objectifs
Diagnostiquer une hypoglycémie.Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.
Diagnostiquer une hypoglycémie.
Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.
Le diagnostic d’hypoglycémie est facilement évoqué et confirmé grâce à la réalisation d’une glycémie capillaire chez un patient diabétique connu, mais il est moins aisé en dehors du diabète, du fait de la rareté de cette situation et de la diversité des symptômes d’hypoglycémie qui parfois retardent le diagnostic.
L’hypoglycémie doit être évoquée devant des signes adrénergiques et/ou neuroglucopéniques contemporains d’une mesure de la glycémie capillaire ou veineuse basse, et sa prise en charge doit être effectuée en urgence.
Les causes des hypoglycémies sont multiples, les causes médicamenteuses – notamment liées aux traitements hypo­glycémiants du diabète – étant les plus fréquentes. En l’absence d’une cause évidente, une investigation diagnostique méthodique doit être menée pour confirmer l’hypoglycémie, identifier sa cause et initier un traitement adapté.

Définition et signes cliniques de l’hypoglycémie

L’hypoglycémie est définie par une baisse de la concentration plasmatique en glucose, les seuils retenus étant différents en fonction du contexte : < 60 mg/dL (3,3 mmol/L) chez une personne connue diabétique et < 50 mg/dL (2,85 mmol/L) chez une personne non diabétique.
L’hypoglycémie est suspectée devant deux types de signes cliniques (tableau 1) :
  • les signes adrénergiques liés à l’activation neuronale sympathique, non spécifiques de l’hypoglycémie, et qui peuvent être absents lorsque les épisodes d’hypoglycémies, se répètent ou en cas de neuropathie végétative ;
  • les signes neuroglucopéniques traduisant la privation cérébrale en glucose ; ces symptômes sont polymorphes et réversibles par la correction de l’hypoglycémie. Tout trouble de la conscience ou tout syndrome neurologique aigu doit faire rechercher une hypoglycémie jusqu’à preuve du contraire.

Diagnostic positif et étiologique chez un patient diabétique

En cas de diabète, la survenue d’une hypoglycémie est d’origine iatrogène et favorisée par la prise d’insuline ou de sulfamides hypo­glycémiants (tels que le glibenclamide, le glicazide, le glimépiride, le glipizide) et apparentés (le répaglinide). Le diagnostic est facile­ment évoqué et repose sur une mesure de la glycémie capillaire. On parle d’hypoglycémie lorsque la glycémie s’abaisse en-dessous de 60 mg/dL (3,3 mmol/L).
La survenue d’hypoglycémies sévères ou fréquentes doit faire rechercher des facteurs favorisants :
  • en cas de traitement par l’insuline : erreur de posologie, repas sauté ou peu riche en glucides, inadéquation entre la quantité de glucides ingérée et la dose d’analogue rapide de l’insuline administrée au moment du repas, délai trop long entre l’injection d’insuline et le repas, activité physique non anticipée, surdosage ou erreur par excès d’analogue lent de l’insuline, injection d’insuline dans une lipodystrophie, gastroparésie, prise d’alcool ;
  • en cas de traitement par sulfamide hypoglycémiant ou répa­glinide : surdosage ou erreur par excès d’hypoglycémiant oral, interférence médicamenteuse avec un hypoglycémiant oral, défaut d’épuration rénale d’un hypoglycémiant oral chez un sujet d’âge avancé, insuffisance rénale, jeûne ou prise de glucides insuffisante, activité physique, interaction d’une prise d’alcool avec celle d’un hypoglycémiant oral (tableau 2).
Chez un patient diabétique, la prévention des hypoglycémies repose sur une éducation du patient et de son entourage à la surveillance des glycémies capillaires ou de la mesure continue du glucose, l’ajustement de l’insulinothérapie, la reconnaissance des signes d’hypoglycémie et leur gestion en cas de survenue.

