Cette technique est actuellement à la mode, portée par l’engouement pour l’« hypnose spectacle » qui intrigue et fascine. Un grand nombre de fantasmes et de fausses croyances (encadré) freinent son intégration à la pratique médicale.1

Qu’est-ce que l’hypnose ?

Méthode thérapeutique et psychothérapeutique connue depuis longtemps, l’usage de la transe pour guérir remonte à 3 000 ans av. J.-C. Dans les années 1950, l’American Medical Association a validé son utilisation en médecine somatique.
Le terme « hypnose » désigne aussi bien l’état de conscience spécifique (appelé transe hypnotique) que le procédé pour l’induire, qui repose sur un mode de communication (la technique hypnotique) et une interaction particulière (la relation hypnotique).
Le thérapeute aide le patient à y entrer dans un but thérapeutique. L’attention peut être focalisée sur une sensation, une perception ou un mouvement. Le sujet reste conscient, et tous ses sens sont en éveil. Cet état est propice à produire de façon intense des phénomènes corporels (mouvement d’un bras, anesthésie…), émotionnels (joie, sérénité, confiance…), psychologiques (perception altérée du temps, souvenirs, régression en âge, nouvelles idées, solutions…). C’est une technique où le soignant fournit, propose des outils au sujet en transe pour induire des changements (rejet de l’intoxication tabagique, détente, sentiment de contôle...), transformer un contexte (et aussi un vécu) négatif en quelque chose de positif.
L’objectif est de lui faciliter l’accès à des ressources inconscientes : dévier l’attention ou la focaliser différemment, rehiérarchiser autrement les perceptions, les pensées, expérimenter profondément d’autres sensations, ressentir ses forces, ses capacités… Applications médicales : hypnosédation (à visée sédative, utilisée en anesthésie), hypnoanalgésie (apaisement de la douleur) et hypnothérapie (à but psychothérapeutique)

Hypnoanalgésie : indication reine

Son effet sur la douleur aiguë ou chronique est de mieux en mieux documenté.2 L’hypnose n’agit pas en supprimant, mais en modifiant l’information douloureuse au niveau cortical et sous-cortical.
Avantages par rapport à d’autres moyens thérapeutiques : éviter les effets secondaires des antalgiques ; rendre le patient capable d’autogérer sa douleur (via l’autohypnose).

Une multitude d’applications

En raison de grandes difficultés méthodo- logiques, les seules indications établies actuellement avec un haut niveau de preuve sont les actes interventionnels et le syndrome de l’intestin irritable.3, 4
En peropératoire, l’hypnose a démontré son efficacité pour diminuer la quantité d’antalgiques et/ou de sédatifs administrés. Elle aurait aussi potentiellement certains effets positifs : réduire la détresse émotionnelle, stabiliser des paramètres physiologiques, raccourcir le temps opératoire et le délai de rétablissement.
Dans le syndrome du côlon irritable résistant au traitement médical, les bénéfices sont bien établis. Dans la dyspepsie, l’hypnothérapie serait même supérieure au traitement médicamenteux.
En obstétrique, son efficacité n’a pas été clairement démontrée dans la prise en charge de la douleur pendant l’accouchement ni sur l’augmentation du taux de naissances par voie basse spontanée. Un critère de jugement comme le vécu subjectif des femmes serait à privilégier pour démontrer son intérêt, car l’hypnose contribuerait à rendre l’expérience plus positive (davantage de sentiment de capacité, de contrôle, moins d’anxiété).
En revanche, elle serait efficace contre les bouffées de chaleur à la ménopause (moins fréquentes).
En cancérologie : elle diminue la douleur, mais aussi les vomissements dus à la chimiothérapie.
Dans l’asthme, l’autohypnose peut aider le patient à gérer les symptômes respiratoires, la sévérité et/ou la fréquence des crises.
De nombreux dentistes sont formés et pratiquent quotidiennement cette méthode pour l’analgésie lors des soins, réduire le saignement et pour prendre en charge l’anxiété.
Les troubles anxieux (attaques de panique et phobies) et le stress post-traumatique sont des cibles particulièrement intéressantes. En revanche, il y a moins de preuves dans la dépression. Des psychothérapies intégratives associant hypnose, thérapies brèves et cognitivo-comportementales, méditation de pleine conscience et EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) sont particulièrement prometteuses.
Autres applications étudiées mais moins de niveau de preuve : arrêt du tabac, de l’alcool, dermatoses (eczéma, psoriasis…), rétention urinaire, éjaculation précoce, impuissance, incontinence par instabilité du détrusor, énurésie, migraine, Parkinson.

