Dans l’insomnie aiguë survenant après un événement physique ou psychologique traumatisant, le médecin peut prescrire un traitement médicamenteux, dans des conditions bien précises, pour aider le patient à passer le cap et éviter le passage à une insomnie chronique.1
Benzodiazépines : préférer celles à demi-vie courte
Les benzodiazépines diminuent la latence d’endormissement et améliorent subjectivement la qualité du sommeil, mais elles en modifient l’architecture, en diminuant le sommeil lent profond et le sommeil paradoxal au profit du sommeil lent léger. Toutes les benzodiazépines ont des propriétés communes : sédative-hypnotique, anxiolytique, myorelaxante, anticonvulsivante. Mais elles ont aussi des effets indésirables :2 elles sont amnésiantes, source d’accoutumance et inductrices de dépendance.
Les benzodiazépines hypnotiques – loprazolam (Havlane), estazolam (Nuctalon), nitrazépam (Mogadon) – ont un Tmax entre une et trois heures mais une demi-vie qui varie largement (entre 5 et 25 heures). Les benzodiazépines à demi-vie longue doivent être utilisées avec prudence (tableau 1), entraînant des effets sédatifs en journée et favorisant donc les accidents, notamment de la voie publique.3 Les pictogrammes appliqués sur les boîtes de médicaments renseignent sur ce risque accidentel mais semblent avoir peu d’impact. C’est au moment de l’initiation du traitement ou lors d’une augmentation de posologie que le risque est le plus important.
Enfin, chez les sujets âgés, elles peuvent être source de chutes nocturnes et diurnes, et leur usage prolongé pourrait favoriser un risque d’affaiblissement cognitif,4 voire de démence.5 Les benzodiazépines sont indéniablement efficaces sur l’induction et le maintien du sommeil à court terme, mais elles perdent de leur efficacité à long terme.
Ainsi, compte tenu de leurs effets indésirables, du risque de dépendance et de leur inefficacité au long cours, leurs indications sont réservées à l’insomnie aiguë et leur durée de prescription est limitée à 28 jours.
Attention : beaucoup d’autres benzodiazépines anxiolytiques sont utilisées comme hypnotiques sans avoir d’AMM dans cette indication (tableau 2).
Z-drugs : moins d’effets indésirables
Les molécules apparentées, ou Z-drugs, sont le zolpidem (Stilnox) et la zopiclone (Imovane). Leur action est rapide (Tmax de 1,4 à 3 heures) et leur demi-vie est respectivement de 2,5 heures et 5 heures. Ces molécules sont particulièrement efficaces sur l’induction du sommeil ; la zopiclone agit aussi un peu sur le maintien du sommeil compte tenu de sa durée d’action plus longue. Elles ne modifient pas l’architecture du sommeil.
Les règles de prescription des benzodiazépines s’appliquent également aux Z-drugs (durée de prescription limitée à 28 jours) qui, toutefois, sont considérées comme étant exclusivement hypnotiques (sans effet anxiolytique, myorelaxant, ou antiépileptique) et sans effet indésirable le lendemain de la prise compte tenu de leur brève durée d’action, sans rebond d’insomnie, sans syndrome de sevrage à l’arrêt et avec un risque de dépendance plus faible. Il faut faire attention aux prises tardives en milieu de nuit ou à des posologies non conformes qui exposent alors aux mêmes risques que les benzodiazépines (réduire à un demi-comprimé chez les sujets âgés).
De plus, des parasomnies avec troubles moteurs ont été rapportées après prise de zolpidem.6
Règles de prescription de benzo et Z-drugs
- Choisir l’hypnotique adapté à chaque patient.
- Prescrire la posologie la plus faible possible, quitte à l’augmenter progressivement.
- En cas de prescription d’une benzodiazépine, privilégier une molécule à courte durée d’action.
- Si possible, préférer une Z-drug à une benzodiazépine.
- En cas de prescription d’une Z-drug, inciter le malade à une prise discontinue (arrêt le week-end ou prise 3 ou 4 fois par semaine).
- Prévenir d’emblée le patient que la prescription n’est autorisée que pour 28 jours.
- Dès la prescription, prévoir la date et les modalités d’arrêt du traitement.
- En cas de renouvellement de la prescription, s’interroger sur son intérêt et sur le rapport bénéfices/risques.
- En cas de prise très prolongée d’une benzodiazépine, mettre en œuvre une procédure de sevrage : sevrage très progressif, par paliers, à un moment favorable, après motivation du patient, avec suivi régulier et parfois aide comportementale.
- Ne jamais prescrire conjointement deux hypnotiques.
Antihistaminiques : gare aux contre-indications !
Les antihistaminiques produisent un effet sédatif favorisant l’assoupissement nocturne.
Quatre médicaments (tableau 1) ont une AMM dans le traitement de l’insomnie d’endormissement après échec des mesures comportementales : la prométhazine (Phenergan), l’alimémazine (Théralène), la doxylamine (Donormyl) chez l’adulte et l’hydroxyzine (Atarax) chez l’enfant de plus de 3 ans. La doxylamine (Donormyl) est en vente libre.
L’efficacité rapportée subjectivement porte sur l’endormissement, le maintien du sommeil et sa durée. Toutefois, le niveau de preuve d’efficacité de ces molécules dans l’insomnie est faible. Les effets indésirables reposent sur leur possible effet résiduel avec somnolence diurne, sur leurs propriétés anticholinergiques pouvant provoquer vision trouble, bouche sèche, constipation, rétention urinaire, hypotension et dégradation de l’état cognitif chez les sujets âgés, chez lesquels ils sont déconseillés. Avec l’hydroxyzine, des risques d’allongement de l’intervalle QT ou de torsades de pointes ont été décrits.
Les antihistaminiques ne sont donc prescrits que pour des durées brèves, en respectant leurs contre-indications : glaucome à angle fermé, insuffisance respiratoire, myasthénie, troubles prostatiques.
Références :
1. HAS. Recommandations pour la pratique clinique. Prise en charge du patient adulte se plaignant d’insomnie en médecine générale. 2006;1-41.
2. Brandt J, Leong C. Benzodiazepines and Z-drugs: An updated review of major adverse outcomes reported on in epidemiologic research. Drugs RD 2017;17:493-507.
3. Orriols L, Philip P, Moore N, et al. Benzodiazepine-like hypnotics and the associated risk of road traffic accidents. Clin Pharmacol Ther 2011,89(4):595-601.
4. Nafti M., Sirois C, Kröger E, et al. Is benzodiazepine use associated with the risk of dementia and cognitive impairment-not dementia in older persons? The Canadian study of health and aging. Ann Pharmacother 2020,54(3):219-25.
5. Mitra P. A systematic review and meta-analysis of the risk of dementia associated with benzodiazepine use, after controlling for protopathic bias. In: Tampi RR, Tampi DJ, Young JJ, et al. Essential reviews in geriatric psychiatry. Springer Nature 2022.
6. Wong CK, Marshall NS, Grunstein RR, et al. Spontaneous adverse event reports associated with zolpidem in the United States 2003-2012. J Clin Sleep Med 2017;13(2):223-34.