Diagnostic positif et étiologique en l'absence de diabète

En l’absence de diabète, une mesure basse de la glycémie capillaire impose sa confirmation par une glycémie veineuse. Le seuil retenu pour évoquer une hypoglycémie est de 50 mg/dL (2,85 mmol/L), seuil à partir duquel des signes de neuroglucopénie peuvent apparaître.
Une hypoglycémie doit être évoquée lorsque les signes de la triade de Whipple sont observés au moment d’un malaise :
  • présence de symptômes cliniques évocateurs d’hypoglycémie ;
  • glycémie veineuse < 50 mg/dL (2,85 mmol/L) contemporaine des symptômes ;
  • et correction rapide des symptômes par un resucrage.
Le diagnostic positif d’hypoglycémie est facile si la glycémie veineuse a pu être mesurée au moment d’un malaise, ce qui est rarement le cas. Lorsqu’il n’a pas été possible d’obtenir un dosage percritique de la glycémie, une épreuve de jeûne devra être réalisée, dans le but de recréer les conditions propices à la survenue d’une hypoglycémie.
Le diagnostic étiologique repose en premier lieu sur un interrogatoire et un examen clinique précis. Il convient en premier lieu d’éliminer certains diagnostics évidents par leur contexte spécifique (tableau 3) et de rechercher une cause iatrogène (tableau 2) avant d’aller plus loin dans les explorations.
En l’absence de cause évidente, une épreuve de jeûne de 72 heures doit être envisagée au cours d’une hospitalisation dans un service spécialisé. Des dosages de glycémie capillaire et veineuse, d’insulinémie et de peptide C sont effectués toutes les 2 heures et en cas de signes cliniques d’hypoglycémie. L’épreuve est arrêtée en cas de malaise accompagné de signes neuroglucopéniques après un dernier prélèvement de sang veineux, ou à l’issue des 72 heures s’il n’est pas survenu d’hypo­glycémie.
L’épreuve de jeûne permet de distinguer les hypoglycémies fonctionnelles des hypoglycémies organiques (tableau 4) et d’orienter l’étiologie en cas d’hypoglycémie organique (figure).

Hypoglycémies fonctionnelles

Elles sont caractérisées par des symptômes de type adrénergique, survenant dans les 4 heures suivant un repas, alors que l’hypoglycémie est rarement mise en évidence. Il n’y a pas de signes de neuroglucopénie, et les malaises ne surviennent pas durant la nuit ou à jeun. Ces malaises peuvent être idiopathiques (terrain anxieux) ou survenir dans un contexte de chirurgie digestive (gastrectomie, gastro-entérostomie, gastro-jéjunostomie). Les hypoglycémies secondaires à une chirurgie digestive sont des complications connues, estimées à 0,2 % des cas et qui apparaissent généralement à distance du geste chirurgical (de 6 mois à plusieurs années). Le mécanisme n’est pas parfaitement élucidé mais pourrait être en lien avec des anomalies histologiques réactionnelles à type d’hyperplasie des îlots de Langerhans. Ces hypoglycémies doivent être distinguées du dumping syndrome qui associe des symptômes digestifs (nausées, vomissements, pesanteur gastrique…) et généraux (sueurs, palpitations, céphalées) en lien avec la vidange rapide du bol alimentaire de l’estomac vers l’intestin grêle.
En cas d’épreuve de jeûne, la glycémie ne s’abaisse pas ou peu, et les taux d’insulinémie et de peptide C sont effondrés, adaptés au jeûne.
La prévention de ces symptômes repose sur des règles hygiéno-­diététiques, avec consommation d’aliments riches en fibres et éviction des aliments à indice glycémique élevé. Un traitement par inhibiteur des alphaglucosidases (Acarbose, Glucor) pris avant chacun des 3 principaux repas peut améliorer les symptômes lorsque les mesures hygiénodiététiques n’y suffisent pas.

Hypoglycémies organiques

Le diagnostic doit être évoqué devant la présence de signes neuroglucopéniques survenant à jeun et/ou lors d’un effort physique et calmés par la prise de glucides. L’épreuve de jeûne, lorsqu’elle est réalisée, est généralement interrompue précocement (< 24 heures) du fait de la survenue de signes neuroglucopéniques contemporains d’une hypoglycémie.
On distingue trois catégories d’hypoglycémies organiques : avec hyperinsulinisme endogène, avec hyperinsulinisme exogène et sans hyperinsulinisme.

