FOCUS
Le virus de l’hépatite A (VHA) (famille des Picornaviridae) comprend un seul sérotype, et plusieurs génotypes et sous-génotypes. C’est un virus à ARN simple brin très résistant, notamment au pH acide, à la chaleur (stable 1 heure à 60 °C) et aux basses températures.

Souvent asymptomatique

L’expression de la maladie est fortement corrélée à l’âge. L’infection est quasiment toujours asymptomatique chez les jeunes enfants (< 5 ans), ce qui n’est pas le cas chez l’adulte.1 La période d’incubation est en général de 14 à 28 jours (jusqu’à 50 jours).
S’ensuit un tableau clinique difficile à distinguer de celui des autres hépatites aiguës virales. Symptômes les plus fréquents : sensation de malaise, asthénie, anorexie, vomissements, gêne abdominale, diarrhées et, moins souvent, fièvre, céphalées, arthralgies et myalgies. Une élévation des enzymes hépatiques, des urines foncées et parfois des selles décolorées, ainsi qu’un ictère sont caractéristiques. Dans un tiers des cas environ, une phase prodromique est décrite, caractérisée par des arthralgies, des céphalées intenses et/ou une urticaire (triade de Caroli).
Contrairement à l’hépatite B ou C, l’infection par le VHA ne provoque pas d’atteinte chronique du foie. Le taux de létalité varie selon l’âge : 0,1 % chez les moins de 15 ans, 0,3 % entre 15 et 39 ans, et 2,1 % après 40 ans. L’hépatite fulminante, rare, impose une transplantation du foie en extrême urgence ; la mortalité en est élevée.
Les sujets immunodéprimés et ceux ayant une maladie hépatique chronique ont un risque accru de forme grave.

Diagnostic : sérologique

Il repose sur la recherche d’IgM anti-VHA dans le plasma sanguin. Ces anticorps apparaissent 5 à 10 jours après le début des symptômes et persistent 4 mois, valeur médiane (de 1 à 14 mois). L’amplification génétique (RT-PCR) peut détecter directement le virus dans le sang ou dans les selles, mais elle n’est pas pratiquée en routine.
Le séquençage a un intérêt épidémiologique mais n’est pas réalisé à visée diag- nostique.

Transmission

Elle se fait par voie féco-orale, par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés, ou par contact direct avec un sujet contagieux. En effet, les particules virales sont excrétées en grande quantité dans les matières fécales, notamment vers la fin de la période d’incubation.1
Les enfants, souvent asymptomatiques, sont toutefois contagieux, avec un risque de transmission aux autres enfants et aux adultes, et de complications graves (hépatite fulminante).2
Enfin, bien que le VHA ne soit pas transmis par voie sexuelle à proprement parler (contacts muqueux ou via des sécrétions génitales contaminées), les rapports sexuels sont susceptibles de le faire circuler d’un individu à l’autre. Les pratiques oro-anales (anulingus) sont particulièrement à risque.

Épidémiologie

On note une corrélation forte entre l’incidence de l’hépatite A et les indicateurs socio-économiques des pays : le manque d’accès à l’eau potable et d’assainissement est directement associé à une incidence accrue.
Deux méthodes permettent d’estimer la morbidité liée à cette affection : les enquêtes sérologiques (estimation de sa prévalence par tranches d’âge, par détection des IgG plasmatiques anti-VHA) et les systèmes de notification (déclaration en « temps réel » des cas incidents ; méthode appliquée en France).1
Schématiquement, il est possible de distinguer les zones géographiques à prévalence élevée (> 90 % de sujets immunisés avant l’âge de 10 ans) comme l’Afrique sub-saharienne, l’Asie du Sud-Est et certains pays d’Amérique latine ; faible (< 50 % des personnes âgées de plus de 30 ans ayant été infectées), telles l’Europe de l’Ouest ou l’Amérique du Nord ; ou intermédiaire : Moyen-Orient, Europe de l’Est et certains pays d’Amérique latine (prévalence 50-90 %).3 En France, plus de 50 % des adultes sont toujours séronégatifs à l’âge de 50 ans.4
Dans les pays faiblement touchés, l’hépatite A aiguë est essentiellement une pathologie du voyageur. Toutefois, il est plus facile pour le VHA de circuler parmi des populations non immunisées, ce qui explique parfois des épidémies de grande ampleur. La multiplication des partenaires et la promiscuité, parfois favorisées par une certaine forme de « tourisme sexuel » dans les grandes capitales (Europride par exemple), peut constituer le point de départ de ces foyers.

Épidémie actuelle en Europe de l’Ouest

Depuis juin 2016, 16 pays d’Europe de l’Ouest ont rapporté 1 500 cas d’hépatite A aiguë confirmés et 2 660 cas probables ou suspectés, affectant très majoritairement des hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes (HSH).3
Cette épidémiologie n’est pas habituelle. D’ordinaire, la grande majorité des cas résident dans des pays d’Europe de l’Est et sont autochtones. Les rares patients touchés en Europe de l’Ouest ont été contaminés lors d’un voyage. Le sex-ratio hommes/femmes est d’environ 1,3.
Les cas déclarés depuis juin 2016 concernent des HSH n’ayant aucun facteur de risque « classique » (voyage dans un pays endémique, contact avec des enfants, travail en collectivité, ingestion de fruits de mer). La transmission épidémique sexuelle au sein de ce groupe a été corroborée par l’interrogatoire des sujets contaminés, par l’augmentation rapide et importante du sex-ratio hommes/femmes et par l’analyse phylogénétique des virus isolés chez ces sujets. Cette dernière a montré que 3 souches de génotype 1A sont à l’origine de l’épidémie. Leur séquençage a révélé une grande proximité génétique en faveur d’une dissémination épidémique chez les HSH.
En France, les premiers cas groupés ont été décrits en Normandie, dès décembre 2016.5 L’épidémie s’est rapidement propagée en région parisienne, puis sur tout le territoire français. Du 1er janvier au 31 octobre 2017, 2 980 cas d’hépatite A ont été déclarés, soit 4 fois plus qu’au cours de l’année 2016 (sur 12 mois). Le sex-ratio hommes/femmes a augmenté passant de 1 en 2016 à 14 en 2017, au maximum du pic épidémique, dans certaines régions.

