Un patient djiboutien de 34 ans, consommateur régulier de khat, est vu en consultation pour des douleurs abdominales diffuses sans fièvre dans un contexte d’altération de l’état général depuis un mois. Le bilan biologique révèle une hyperéosinophilie (HE) majeure à 18 G/L sans anomalie des autres lignées, une protéine C-réactive (CRP) à 15 mg/L, sans anomalie du bilan hépatique. Devant les douleurs abdominales, un scanner (tomodensitométrie [TDM]) abdominal avec injection de produit de contraste met en évidence trois images hépatiques (figure). La sérologie amibiase est négative, mais la sérologie distomatose revient très fortement positive pour Fasciola hepatica. En l’absence de disponibilité du traitement de référence (triclabendazole), le patient bénéficie d’un traitement par praziquantel. L’évolution clinique et biologique est favorable, avec disparition complète des symptômes et normalisation de l’hémogramme en deux mois.
Une hyperéosinophilie majeure est définie par un taux sanguin de polynucléaires éosinophiles supérieur à 1,5 G/L. En zone intertropicale, l’origine parasitaire est prédominante, même si une enquête exhaustive doit être menée afin d’écarter d’autres causes classiques, en particulier médicamenteuses ou toxiques. Les HE majeures sont souvent observées en phase d’invasion parasitaire. L’étude parasitologique des selles est donc rarement contributive. Seules les sérologies peuvent conduire au diagnostic, bien que certaines d’entre elles soient d’une rentabilité aléatoire. Les parasitoses en cause dépendent des pays : les plus fréquentes sont les bilharzioses, l’anguillulose, la distomatose, les filarioses, l’hydatidose et la trichinose.
Dans le cas rapporté, l’hypothèse d’une distomatose hépatique a été privilégiée, devant les arguments épidémiologiques locaux (consommation de khat), les images au scanner (masses hépatiques pseudokystiques centimétriques hétérogènes) et biologiques (intensité de l’HE). La distomatose à Fasciola hepatica est une parasitose cosmopolite qui peut se présenter sous deux formes : à la phase d’état, les manifestations les plus fréquentes sont liées à l’obstruction des voies biliaires par les parasites responsables d’angiocholites ou plus rarement de pancréatites aiguës. La distomatose hépatique peut être asymptomatique et découverte sur un examen d’imagerie, comme chez ce patient. En échographie, il s’agit de nodules de taille variable, hypo-, hyper­échogènes ou mixtes, aux contours mal définis, en chapelet ou en « anneaux olympiques » correspondant à des granulomes. En TDM, on peut observer des hypo­densités irrégulières,1 de localisation sous-capsulaire, avec un rehaussement périphérique. Dans les formes évoluées, ces images peuvent être calcifiées. L’HE est généralement franche et fluctuante à partir de la phase d’invasion.
Sur le plan épidémiologique, le mode de contamination par le khat (Catha edulis Celestrasae) n’a été évoqué dans la littérature que très rarement2 mais semble être la seule voie possible d’infestation à Djibouti où près de deux tiers de la population masculine serait consommatrice (mastication des feuilles à l’état frais).
La thérapeutique de référence de la distomatose à Fasciola hepatica repose sur le triclabendazole (10 mg/kg en prise unique), médicament très efficace et bien toléré. L’alternative est le praziquantel (75 mg/kg en trois prises réparties sur vingt-quatre heures), d’efficacité inférieure (seulement 40 % de guérison). 
Références
1. Dusak A, Onur MR, Cicek M, First U, Ren T, Dogra VS. Radiological imaging features of Fasciola hepatica infection – A pictorial review. J Clin Imaging Sci 2012;2:2.
2. Cats A, Scholten P, Meuwissen SG, Kuipers EJ. Acute Fasciola hepatica infection attributed to chewing khat. Gut 2000;47(4):584-5.

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