La prévalence de l’hypertension artérielle (HTA) chez les patients diabétiques est supérieure à celle observée en population générale (75 % versus 35 %).
Le bon contrôle de la pression artérielle (PA) est un objectif essentiel chez ces patients. Il permet en effet d’améliorer leur survie globale, de diminuer leur risque de complications macrovasculaires (événements cardiovasculaires, insuffisance cardiaque) et de complications microvasculaires (néphropathie, rétinopathie). En revanche, il ne diminue pas le risque de neuropathie diabétique.
L’hypotension orthostatique augmente le risque de déclin cognitif, d’événement cardiovasculaire et de chute. Or elle est plus fréquente chez le patient diabétique en raison de la dysautonomie compliquant la neuropathie diabétique (la fréquence cardiaque s’accélère moins lors du passage à l’orthostatisme).
Objectiver l’HTA
L’HTA est définie par une pression artérielle systolique (PAS) > 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique (PAD) > 90 mmHg, mesurée à plusieurs reprises en consultation et confirmée au domicile.
Mesure optimale au cabinet médical
L’utilisation d’un tensiomètre électronique est à privilégier (la méthode auscultatoire est complémentaire, en cas de doute) :
– le brassard huméral doit être adapté à la morphologie du patient ;
– il faut faire trois mesures consécutives, en position assise ou couchée, après quelques minutes de repos sans avoir parlé, ni fumé ;
– c’est la moyenne des deux dernières mesures qui permet de conclure à l’existence d’une HTA.
Lors de la première évaluation, il est indispensable de prendre la mesure aux deux bras (et choisir la plus élevée des deux valeurs) et de chercher une hypotension orthostatique. L’hypotension orthostatique se définit par une baisse de plus de 20 mmHg de PAS et/ou de plus de 10 mmHg de PAD. Elle est évaluée par des mesures de la PA après 1 et 3 minutes debout.
Mesure optimale à domicile
La mesure de la PA à domicile est nécessaire avant de débuter ou de modifier le traitement antihypertenseur et avant les consultations de suivi. Elle permet de s’affranchir d’un éventuel effet « blouse blanche ».
Pour des raisons pratiques, les automesures tensionnelles sont préférées à la mesure ambulatoire de la PA.
Automesures tensionnelles (AMT)
Elles sont réalisées par le patient ou un aidant à l’aide d’un tensiomètre automatique, en position assise et au repos : – trois mesures à 1 minute d’intervalle le matin ;
– trois mesures le soir sur trois jours consécutifs. Les valeurs de PA et de fréquence cardiaque sont colligées.
Mesure ambulatoire de la PA (MAPA)
Elle est recommandée :
– si les automesures ne sont pas réalisables ;
– si l’on souhaite évaluer la pression artérielle nocturne ;
– si l’on suspecte une variabilité tensionnelle importante ;
– ou en cas d’HTA non contrôlée par une trithérapie.
En outre, chez les patients diabétiques apparemment normotendus, la MAPA permet de dépister une HTA masquée (PA normale en consultation mais HTA au domicile).
Elle peut également déceler le défaut anormal de baisse de la pression artérielle nocturne, plus fréquent chez ces patients.
Bilan de première intention
Interrogatoire et examen clinique
Ils doivent rechercher :
– les antécédents contribuant au risque cardiovasculaire global ;
– les facteurs provoquant ou aggravant l’HTA ;
– les symptômes évoquant un retentissement viscéral ;
– l’extension d’une éventuelle maladie athéromateuse.
Examens complémentaires de première intention
Le bilan initial poursuit trois objectifs :
– chercher une cause à l’HTA ;
– évaluer le risque cardiovasculaire global ;
– évaluer le retentissement cardiaque de l’HTA.
Chercher une HTA secondaire
Avant de conclure à une HTA essentielle, il faut éliminer les causes d’HTA secondaire, notamment les pathologies néphrologiques et endocrines.
Cette investigation passe par les examens complémentaires suivants :
– mesure de la créatinine plasmatique avec estimation du débit de filtration glomérulaire (CKD-EPI) ;
– recherche d’une protéinurie, quelle que soit la méthode ;
– recherche de microalbuminurie uniquement chez les patients diabétiques sans protéinurie ;
– kaliémie sans garrot et natrémie.
(Voir article « HTA secondaire » dans le n° 1060 de La Revue du Praticien-Médecine générale).
Évaluer le risque cardiovasculaire global
L’évaluation des facteurs de risque cardiovasculaires nécessite :
– le dosage de l’hémoglobine glyquée (HbA1C) ;
– un bilan lipidique à jeun (cholestérol total, HDL, triglycérides, calcul du LDL selon la formule de Friedewald).
Estimer le retentissement cardiaque de l’HTA
En première intention, l’électrocardiogramme de repos est l’examen de choix pour chercher une hypertrophie ventriculaire gauche.
Prise en charge
Cibles tensionnelles chez le patient diabétique
L’objectif diffère selon que le patient a ou non une néphropathie : les chiffres tensionnels ciblés sont en effet plus stricts en cas de protéinurie ou de microalbuminurie (
Principes généraux du traitement
Le choix préférentiel du traitement antihypertenseur et le rythme de surveillance sont bien codifiés (
IEC/ARA2
Il est recommandé d’introduire un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou un antagoniste du récepteur de l’angiotensine II (ARA2) :
– dès le stade de la microalbuminurie ;
– en cas d’altération du débit de filtration glomérulaire (DFG) < 60 mL/min ;
– en cas d’insuffisance cardiaque.
Ce traitement impose un contrôle de la fonction rénale et de la kaliémie sept à quinze jours après introduction. Il faut absolument donner la consigne au patient de l’interrompre transitoirement en cas de pertes digestives, de fièvre ou de fortes chaleurs.
Diurétiques
Les diurétiques de l’anse sont privilégiés si le patient a :
– une insuffisance rénale (DFG < 30 mL/min) ;
– une insuffisance cardiaque ;
– un syndrome néphrotique.
Bithérapie
Si une bithérapie est nécessaire, il s’agit de privilégier les associations fixes en un seul comprimé pour améliorer l’observance. IEC et ARA2 ne doivent pas être associés.
Enfin, il est préférable de ne pas prescrire plus de trois antihypertenseurs au-delà de 80 ans.
Antidiabétiques et HTA
Les effets antihypertenseurs et néphroprotecteurs potentiels des antidiabétiques sont également à considérer.
Ainsi, les inhibiteurs du SGLT2 ont un effet diurétique, ralentissent le déclin de la fonction rénale et diminueraient la PAS de 3 à 6 mmHg.
Les analogues du GLP-1 diminueraient également la PAS de 2 à 3 mmHg.
L’insuline, quant à elle, n’a pas d’effet sur la PA.
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