortalité cardiovasculaire.

Par ailleurs, le surrisque était plus important chez les hommes dans la cohorte britannique (mais pas dans la cohorte américaine). Dans cette dernière, il était aussi plus important chez les diabétiques, mais ce résultat n’était pas observé dans la cohorte britannique (proportion moins importante de diabétiques parmi les participants). Les auteurs remarquent que des études sur de plus grands échantillons sont nécessaires pour étudier davantage ces interactions. En outre, ce surrisque lié à un taux élevé de HDL-c apparaissait plus important aussi chez les participants âgés de moins de 65 ans par rapport à ceux de 65 ans ou plus.

Pourquoi ces résultats ? Les auteurs émettent l’hypothèse que, au-delà du taux de HDL-c, l’association entre un niveau très élevé de HDL-c et le risque de mortalité pourrait être liée à l’hétérogénéité des particules de HDL-c, dont l’effet ne serait pas le même ; mais aussi que, sous certaines circonstances (stress oxydatif), ces particules généralement anti-inflammatoires pourraient se transformer en pro-inflammatoire. Des recherches sont encore nécessaires pour comprendre ces associations…

Pour conclure, si ces résultats ne sont pas encore généralisables à des patients ayant des maladies cardiovasculaires non-athérosclérotiques, les auteurs plaident pour une modification des systèmes de calcul du risque cardiovasculaire, qui considèrent à l’heure actuelle que des taux élevés de HDL-c sont un facteur protecteur.

Pour en savoir plus

Liu C, Dhindsa D, Almuwaqqat Z. Association Between High-Density Lipoprotein Cholesterol Levels and Adverse Cardiovascular Outcomes in High-risk Populations. JAMA Cardiol 18 mai 2022.
Cardio Online. Trop de « bon cholestérol » ne serait pas bon. 19 mai 2022.
Lire aussi :
Nobile C. LDL-c : quelles cibles en 2021 ?Rev Prat (en ligne) 6 mai 2021.
Schiele F. Prévention cadiovasculaire.Rev Prat Med Gen 2020;34(1041);365-70.
Gallo A, Bruckert É. Item 223. Dyslipidémies.Rev Prat 2021;71(7);781-91.