« J’ai tout le temps envie d’uriner, docteur »… L’hyperactivité vésicale – besoin urgent et irrépressible d’uriner accompagné parfois d’une incontinence urinaire – peut être un véritable handicap. Après avoir confirmé le diagnostic, elle peut être prise en charge efficacement, associant mesures comportementales, rééducation et solutions thérapeutiques. Tour d’horizon pour le MG.

L’hyperactivité vésicale est un syndrome regroupant plusieurs symptômes urologiques dont l’intensité est variable selon les individus.1L’urgenturie est constante, indispensable au diagnostic : c’est le besoin impérieux et irrépressible d’uriner, difficile à différer. Elle peut être responsable de fuites urinaires, réalisant alors une incontinence urinaire par urgenturie (encadré 1). Autre symptôme, la pollakiurie : il s’agit de l’augmentation de la fréquence des mictions (> 8 mictions en 24 h) ; elle peut être diurne et/ou nocturne. La nycturie (le fait d’être réveillé la nuit par une envie d’uriner) peut compléter le tableau.

La prévalence de l’hyperactivité vésicale se situe entre 10 et 17 % de la population générale et augmente avec l’âge ;2elle serait de 30 % après 75 ans. Les femmes sont plus touchées que les hommes.

Évaluer avec un calendrier mictionnel

Outil de réalisation simple, le calendrier mictionnel est très informatif en cas d’hyperactivité vésicale avec ou sans incontinence urinaire.3,4Les consignes de son remplissage doivent être expliquées clairement au patient. Ce dernier doit uriner dans un verre doseur (gradué en mL) et noter dans un tableau la quantité et l’heure de chaque miction sur 24 heures (de 8 h 00 le matin à 8 h 00 le lendemain matin par exemple), au cours de 2 à 3 journées consécutives ou non. Prolonger le recueil d’informations au-delà risque de nuire à la qualité des données. L’analyse du calendrier permet de mesurer le volume total uriné sur 24 h et de quantifier une pollakiurie et sa fréquence. Si le volume total uriné sur 24 h est > 2 L, c’est que le patient boit trop : il faut lui conseiller de réduire ses apports hydriques (2 L max). La fréquence normale des mictions est de 5 à 7 fois par jour (plus 1 fois par nuit pour les plus de 50 ans).

Il existe des versions papier (téléchargeables sur le site de l’AFU : https://www.urofrance.org/fileadmin/medias/scores/catalogue-mictionnel.pdf) ou numériques, ainsi que des applications sur smartphone (Mictionary par exemple).

Affirmer son caractère « idiopathique »

Il faut toujours exclure une pathologie organique pouvant être responsable du tableau d’hyperactivité vésicale. À l’interrogatoire, il faut rechercher des antécédents d’infections urinaires, tabagisme, chirurgie pelvienne (mise en place de matériel prothétique), radiothérapie, accouchements (nombre, voie et poids de naissance), épisodes d’hématurie. Les causes neuropsychiatriques sont à évoquer en cas de troubles anorectaux, génitosexuels, sensitifs vésicaux, neurologiques (hypoesthésie, troubles de la commande motrice), d’antécédents de violences subies.5

Chez la femme, un examen gynécologique doit être associé (à la recherche d’une atrophie vulvo-vaginale, d’un prolapsus, d’un ectropion du méat urétral, d’une tumeur). Enfin, il faut déterminer s’il existe une fuite urinaire à la toux et aux changements de position (encadré 1).

La recherche d’une infection urinaire par une bandelette, voire par ECBU, est indispensable. En cas d’infection urinaire, le patient doit être traité, puis les symptômes réévalués.

Le bilan urodynamique n’a pas de place en 1re intention (encadré 2).

Prise en charge de 1re ligne

Les règles hygiénodiététiques doivent toujours être conseillées :

  • perte de poids en cas de surpoids ;
  • arrêt du tabac ;
  • diminution de la consommation de thé, café, sodas, alcool ;
  • réduction des apports hydriques à 1-1,5 L/j ;
  • prise en charge d’une éventuelle constipation.
 

