Certains extraits de plantes, en particulier celui du palmier de Floride (Serenoa repens), sont souvent proposés aux patients ayant des symptômes urinaires causés par une hypertrophie bénigne de la prostate. Mais leur efficacité reste débattue. Une revue de la Cochrane incluant des études d’un haut niveau de preuve s’est penchée sur cette question…

L’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) est une des affections bénignes les plus fréquentes chez l’homme après 40 ans, sa prévalence variant entre 13 et 57 % selon les études. Le principal facteur de risque est l’âge.

Elle peut entraîner des symptômes du bas appareil urinaire (SBAU), d’intensité très variable selon les sujets, dus à une compression de l’urètre et à une obstruction : symptômes liés au remplissage vésical (pollakiurie, urgenturie, nycturie), à la miction (dysurie, jet faible, haché, poussée abdominale, faible volume), ou post-mictionnels (goutte retardataire, sensation de vidange incomplète).

Le traitement est conservateur en cas de SBAU légers sans altération de la qualité de vie (surveillance et règles hygiénodiététiques). En revanche, si les symptômes sont modérés à sévères, altérant la qualité de vie, sans complication liée à l’HBP, un traitement médical est recommandé : alphabloquants et/ou inhibiteurs de la 5-alpharéductase notamment, mais la phytothérapie est souvent utilisée aussi (Serenoa repens, ou palmier de Floride, et Pygeum africanum ou prunier d’Afrique). Si les guidelines européennes ne recommandent pas l’utilisation systématique de ces plantes, elles indiquent que l’extrait de Serenoa repens peut être proposé aux patients souhaitant éviter les effets secondaires d’autres traitements – tout en les informant que les effets de ces phytothérapies peuvent être modestes.

L’efficacité réelle de ces extraits de plantes, largement utilisés, reste en effet incertaine. Leur mécanisme d’action est mal connu, mais il pourrait impliquer, en ce qui concerne le Serenoa repens, des propriétés d’inhibition de la 5 alpha-réductase – donc de la conversion de la testostérone en dihydrotestostérone –, des propriétés anti-inflammatoires mais aussi pro-apoptotiques, freinant la prolifération de cellules liée à l’HBP, ou encore la relaxation du détrusor par le biais des récepteurs alpha-1 adrénergiques.

Une nouvelle revue de la Cochrane a ainsi évalué l’efficacité de l’extrait de Serenoa repens dans le traitement des symptômes urinaires liés à une HBP. Elle a inclus 27 études randomisées contre placebo, conduites en Europe, en Asie et aux États-Unis, pour un total de 4 656 patients, âgés majoritairement de plus de 50 ans (rang d’âge moyen : 52 à 68 ans). Les participants avaient des SBAU d’intensité modérée (score IPPS [International Prostate Symptom Score] 8 à 19). Dix-neuf études concernaient le Serenoa repens seul, le plus souvent à la dose de 320 mg/jour, et huit le combinaient à d’autres plantes, à des doses allant de 286 à 320 mg/jour. Dix études étaient financées par l’industrie pharmaceutique et deux par des institutions publiques.

Pas de différence par rapport au placebo

Dans les études ayant comparé le Serenoa repens seul au placebo (ou à l’absence d’intervention), il y avait peu ou pas de différence dans les SBAU et dans la qualité de vie au cours du suivi à court terme (3 à 6 mois) : différences moyennes dans le score IPPS de −0,90 (IC95% : −1,74 à −0,07) pour les symptômes et de −0,20 (IC95% : −0,40 à −0,00) pour la qualité de vie. Le suivi à long terme (12 à 17 mois) a montré des résultats similaires. Ces résultats étaient considérés comme ayant un niveau de preuve de certitude élevée (issus d’études ayant un faible risque de biais).

En ce qui concerne les effets indésirables, il y avait peu ou pas de différence au cours du suivi (1 à 17 mois), par rapport au placebo : risk ratio de 1,01 (IC95% : 0,77 à 1,31) ; niveau de preuve de certitude modérée.

Les études ayant inclus d’autres extraits de plantes en combinaison avec le Serenoa repens montraient également peu ou pas de différence dans les SBAU par rapport au placebo au cours du suivi à court terme : différence moyenne de −2,41 (IC95% : −4,54 à −0,29). Mais ces preuves étaient considérées de certitude faible. Les données d’efficacité sur la qualité de vie étaient considérées de certitude très faible et ne permettaient pas de conclure. Quant aux effets indésirables, il semblait y avoir peu ou pas de différence par rapport au placebo.

Étant donné le nombre croissant de recherches menées ces dernières années sur ce sujet, les auteurs de cette revue – qui est une mise à jour de travaux antérieurs, publiés en 2021 – ont voulu inclure ces preuves récentes ; toutefois, les conclusions restent inchangées.

Pour en savoir plus
Franco JVA, Trivisonno L, Sgarbossa NJ, et al. Serenoa repens for the treatment of lower urinary tract symptoms due to benign prostatic enlargement. Cochrane 2023;6:1465-858.
Lire aussi :
Desgrandchamps F. Hypertrophie bénigne prostatique.  Rev Prat Med Gen 2018;32(997);185-6.
Grisard S, Long JA. Item 123. Hypertrophie bénigne de la prostate.  Rev Prat 2018;68(4);e149.

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