L’histoire du VHC est unique car sa découverte a été tardive mais les avancées extrêmement rapides, avec la mise à disposition de tests diagnostiques fiables et de traitements efficaces et curatifs, les antiviraux oraux directs. Son élimination est-elle un objectif réaliste ? Interview du Pr Stanislas Pol (département d’hépatologie, hôpital Cochin, AP-HP, Paris).

 

 

Peut-on espérer une éradication de l’hépatite C dans les prochaines années ?

L’hépatite C est la seule infection virale chronique dont on puisse guérir. Grâce à l’association de 2 à 3 antiviraux oraux directs, on obtient la guérison chez environ 98 % des patients en 8 à 12 semaines (et un retraitement permet de soigner la majorité des 2 % restant). L’OMS a fixé l’objectif d’éliminer (l’éradication n’étant pas envisageable en l’absence d’un vaccin) l’hépatite C à l’horizon 2030, avec une réduction des nouvelles infections de 90 %. Cet objectif est envisageable mais suppose des politiques actives de dépistage et d’accès aux traitements au niveau mondial, où seulement 5 % de la population a été traitée. En effet, les capacités d’élimination ne sont pas égales dans tous les pays, même parmi ceux à hauts revenus. Par exemple, aux États-Unis, on observe une explosion des cas d’hépatite C liée à l’épidémie d’usage des opioïdes, en l’absence d’une politique de réduction des risques (programme d’échange de seringues, par exemple). En France, grâce aux efforts faits ces dernières années, on peut espérer répondre à l’objectif de l’OMS, mais il faut encore améliorer le dépistage dans certaines populations précaires ou « oubliées »…

 

 

Comment renforcer le dépistage ?

La HAS ne préconise pas un dépistage systématique de toute la population. Une sérologie de l’hépatite C (recherche des anticorps anti-VHC) est recommandée chez les sujets potentiellement à risque : migrants, usagers de drogues (très haut risque), personnes ayant reçu des traitements médico-chirurgicaux lourds entre les années 1960 et 1990 (même sans facteurs de risque). Beaucoup de ces patients ont été dépistés, mais il y encore des cas, surtout parmi les nouveaux migrants (qui ont reçu des soins à l’étranger), les hémophiles ayant des formes mineures, les patients psychiatriques. En 2017-18, chez les patients hospitalisés à Saint-Anne (Paris), la fréquence de l’hépatite C était de 3,5 %, 10 fois plus élevée qu’en population générale !

De plus, après le dépistage sérologique, un « test reflexe », avec recherche de l’ARN par RT-PCR n’est pas toujours réalisé (chez au moins 30 % des patients). Or ce test est très important, car il révèle une infection active, qui doit être traitée. Quand il n’est pas fait, surtout en médecine de ville (le sérum des patients prélevés n’est pas stocké), il faut reconvoquer le patient, et on perd souvent l’opportunité de le dépister et le traiter. 

 

 

D’où l’intérêt des tests rapides… 

Les TROD permettent d’avoir une réponse en 15 minutes (une demi-heure en tout pour les 2 tests, sérologique et virologique). Leur utilisation est particulièrement importante dans les structures qui prennent en charge les usagers de drogues, les prélèvements IV et le suivi étant difficiles chez ces patients. De plus, dans ces populations très fortement contaminées, la sérologie n’a pas beaucoup d’intérêt, car elle sera positive dans la majorité des cas, alors que le test PCR permet de détecter les infections actives et les réinfections. 

 

 

Le traitement est-il désormais remboursé chez tous les patients en France ?

Oui, depuis janvier 2017, le traitement est pris intégralement en charge pour tous les patients infectés (chroniques) par le VHC, et la prescription est ouverte à tous les médecins depuis 2019, y compris les généralistes. Beaucoup d’efforts ont été faits pour l’accessibilité, même dans les populations précaires. Pour les prisonniers par exemple, le problème du remboursement a été réglé avec le ministère de la justice, depuis un an. La situation des populations psychiatriques est plus complexe, car pour les hôpitaux psychiatriques il est difficile de couvrir ces frais très onéreux (un traitement coûte 20 000 euros/patient). On est en train de travailler avec l’ARS pour lever ce frein à l’accès aux traitements….

 

 

Et chez les patients guéris, quel suivi proposer ?

Tout d’abord, il faut informer les sujets précédemment infectés que l’immunité conférée par le traitement n’est pas complète, et qu’ils doivent appliquer les gestes barrières pour se protéger d’une nouvelle infection (matériel à usage unique et salle de chute, par exemple, pour les usagers de drogues). 

Le suivi dépend de l’hémopathie initiale, à évaluer lors de l’instauration du traitement. Si une fibrose au niveau du foie est présente, il faut maintenir la surveillance, car ces patients, bien que guéris, peuvent développer des comorbidités : surpoids, usage excessif d’alcool, syndrome métabolique, HTA, hypercholestérolémie, diabète. 

En cas de fibrose modérée au départ, et en l’absence de comorbidité, on peut suspendre le suivi hépatique 2 ans après guérison. En revanche, chez les patients ayant une fibrose significative initiale, une échographie hépatique est recommandée tous les 6 mois. En cas de comorbidités, d’autant plus chez les patients ayant une fibrose initiale, on recommande une échographie tous les 6 mois, mais aussi une surveillance biologique annuelle (risque de cancer du foie). Ainsi, même si la prise en charge de ces patients a été initialement du ressort des hépato-gastroentérologues, elle est désormais pluridisciplinaire, les médecins généralistes étant au centre du dispositif…

 

 

 

Le Pr Stanislas Pol vous invite à participer à la Semaine numérique multidisciplinaire, qui se déroule du 1er au 5 février 2021, de 20h à 21h35 : 5 soirées thématiques sur les avancées majeures en rhumatologie, cardiologie, diabétologie, hépatologie.

Pour vous inscrire : https://www.semaine-numerique-multidisciplinaire.com/programme/

 

 

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

 

 

À lire sur ce sujet

Pol S. La révolution thérapeutique de l’hépatite C honorée par un prix Nobel. Rev Prat 2020;70:935-40. 

Pol S. Hépatite C. Infection chronique par le VHC : quels défis ? Rev Prat Med Gen 2020;34:59-64.