Les mesures comportementales sont efficaces (encadré 3). Elles reposent sur :

  • la « reprogrammation » vésicale : dans une vessie hyperactive, les capteurs de sa paroi envoient un signal fort au cerveau déclenchant l’envie d’uriner avant que la vessie ne soit pleine ; les exercices visent à élargir progressivement l’intervalle entre les mictions en évitant les « mictions de précaution » ;
  • des auto-exercices centrés sur le plancher pelvien.
 

Une fiche à destination des patients avec les mesures comportementales est à télécharger ici : « Guide d’entraînement vésical ».

La kinésithérapie périnéale permet de diminuer les fuites associées, en cas de défaut de contractilité des muscles périnéaux. Le renforcement de ces muscles permet d’éduquer le patient à la continence, d’améliorer le soutien des organes pelviens, de renforcer les résistances sphinctériennes à l’effort, et joue un rôle dans l’inhibition réflexe des contractions du détrusor.

Enfin, la neurostimulation par voie transcutanée (TENS) a montré une efficacité comparable à celle des anticholinergiques, avec un meilleur profil de tolérance.6 La stimulation du nerf tibial postérieur (nerf mixte, contingent de fibres provenant de L4-S3, originaire de segments impliqués dans l’innervation périnéale et vésicale) permet un rétrocontrôle inhibiteur du réflexe mictionnel. Le taux d’efficacité serait de 60 %, sans épuisement de l’effet à 24 mois et avec la possibilité de traiter le patient par cycles. Il s’agit d’un traitement simple, non invasif et adaptable.

Et les médicaments ?

Les anticholinergiques purs bloquent l’action des récepteurs muscariniques M3 post-jonctionnels dans le détrusor, inhibant ainsi sa contraction : ils ont une efficacité prouvée mais variable et limitée dans le temps. Cependant, ils entraînent de nombreux effets indésirables : sécheresse buccale, constipation, troubles visuels, tachycardie, confusion. Ils sont contre-indiqués en cas de risque de rétention aiguë d’urine, de glaucome aigu par fermeture de l’angle, de myasthénie, et doivent être utilisés avec beaucoup de prudence chez la personne âgée (encadré 4).

En alternative, le mirabégron (Betmiga) – agoniste des récepteurs bêta-3-adrénergiques – induit un relâchement détrusorien permettant un espacement des mictions et une augmentation de la capacité de la vessie.7 Sa tolérance est meilleure que celle des anticholinergiques mais il impose une surveillance de la PA (risque de crise hypertensive) et cardiologique avec des ECG réguliers (risque d’allongement du QT). Ainsi, il n’est pas remboursé en France dans cette indication (service médical rendu jugé insuffisant).

Traitements de 2e et 3e lignes

En cas d’échec, des traitements plus invasifs peuvent être envisagés dans certaines conditions : injections intradétrusoriennes de toxine botulique, neuromodulation sacrée (implantation d’une électrode dans le foramen S3). La chirurgie est exceptionnelle (cystectomie partielle avec entérocystoplastie d’agrandissement ou cystectomie associée à une dérivation urinaire non continente de type Bricker).

Encadre

1. Incontinence urinaire : trois formes

Par urgenturie : fuites survenant à la suite d’un besoin impérieux et irrépressible d’uriner, difficile à différer.

D’effort : survenue de fuites lors d’efforts d’intensité variable, souvent liées à une surpression abdominale (sport, toux, rire, éternuement). L’incontinence urinaire d’effort isolée n’entre pas dans le cadre de l’hyperactivité vésicale.

Mixte, associant les deux formes.

Encadre

2. Bilan urodynamique : un intérêt controversé

Le bilan urodynamique se déroule en 3 étapes : débitmétrie, cystomanométrie et profilométrie, chacune renseignant sur une phase du fonctionnement mictionnel. Il n’est pas recommandé en 1re intention dans le bilan d’une hyperactivité vésicale idiopathique. En effet, s’il peut permettre de préciser les troubles, ses résultats sont variables, soumis notamment à la qualité de sa réalisation. Normal, il ne remet pas en cause le diagnostic. Selon le comité d’experts de l’AFU, il est indiqué uniquement avant le passage à un traitement de 2e ligne plus invasif.