Hypoglycémie organique par hyperinsulinisme endogène : l’insulinome

Il s’agit d’une tumeur endocrine du pancréas sécrétant de l’insuline. Sa prévalence est rare, mais c’est la plus fréquente des tumeurs endocrines fonctionnelles du pancréas.
Le diagnostic est évoqué devant des hypoglycémies à jeun avec symptômes neuroglucopéniques et possible prise de poids, il sera affirmé à l’occasion d’une hypoglycémie contemporaine d’une mesure de l’insulinémie et du peptide C élevés, en l’absence d’une prise connue ou cachée d’agents sulfonylurés hypoglycémiants. L’épreuve de jeûne est souvent nécessaire pour affirmer ce diagnostic.
L’insulinome peut être sporadique ou s’inscrire dans 5 % des cas dans le contexte syndromique d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1) qu’il faudra systématiquement évoquer (hyperparathyroïdie, adénome hypophysaire, adénome surrénalien…).
Il s’agit dans 90 % des cas d’une tumeur bénigne de petite taille (90 % des insulinomes font moins de 2 cm de diamètre).
En cas d’insulinome biologiquement avéré, un bilan de localisation comprenant scanner ou imagerie par résonance magnétique (IRM) du pancréas doit être effectué, éventuellement complété par une écho-endoscopie du pancréas ou plus rarement un cathétérisme des artères à destinée pancréatique à la recherche d’un gradient de sécrétion d’insuline.
Le traitement de choix de l’insulinome est chirurgical (énucléation de la tumeur ou pancréatectomie partielle) mais un traitement médicamenteux peut être envisagé dans l’attente de la chirurgie pancréatique ou lorsque celle-ci est incomplète ou contre-indiquée par le diazoxide (Proglicem), qui est un sulfamide non diurétique à action hyperglycémiante.

Hypoglycémie organique iatrogène avec hyperinsulinisme endogène ou exogène : l’hypoglycémie factice

L’hypoglycémie est induite par la prise cachée ou accidentelle de médicaments hypoglycémiants, tels l’insuline, les sulfonylurés hypoglycémiants ou les glinides. La prise cachée d’insuline au moment d’une exploration d’hypoglycémie est facilement détectée par la mesure au cours d’un épisode hypoglycémique d’une insulinémie élevée en regard d’un peptide C indétectable qui signent la présence d’insuline exogène dans la circulation. La prise cachée de sulfonylurés hypoglycémiants ou de glinides est un piège diagnostique car elle induit au même titre que l’insulinome une élévation des taux d’insulinémie et de peptide C au moment d’une hypoglycémie. C’est la détection dans le plasma ou dans les urines de sulfonylurés/glinides qui permettra de redresser le diagnostic !

Hypoglycémie organique sans hyperinsulinisme

Elle peut être provoquée par une tumeur extra-pancréatique sécrétant l’insulin-like growth factor 2 (IGF2) qui a une action hypoglycémiante insulin-like. Il s’agit de rares tumeurs mésenchymateuses intrathoraciques ou abdominales qui sont volumineuses. Les taux d’insulinémie et de peptide C sont effondrés, le diagnostic est affirmé par le dosage d’IGF2 plasmatique et l’identification d’un immunomarquage positif pour IGF2 de la tumeur après son exérèse.
Signalons également les rares hypoglycémies auto-immunes liées à la présence d’anticorps anti-insuline ou anti-récepteurs de l’insuline, qui se traduisent par des hypoglycémies à jeun et/ou post-prandiales.

Traitement symptomatique de l’hypoglycémie

L’hypoglycémie est une urgence thérapeutique, le traitement ne doit jamais être retardé par l’attente d’une preuve biologique. Il repose sur l’apport de glucose dont les modalités changent en fonction de l’état de conscience du patient.

Si le sujet est conscient

Le traitement repose sur l’ingestion de 15 g de glucides d’absorption rapide (3 morceaux de sucre ou 12,5 cl de jus de fruits) suivie d’un apport de sucres lents (pain, biscuits secs) afin d’éviter une récidive de l’hypoglycémie.

