Définitions
On définit l’hématurie par la présence de plus de 10 hématies par mm3 (10 000/mL) dans les urines. La bandelette urinaire, fréquemment utilisée dans le cadre du dépistage, est extrêmement sensible mais non spécifique. Elle détecte l’hème également présent dans l’hémoglobine et la myoglobine. L’ECBU permet d’affirmer la présence d’hématie dans les urines et de quantifier l’hématurie, mais peut manquer de sensibilité. En effet, si les urines examinées ne sont pas fraîches, une lyse des hématies peut les rendre invisibles au biologiste ; de même, une faible osmolarité des urines peut être responsable de lyse cellulaire. Le compte d’Addis (ou HLM pour hématie leucocyte minute) consiste à mesurer le nombre d’hématies et de leucocytes émis sur un recueil urinaire de 3 heures (normale < 5 000 hématies/mL/min). Il n’est plus utilisé en pratique clinique.
Diagnostics différentiels
En cas d’urines colorées, une simple centrifugation permet de distinguer les hématuries (culot rouge, surnageant clair) des autres causes (surnageant rouge) : dans ce dernier cas, si la bandelette urinaire est positive, il s’agit d’hémoglobine ou de myoglobine, si elle est négative, toutes les autres causes doivent être évoquées (médicaments, aliments, porphyrie, etc.).
Démarche diagnostique
Les causes urologiques d’hématurie sont résumées dans le
Les causes néphrologiques d’hématurie
L’interrogatoire et l’examen clinique peuvent guider l’orientation étiologique.
Interrogatoire
Il doit préciser les circonstances de survenue de l’hématurie si celle-ci était macroscopique : après un effort physique ou après un traumatisme, dans un contexte infectieux (immédiat ou 1 à 2 semaines après) ; si celle-ci était associée à d’autres symptômes uronéphrologiques (pollakiurie, brûlures mictionnelles, œdème des membres inférieurs, urines mousseuses, douleur lombaire) ou systémiques (douleurs articulaires, douleurs abdominales, dyspnée, fièvre, purpura).
En cas d’hématurie macroscopique, on peut distinguer les hématuries initiales qui surviennent en début de miction et proviennent le plus souvent de l’urètre postérieur, les hématuries terminales qui surviennent en fin de miction et sont d’origine vésicale, et les hématuries totales dont l’origine précise ne peut être déterminée sans plus d’examen. L’épreuve des 3 verres de Guyon permet d’illustrer le caractère initial, total ou terminal d’une hématurie macroscopique.
Une hématurie apparaissant de façon cyclique chez une femme en période d’activité génitale peut évoquer une endométriose localisée aux voies urinaires.
La présence de caillots est un élément important à recueillir car ils orientent vers une origine urologique de l’hématurie. En effet, la sécrétion d’urokinase dans les tubules rénaux prévient la formation de caillots dans les hématuries d’origine glomérulaire.
Examen clinique
Examens complémentaires
Que l’hématurie soit macroscopique ou microscopique détectée à la bandelette urinaire, un ECBU est recommandé pour confirmer la présence anormale d’hématies dans les urines. Il permet également de diagnostiquer ou d’écarter une infection urinaire.
Si l’on est d’emblée orienté vers une hématurie d’origine glomérulaire en raison de l’association à une protéinurie de fort débit (également détectée à la bandelette urinaire) ou par la présence de signes évocateurs d’une maladie systémique, les examens demandés sont essentiellement biologiques afin de préciser les caractéristiques et d’avancer dans le diagnostic étiologique de la glomérulopathie (créatinininémie, albuminémie, protéinurie et créatininurie, facteurs antinucléaires, complément, cryoglobulinémie, ANCA, sérologies virales, électrophorèse des protéines sériques, etc.). Une hématurie survenant dans un contexte évocateur de glomérulopathie indique la réalisation d’une biopsie rénale qui justifie au minimum la réalisation d’une échographie rénale afin de contrôler l’absence de contre-indication à la réalisation du geste.
En l’absence de contexte évident de glomérulopathie, un bilan d’imagerie complet est recommandé. Selon les séries, la proportion de cancer chez les patients explorés pour hématurie varie de 5 à 28 %, essentiellement de localisation vésicale. Dans 2 études de population de près de 5 000 individus âgés de plus de 50 ans testés quotidiennement par bandelette urinaire pendant 2 à 10 semaines, 20 % présentaient au moins un dépistage positif d’hématurie microscopique amenant au diagnostic de tumeurs (essentiellement vésicales mais également prostatiques et rénales) dans environ 5 % des cas. La proportion de tumeurs augmente clairement avec l’âge (> 40 ans) et la présence de facteurs de risque de tumeur urothéliale (tabagisme ++). Ces statistiques, associées à la sensibilité imparfaite de l’échographie pour les tumeurs de petite taille (< 3 cm) du haut appareil urinaire et du scanner pour les tumeurs vésicales, encouragent à proposer les examens suivants :
un uroscanner : examen tomodensitométrique de l’arbre urinaire fait sans et avec injection de produit de contraste iodé. Il a une meilleure sensibilité que l’échographie pour le diagnostic des tumeurs rénales de petite taille et les tumeurs urétérales, ainsi que pour les calculs. Il permet également de diagnostiquer certaines malformations vasculaires, les infarctus rénaux, une polykystose rénale, etc. En cas de contre-indication, il peut être remplacé par une uro-IRM ;
une cytologie urinaire : elle doit être de préférence réalisée sur des urines du matin, si possible 3 jours de suite. Sa spécificité est très bonne, proche de 100 %, mais sa sensibilité moyenne évaluée entre 66 et 79 % dans 2 larges séries. Elle permet de détecter les tumeurs vésicales de haut grade et les tumeurs vésicales in situ. En revanche, sa sensibilité est très limitée pour les tumeurs rénales ;
une cystoscopie : elle a une meilleure sensibilité que la cytologie urinaire pour détecter les cancers de vessie, proche de 90 %, mais peut parfois être prise en défaut dans les cas de cancer in situ. Sa rentabilité semble moins bonne chez les patients de moins de 40 ans, notamment lorsqu’il n’existe pas de facteur de risque de tumeur urothéliale et chez les femmes.