Encadre

3. Entraînement vésical : reprenez le contrôle de votre vessie !

Imposez-vous un délai entre 2 passages aux toilettes et élargissez-le progressivement. Le calendrier mictionnel vous indique si vous urinez en moyenne toutes les heures ou toutes les 2 ou 3 heures (à partir de 4 heures, c’est un rythme normal). Vous vous obligerez alors à aller aux toilettes à ce rythme-là, par exemple toutes les heures et demie, et cela même si vous n’en n’avez pas envie, ou si vous n’urinez que quelques gouttes ou rien du tout. Pour vous aider, vous pouvez mettre une alarme régulière sur votre téléphone ou votre réveil.

Si une envie survient avant le délai prévu, résistez :

  • ne vous précipitez pas aux toilettes, allez-y d’un pas calme, même si l’envie est pressante ;
  • tentez de la laisser passer : détournez votre attention, pensez à autre chose : comptez à l’envers à partir de 100, récitez un poème, occupez-vous (faites vos comptes, regardez la télévision, bricolez, tricotez, jardinez, écrivez une lettre…), asseyez-vous et prenez 5 respirations profondes (concentrez-vous sur votre respiration et non sur votre vessie, avalez plusieurs fois votre salive) ;
  • essayez des pensées positives : c’est moi qui commande, pas ma vessie ; je contrôle, je suis plus forte qu’elle…

Si ça ne suffit pas, allez uriner pour éviter la fuite, mais retournez-y en respectant l’horaire que vous vous êtes fixé. Après quelques semaines vous arriverez à respecter l’intervalle prévu. C’est alors qu’il faut progressivement l’élargir, de 15 à 30 minutes par semaine jusqu’à ce que vous puissiez attendre 3 à 4 heures entre deux besoins d’uriner.

Développez la force de vos muscles pelviens.

Pour cela, serrez l’anus comme si vous reteniez un gaz. Faites des séries de 5 contractions rapides, laissez passer 10 secondes et recommencez, pendant 5 minutes. Il faut répéter ces exercices systématiquement le matin et l’après-midi, et dès que vous pouvez (en travaillant, en attendant le bus, en lisant cette fiche…). Suivez vos progrès en réalisant un calendrier mictionnel tous les mois.

D’après : 

« Guide d’entraînement vésical ».

Encadre

4. Anticholinergiques purs 

Succinate de solifénacine (Vesicare) : durée de vie courte ; effets secondaires dose-dépendants

Oxybutynine (Ditropan, Driptane)

Toltérodine (Detrusitol)

Fumarate de fésotérodine (Toviaz)

Chlorure de trospium (Ceris) : moins de passage de la barrière hémato-encéphalique ; à préférer chez le sujet âgé, mais toujours avec prudence.

Pour en savoir plus
Desgrandchamps F. Uriner 10 fois par jour : normal ? Rev Prat (en ligne) 27 décembre 2020.
Neveü P, Ouzaid I, Xylinas E, at al. Hyperactivité vésicale.  Rev Prat Me Gen 2021;35(1061);435-9.
Références :
1. Chapple CR, Osman NI, Birder L, et al. Terminology report from the International Continence Society (ICS) Working Group on Underactive Bladder (UAB). Neurourol Urodyn 2018;37(8):2928‑31.
2. Temml C, Heidler S, Ponholzer A, et al. Prevalence of the overactive bladder syndrome by applying the International Continence Society definition.  Eur Urol 2005;48(4):622‑7.
3. Le Normand L, Comité d’urologie et de pelvi-périnéologie de la femme de l’AFU. Recommandations pour l’utilisation du calendrier mictionnel et des questionnaires de symptômes ou de qualité de vie dans l’évaluation d’une incontinence urinaire féminine non neurologique.  Progr Urol 2007;17(6 Suppl 2):1252‑63.
4. Lucas MG, Bosch RJL, Burkhard FC, et al. European Association of Urology guidelines on assessment and nonsurgical management of urinary incontinence.  Actas Urol Esp 2013;37(4):199‑213.
5. Amarenco G. Urologie de la femme. PM Éditions, 2011.
6. Gaziev G, Topazio L, Iacovelli V, et al. Percutaneous Tibial Nerve Stimulation (PTNS) efficacy in the treatment of lower urinary tract dysfunctions: a systematic review.  BMC Urol 2013;13:61.
7. Chu FM, Dmochowski R. Pathophysiology of overactive bladder. Am J Med  2006;119(3 Suppl 1):3‑8.

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