Pour tous les patients ?

La seule contre-indication consensuelle concerne les personnes souffrant de psychose ou de troubles délirants lors des phases de décompensation.
Aucun effet secondaire grave n’a été rapporté. Céphalées, vertiges, nausées, anxiété sont rares.
Au niveau éthico-juridique, un risque de manipulation psychologique ou de création de faux souvenirs serait le fait de thérapeutes malveillants ou incompétents. C’est pourquoi, dans la plupart des pays, la pratique de l’hypnose est réservée aux médecins, psychologues et dentistes ayant suivi une formation validée. Cela n’est pas le cas en France.

Mieux communiquer

Il est possible de modifier la communication avec son patient pour qu’elle soit plus positive, sans pour autant induire une transe hypnotique formelle (tableau).5 Notons que, dans les situations à forte participation affective comme en cas de douleur intense ou d’angoisse (urgences, annonce de maladie grave…), un état hypnotique peut apparaître spontanément. L’emploi de suggestions positives est alors utile pour renforcer la relation médecin-patient et aider ce dernier à exploiter ses propres ressources.
De plus en plus de généralistes se forment à l’hypnose et en tirent profit pour leur exercice quotidien ; 30 DU existent, parfois trop théoriques, mais aussi des formations indépendantes très pratiques (préférer celles gérées par des médecins ; adhérents à la CFHTB p. ex.).
Je tiens à remercier le Dr Philipe Aim pour sa formation à l’hypnose et aux thérapies brèves qui a profondément fait évoluer ma pratique.
Encadre

Hypnose : la réalité à l’épreuve des fausses croyances

Les fausses croyances

• L’hypnose est autoritaire

• Le thérapeute a le pouvoir, il subjugue ?

• Le patient est passif, inconscient, « sous influence », il dort…

• Le but est de comprendre, remonter à la source du problème

• C’est de la relaxation, de la méditation

• C’est un état de sommeil

• C’est un phénomène que s’imaginent les personnes suggestibles


La réalité

• L’hypnose est permissive

• C’est le patient qui entre en hypnose

• Le patient est actif, il ne perd pas conscience, il active des ressources pour provoquer un changement

• Le but est de susciter la résilience, trouver ressources et solutions

• On vise un changement actif, pas juste la détente ou l’acceptation passive

• C’est un état plutôt d’hyperéveil

• C’est un phénomène cérébral particulier, psychologique, de mieux en mieux identifié par les études d’imagerie

Références
1.  Landry M, Lifshitz M, Raz A. Brain correlates of hypnosis: A systematic review and meta-analytic exploration. Neurosci Biobehav Rev 2017;81(Pt A):75-98.
2. Del Casale A, Ferracuti S, Rapinesi C, et al. Hypnosis and pain perception: An Activation Likelihood Estimation (ALE) meta-analysis of functional neuroimaging studies. J Physiol Paris 2015;109:165-72.
3. Guéguen J, Barry C, Hassler C, et al. Évaluation de l’efficacité de la pratique de l’hypnose. Rapport Inserm. Juin 2015. https://bit.ly/2NXgetz
4. Häuser W, Hagl M, Schmierer A, Hansen E. The Efficacy, Safety and Applications of Medical Hypnosis. Dtsch Arztebl Int 2016;113:289-96.
5. Aïm P. Écouter, parler : soigner. Guide de communication et de psychothérapie à l’usage des soignants. Paris: Estem; 2015: 255 p.

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essentiel

et utilisée dans de nombreuses indications avec composante douloureuse et/ou émotionnelle.

Céphalées, vertiges, nausées, anxiété sont rares.

en analgésie, dans le syndrome de l’intestin irritable. Elle est utile au quotidien dans la communication avec le patient.