Si le sujet est inconscient

Le traitement repose sur l’injection intraveineuse directe de 1 à 3 ampoules de sérum glucosé hypertonique à 30 % (G30 %), suivie de l’apport continu de sérum glucosé à 5 ou à 10 % par perfusion sur 24 heures. Le débit de la perfusion sera adapté en fonction du contrôle glycémique capillaire réalisé toutes les heures puis de façon plus espacée.
La prise en charge d’une hypoglycémie survenant chez un patient diabétique inconscient traité par l’insuline nécessite une injection intramusculaire ou sous-cutanée de 1 mg de glucagon (GlucagenKit) effectuée par l’entourage, suivie de l’ingestion de glucides lents lorsque le sujet a retrouvé un état de conscience normal.
Une hypoglycémie sévère sous sulfonylurés hypoglycémiants nécessite une hospitalisation et le recours à une perfusion de sérum glucosé pendant au moins 24 heures, car les hypoglycémies peuvent réapparaître quelques heures voire plusieurs jours après l’événement hypoglycémique initial. •

Tout trouble de conscience ou tout trouble neurologique aigu doit faire rechercher une hypoglycémie.
L’hypoglycémie est une urgence vitale et son traitement ne doit pas être retardé.
Chez le diabétique, l’hypoglycémie définie par une glycémie capillaire < 60 mg/dL est iatrogène (sulfonylurées, glinides, insuline) et sa prévention repose sur l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage.
Chez le patient non diabétique, les signes de la triade de Whipple et le dosage de la glycémie veineuse < 50 mg/dL sont indispensables pour confirmer le diagnostic d’hypoglycémie.
Avant d’envisager des causes rares d’hypoglycémie, on devra exclure les causes iatrogènes, une prise excessive d’alcool, l’insuffisance surrénale lente.
En l’absence de cause évidente, la démarche diagnostique et étiologique reposera sur une épreuve de jeûne de 72 heures à la recherche en premier lieu d’un insulinome pancréatique.
Points forts

Hypoglycémie chez l’adulte et l’enfant

Tout trouble de conscience ou tout trouble neurologique aigu doit faire rechercher une hypoglycémie.

L’hypoglycémie est une urgence vitale et son traitement ne doit pas être retardé.

Chez le diabétique, l’hypoglycémie définie par une glycémie capillaire < 60 mg/dL est iatrogène (sulfonylurées, glinides, insuline) et sa prévention repose sur l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage.

Chez le patient non diabétique, les signes de la triade de Whipple et le dosage de la glycémie veineuse < 50 mg/dL sont indispensables pour confirmer le diagnostic d’hypoglycémie.

Avant d’envisager des causes rares d’hypoglycémie, on devra exclure les causes iatrogènes, une prise excessive d’alcool, l’insuffisance surrénale lente.

En l’absence de cause évidente, la démarche diagnostique et étiologique reposera sur une épreuve de jeûne de 72 heures à la recherche en premier lieu d’un insulinome pancréatique.

POUR EN SAVOIR +
Guerci B, Kuhn JM, Larger E, Reznik Y; French Endocrine Society. Hypoglycemia in adults: when should it be raised? How can hypoglycemia be confirmed in non-diabetic adults? Ann Endocrinol (Paris) 2013;74:168-73.
Agin A, Charrie A, Chikh K, Tabarin A, Vezzosi D; French Endocrine Society. Fast test: clinical practice and interpretation. Ann Endocrinol (Paris) 2013;74:174-84.
Cryer PE, Axelrod L, Grossman AB, Heller SR, Montori VM, Seaquist ER, et al. Evaluation and management of adult hypoglycemic disorders: an Endocrine Society Clinical Practice Guideline. J Clin Endocrinol Metab 2009;94:709-28.
Grimaldi A, Slama G, Tubiana-Rufi et al. Recommandations de l’ALFEDIAM. L’hypoglycémie du patient diabétique. Diabète et métabolisme 1997;23:100-8.
Collège des enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques. Polycopié 3e édition, 2016. Item 238 : Hypoglycémie chez l’adulte et chez l’enfant.

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