Qui vacciner ?

En France, 3 vaccins anti-VHA inactivés sont disponibles sur le marché, parfaitement comparables en termes d’efficacité (encadré). Leur tolérance est excellente et le recul sur leur utilisation est important, fort de plusieurs centaines de millions de doses dans le monde.1
Ces vaccins sont très immunogènes. Le schéma recommandé est de 2 injections à 6-12 mois d’intervalle (encadré). Une seule pourrait suffire, mais les données ne sont pas suffisantes pour recommander ce protocole. Plusieurs études ont estimé que 95-100 % des sujets vaccinés avec 2 doses développent une réponse humorale protectrice. Par ailleurs, l’efficacité a été fortement démontrée à l’échelle populationnelle, par la diminution drastique du nombre de cas d’hépatites A aiguës dans des pays à prévalence forte ou intermédiaire. Enfin, l’analyse du taux d’anticorps chez des sujets vaccinés a montré que 99 % conservaient une protection satisfaisante 10 ans après 2 doses, et des modèles mathématiques estiment qu’elle devrait durer au moins 45 ans.
Chez les immunodéprimés (transplantés, séropositifs pour le VIH), les personnes ayant une hépatopathie chronique et les plus de 45 ans, l’efficacité est probablement moindre : les taux d’anticorps anti- VHA sont plus bas et persistent moins longtemps.
En France, les recommandations vaccinales concernent plusieurs populations à risque (encadré).5 On estime qu’une couverture de 70 % pourrait empêcher la survenue des épidémies parmi les HSH en France. Élargir la vaccination à l’ensemble de la population pourrait être une option pour limiter le risque de transmission.
La pénurie récente de vaccins anti-VHA a conduit les autorités de santé à proposer un calendrier adapté (1 dose unique au lieu de 2).6 Toutefois, la population des HSH (incluant des sujets de plus de 45 ans et/ou infectés par le VIH) devrait recevoir les 2 doses pour une efficacité optimale. En contexte épidémique, il est recommandé de vacciner l’entourage proche des sujets faisant une hépatite A aiguë dès lors que le statut vaccinal n’est pas connu, sans demander au préalable une sérologie VHA. Enfin, il faut rappeler les mesures d’hygiène standard visant à limiter la transmission : lavage régulier des mains, isolement dans les collectivités ou les structures de soins, contacts sexuels protégés.
Spécialités disponibles : Havrix 1440, Vaqta 50 et Avaxim 160.
Indications chez l’adulte : voyageurs en zone de prévalence élevée ou intermédiaire, patients atteints de mucoviscidose et/ou d’hépatopathie chronique, professionnels à risque d’exposition (collectivités accueillant des jeunes enfants ou des personnes handicapées, égouts, restauration collective), HSH.
Schéma vaccinal : 1 dose, puis rappel à 6-12 mois. En cas de pénurie vaccinale, la deuxième injection ne doit pas être effectuée, sauf chez les immunodéprimés et les personnes de plus de 45 ans.
Pathologie potentiellement très grave chez l’adulte (risque d’hépatite fulminante).
Transmission féco-orale mais aussi lors de rapports sexuels (pratiques oro-anales).
Une épidémie touche depuis juin 2016 les HSH en Europe de l’Ouest.
Les homosexuels masculins doivent être vaccinés
Encadre

Qui vacciner ?

Spécialités disponibles : Havrix 1440, Vaqta 50 et Avaxim 160. Indications chez l’adulte : voyageurs en zone de prévalence élevée ou intermédiaire, patients atteints de mucoviscidose et/ou d’hépatopathie chronique, professionnels à risque d’exposition (collectivités accueillant des jeunes enfants ou des personnes handicapées, égouts, restauration collective), HSH. 1 dose, puis rappel à 6-12 mois. En cas de pénurie vaccinale, la deuxième injection ne doit pas être effectuée, sauf chez les immunodéprimés et les personnes de plus de 45 ans.

Références
1. OMS. Note de synthèse : position de l’OMS concernant les vaccins contre l’hépatite A. Juin 2012.
2. Gendrel D. Hepatitis-A vaccination in children. Med Trop (Mars) 2004;64:394-400.
3. Carrillo-Santisteve P, Tavoschi L, Severi E, et al.; ECDC HAV Expert Panel. Seroprevalence and susceptibility to hepatitis A in the European Union and European Economic Area: a systematic review. Lancet Infect Dis 2017;17:e306-19.
4. Roque-Alfonso AM. Les enjeux de la vaccination contre l’hépatite A. Rev Prat 2018;68:291-2.
5. European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC). Epidemiological update: Hepatitis A outbreak in the EU/EEA mostly affecting men who have sex with men. September 2017.
6. Le Bourhis-Zaimi M, Roque-Afonso AM, Chemlal K, et al. Epidémie d’hépatite A parmi des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, Rouen, décembre 2016-avril 2017. BEH 2017(n° 18):355-61.
7. HAS. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2018.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel

Pathologie potentiellement très grave chez l’adulte (risque d’hépatite fulminante).

Transmission féco-orale mais aussi lors de rapports sexuels (pratiques oro-anales).

Une épidémie touche depuis juin 2016 les HSH en Europe de l’Ouest.

Les homosexuels masculins doivent être vaccinés