La proportion des différentes causes d’hématurie varie en fonction de l’âge. Dans une étude de près de 2 000 patients explorés dans une clinique urologique pour une hématurie (âge moyen 58 ans), 13 % des patients avaient une infection urinaire, 12 % un cancer de la vessie, 0,7 % des tumeurs du haut appareil urinaire, 2 % des calculs et 11 % d’autres diagnostics. Il faut noter que 61 % des patients dans cette étude n’avaient aucune cause retrouvée d’hématurie malgré un bilan exhaustif.
Hématurie microscopique isolée
La maladie à dépôts mésangiaux d’IgA ou maladie de Berger reste la glomérulopathie la plus fréquente dans le monde, elle est caractérisée par la présence au sein des glomérules de dépôts mésangiaux d’IgA. Ses manifestations clinico-biologiques sont extrêmement variables : de la simple constatation histologique (15 % des reins tout-venant prélevés en vue d’un don d’organe au Japon) au tableau de glomérulonéphrite rapidement progressive. Elle peut se limiter à une hématurie microscopique, associée ou non à la survenue d’hématuries macroscopiques contemporaines d’infections des voies aériennes supérieures. Le plus souvent, néanmoins, une protéinurie est associée à l’hématurie.
Le syndrome d’Alport recouvre plusieurs entités en fonction des anomalies génétiques retrouvées. Le tableau le plus fréquent est lié à une mutation du gène codant pour la chaîne α5 du collagène de type IV (COL4A5) situé sur le chromosome X. Il se caractérise par une atteinte sévère chez les hommes associant hématurie (parfois macroscopique, également en période infectieuse), protéinurie, insuffisance rénale évoluant vers l’insuffisance rénale terminale dans la troisième décennie. Les anomalies extrarénales sont une surdité et des anomalies oculaires (lenticônes). Les femmes porteuses de la mutation COL4A5 ont des présentations variables fonction de l’inactivation du chromosome X et qui peuvent se limiter à une hématurie microscopique. Les mutations des gènes codant pour les chaînes α3 et α4 sont impliquées dans les syndromes d’Alport autosomique récessif et dominant, et ce qui était auparavant appelé hématurie familiale bénigne ou maladie des membranes basales minces. Là encore, la maladie peut débuter ou se limiter à une hématurie microscopique isolée.
Traitement et surveillance
La surveillance des hématuries microscopiques isolées après un premier bilan urologique négatif ne nécessite pas de nouveau bilan radiologique. En revanche, une surveillance annuelle de la pression artérielle, de la microalbuminurie et de la créatininémie est recommandée.
Conclusion
La découverte d’une hématurie doit amener à une enquête étiologique.
Le diagnostic d’hématurie doit être confirmé par la réalisation d’un ECBU retrouvant plus de 10 000 hématies par mL.
L’interrogatoire et l’examen clinique doivent préciser les antécédents, traitements et les circonstances de survenue de l’hématurie et permettent parfois d’orienter le diagnostic étiologique.
On distingue 2 grands types d’hématurie : les causes néphrologiques ou glomérulaires (évoquées en cas d’association à une protéinurie, une insuffisance rénale) dominées par la glomérulopathie à dépôts d’IgA, et les causes urologiques liées à des tumeurs, infections ou lithiases principalement.
En l’absence d’orientation, un bilan urologique complet (uroscanner, cytologie urinaire, cystoscopie) devra être réalisé afin de ne pas méconnaître une tumeur rénale ou urothéliale, d’autant plus qu’il existe des facteurs de risque (tabagisme++)
POINTS FORTS À RETENIR
La découverte d’une hématurie doit amener à une enquête étiologique.
Le diagnostic d’hématurie doit être confirmé par la réalisation d’un ECBU retrouvant plus de 10 000 hématies par mL.
L’interrogatoire et l’examen clinique doivent préciser les antécédents, traitements et les circonstances de survenue de l’hématurie et permettent parfois d’orienter le diagnostic étiologique.
On distingue 2 grands types d’hématurie : les causes néphrologiques ou glomérulaires (évoquées en cas d’association à une protéinurie, une insuffisance rénale) dominées par la glomérulopathie à dépôts d’IgA, et les causes urologiques liées à des tumeurs, infections ou lithiases principalement.
En l’absence d’orientation, un bilan urologique complet (uroscanner, cytologie urinaire, cystoscopie) devra être réalisé afin de ne pas méconnaître une tumeur rénale ou urothéliale, d’autant plus qu’il existe des facteurs de risque (tabagisme++)