La découverte d’une hématurie impose un bilan étiologique car elle peut être bénigne mais aussi le premier signe d’un cancer. Que rechercher à l’interrogatoire et l’examen clinique ? Quelles explorations complémentaires ? Une fiche pratique, algorithme décisionnel à l’appui.

Principales causes chez l’adulte

Urologiques : tumeurs (rénales, urothéliales, cancer de la vessie), infections (cystite/pyélonéphrite, prostatite aiguë, tuberculose, bilharziose), calculs quelle qu’en soit la nature, anomalies vasculaires (malformations, thromboses), causes diverses (polykystose rénale, nécrose papillaire, exercice physique, traumatisme, etc.).

Néphrologiques : glomérulonéphrites primitives ou maladie plus générale à expression rénale (vascularite à ANCA [anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles], purpura rhumatoïde, cryoglobulinémie…).

Les principales causes d’hématurie en fonction de sa persistance et de l’âge du patient sont indiquées dans la figure 1.

L’interrogatoire est essentiel

Quel est le contexte ?

Antécédent de lithiase, tumeur, maladie rénale ?

Maladie systémique ? Drépanocytose ?

Tabagisme ? Exposition professionnelle à des toxiques ?

Iatrogénie (antiagrégants ou anticoagulants*, médicaments colorant les urines, cyclophosphamide) ?

Séjour en zone d’endémie bilharzienne ?

*Un antiagrégant ou anticoagulant ne peut à lui seul être responsable : il faut chercher une cause organique sous-jacente.

Quelles sont ses caractéristiques ?

Macroscopique, c’est-à-dire visible à l’œil nu. Ne préjuge pas de sa quantité : 1 mL de sang seulement par litre d’urine peut la colorer en rouge.

Microscopique  : volontiers retrouvé de manière fortuite, à la bandelette urinaire.

Constante (à chaque miction) ou intermittente. Un épisode transitoire chez le jeune n’est pas exceptionnel, notamment après exercice physique intense mais le plus souvent la cause n’est pas retrouvée. Chez la femme, une hématurie rythmée par le cycle menstruel évoque d’abord une endométriose des voies urinaires.

Quels sont les signes associés ?

Pollakiurie, brûlures, impériosités mictionnelles et/ou pyurie orientent en premier lieu vers une infection urinaire, parenchymateuse (pyélonéphrite ou prostatite) si fébrile.

En cas de douleurs lombaires unilatérales (colique néphrétique), craindre un obstacle sur les voies urinaires, lithiase ou tumeur.

L’examen clinique peut orienter

– Si altération de l’état général avec amaigrissement ou asthénie : évoquer une tuberculose ou processus néoplasique.

– Si HTA, œdèmes des membres inférieurs ou signes extrarénaux (arthralgies, lésions cutanées) : suspecter une néphropathie.

– Vérifier l’état de la prostate au toucher rectal.

– Au niveau des organes génitaux externes : varicocèle (cancer du rein avec envahissement de la veine rénale à gauche ou de la veine cave à droite), épididymite (tuberculose urogénitale).

– Palpation des fosses lombaires et de l’abdomen (polykystose rénale).

– Examen gynécologique (cancer du col ou de l’utérus avec envahissement vésical).

Confirmer le diagnostic

La bandelette urinaire détecte l’hème (pigment) dans les urines. Les faux négatifs sont exceptionnels, mais les faux positifs sont fréquents (hémoglobinurie, myoglobinurie, certaines infections urinaires).

Ainsi, un ECBU est recommandé pour confirmer la présence anormale d’hématies dans les urines (analyse quantitative et qualitative). Les urines, prélevées hors règles et après asepsie rigoureuse, sont centrifugées pour analyse du sédiment urinaire et du surnageant. L’hématurie est confirmée si on détecte plus de 5 000 hématies/mL (ou 5/mm3) dans le sédiment avec surnageant clair.

L’ECBU permet également de diagnostiquer ou d’écarter une infection urinaire.

Cause néphrologique ou urologique ?

Une protéinurie > 300 mg/j, notamment si l’albumine est majoritaire, évoque une origine glomérulaire. Lorsque l’hématurie est la seule manifestation d’une maladie glomérulaire, les principaux diagnostics sont :

– néphropathie à dépôts mésangiaux d’IgA (maladie de Berger) ;

– syndrome d’Alport : néphropathie héréditaire glomérulaire avec parfois surdité et anomalies de la cornée ;

– maladie des membranes basales fines, néphropathie héréditaire exceptionnellement compliquée de dysfonction rénale.

La nécessité d’une biopsie rénale est évaluée au cas par cas par le néphrologue (c’est un geste non dénué de risque, notamment hémorragique).

Une fois l’origine néphrologique exclue, évoquer une cause urologique et situer l’origine du saignement : rein, cavités pyélocalicielles, uretères ou vessie.

Prescrire :

– une imagerie en fonction de l’âge du patient et de la pathologie suspectée : UIV + échographie rénale chez le jeune pour faire le diagnostic de maladie de Cacchi et Ricci ; uroscanner : examen de référence d’une hématurie macroscopique, quel que soit l’âge (à ne pas confondre avec un simple scanner abdominal).

– une cytologie urinaire (différente de celle effectuée lors de l’ECBU) faite par un anatomopathologiste sur des urines concentrées, pour dépister une tumeur urothéliale.

– une cystoscopie si risque important de cancer de vessie (homme de plus de 50 ans, tabagique ++, traitement prolongé par phénacétine, cyclophosphamide…) ; à faire devant toute hématurie macroscopique.

Conduite à tenir

Hématurie microscopique (figure 2 avec arbre décisionnel) : la confirmer à 2 reprises en analysant le sédiment urinaire. Dans 7 % des cas, elle est due à une infection urinaire. Après guérison : vérifier sa disparition.

En cas d’hématurie accompagnée d’une protéinurie des 24 h > 500 mg : suspecter une néphropathie.

Une hématurie macroscopique impose des explorations urologiques quel que soit l’âge (uroscanner, fibroscopie vésicale et cytologie urinaire) (v. figure).

Attention : le risque de tumeur maligne de l’appareil urinaire augmente après 50 ans, surtout si le patient est tabagique.

D’après
Pillebout E. Hématurie : trouver l’origine.  Rev Prat Med Gen 2016;30(964):501-2.
À lire aussi :
Hummel A. Item 260 (ancien 257) – Hématurie.  Rev Prat 2017;67(8);e375-8.

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