Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.
Le diagnostic d’hypoglycémie est facilement évoqué et confirmé grâce à la réalisation d’une glycémie capillaire chez un patient diabétique connu, mais il est moins aisé en dehors du diabète, du fait de la rareté de cette situation et de la diversité des symptômes d’hypoglycémie qui parfois retardent le diagnostic.
L’hypoglycémie doit être évoquée devant des signes adrénergiques et/ou neuroglucopéniques contemporains d’une mesure de la glycémie capillaire ou veineuse basse, et sa prise en charge doit être effectuée en urgence.
Les causes des hypoglycémies sont multiples, les causes médicamenteuses – notamment liées aux traitements hypoglycémiants du diabète – étant les plus fréquentes. En l’absence d’une cause évidente, une investigation diagnostique méthodique doit être menée pour confirmer l’hypoglycémie, identifier sa cause et initier un traitement adapté.
Définition et signes cliniques de l’hypoglycémie
L’hypoglycémie est suspectée devant deux types de signes cliniques (
- les signes adrénergiques liés à l’activation neuronale sympathique, non spécifiques de l’hypoglycémie, et qui peuvent être absents lorsque les épisodes d’hypoglycémies, se répètent ou en cas de neuropathie végétative ;
- les signes neuroglucopéniques traduisant la privation cérébrale en glucose ; ces symptômes sont polymorphes et réversibles par la correction de l’hypoglycémie. Tout trouble de la conscience ou tout syndrome neurologique aigu doit faire rechercher une hypoglycémie jusqu’à preuve du contraire.
Diagnostic positif et étiologique chez un patient diabétique
La survenue d’hypoglycémies sévères ou fréquentes doit faire rechercher des facteurs favorisants :
- en cas de traitement par l’insuline : erreur de posologie, repas sauté ou peu riche en glucides, inadéquation entre la quantité de glucides ingérée et la dose d’analogue rapide de l’insuline administrée au moment du repas, délai trop long entre l’injection d’insuline et le repas, activité physique non anticipée, surdosage ou erreur par excès d’analogue lent de l’insuline, injection d’insuline dans une lipodystrophie, gastroparésie, prise d’alcool ;
- en cas de traitement par sulfamide hypoglycémiant ou répaglinide : surdosage ou erreur par excès d’hypoglycémiant oral, interférence médicamenteuse avec un hypoglycémiant oral, défaut d’épuration rénale d’un hypoglycémiant oral chez un sujet d’âge avancé, insuffisance rénale, jeûne ou prise de glucides insuffisante, activité physique, interaction d’une prise d’alcool avec celle d’un hypoglycémiant oral (tableau 2).
Diagnostic positif et étiologique en l'absence de diabète
Une hypoglycémie doit être évoquée lorsque les signes de la triade de Whipple sont observés au moment d’un malaise :
- présence de symptômes cliniques évocateurs d’hypoglycémie ;
- glycémie veineuse < 50 mg/dL (2,85 mmol/L) contemporaine des symptômes ;
- et correction rapide des symptômes par un resucrage.
Le diagnostic étiologique repose en premier lieu sur un interrogatoire et un examen clinique précis. Il convient en premier lieu d’éliminer certains diagnostics évidents par leur contexte spécifique (
En l’absence de cause évidente, une épreuve de jeûne de 72 heures doit être envisagée au cours d’une hospitalisation dans un service spécialisé. Des dosages de glycémie capillaire et veineuse, d’insulinémie et de peptide C sont effectués toutes les 2 heures et en cas de signes cliniques d’hypoglycémie. L’épreuve est arrêtée en cas de malaise accompagné de signes neuroglucopéniques après un dernier prélèvement de sang veineux, ou à l’issue des 72 heures s’il n’est pas survenu d’hypoglycémie.
L’épreuve de jeûne permet de distinguer les hypoglycémies fonctionnelles des hypoglycémies organiques (
Hypoglycémies fonctionnelles
En cas d’épreuve de jeûne, la glycémie ne s’abaisse pas ou peu, et les taux d’insulinémie et de peptide C sont effondrés, adaptés au jeûne.
La prévention de ces symptômes repose sur des règles hygiéno-diététiques, avec consommation d’aliments riches en fibres et éviction des aliments à indice glycémique élevé. Un traitement par inhibiteur des alphaglucosidases (Acarbose, Glucor) pris avant chacun des 3 principaux repas peut améliorer les symptômes lorsque les mesures hygiénodiététiques n’y suffisent pas.
Hypoglycémies organiques
On distingue trois catégories d’hypoglycémies organiques : avec hyperinsulinisme endogène, avec hyperinsulinisme exogène et sans hyperinsulinisme.
Hypoglycémie organique par hyperinsulinisme endogène : l’insulinome
Il s’agit d’une tumeur endocrine du pancréas sécrétant de l’insuline. Sa prévalence est rare, mais c’est la plus fréquente des tumeurs endocrines fonctionnelles du pancréas.Le diagnostic est évoqué devant des hypoglycémies à jeun avec symptômes neuroglucopéniques et possible prise de poids, il sera affirmé à l’occasion d’une hypoglycémie contemporaine d’une mesure de l’insulinémie et du peptide C élevés, en l’absence d’une prise connue ou cachée d’agents sulfonylurés hypoglycémiants. L’épreuve de jeûne est souvent nécessaire pour affirmer ce diagnostic.
L’insulinome peut être sporadique ou s’inscrire dans 5 % des cas dans le contexte syndromique d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (NEM1) qu’il faudra systématiquement évoquer (hyperparathyroïdie, adénome hypophysaire, adénome surrénalien…).
Il s’agit dans 90 % des cas d’une tumeur bénigne de petite taille (90 % des insulinomes font moins de 2 cm de diamètre).
En cas d’insulinome biologiquement avéré, un bilan de localisation comprenant scanner ou imagerie par résonance magnétique (IRM) du pancréas doit être effectué, éventuellement complété par une écho-endoscopie du pancréas ou plus rarement un cathétérisme des artères à destinée pancréatique à la recherche d’un gradient de sécrétion d’insuline.
Le traitement de choix de l’insulinome est chirurgical (énucléation de la tumeur ou pancréatectomie partielle) mais un traitement médicamenteux peut être envisagé dans l’attente de la chirurgie pancréatique ou lorsque celle-ci est incomplète ou contre-indiquée par le diazoxide (Proglicem), qui est un sulfamide non diurétique à action hyperglycémiante.
Hypoglycémie organique iatrogène avec hyperinsulinisme endogène ou exogène : l’hypoglycémie factice
L’hypoglycémie est induite par la prise cachée ou accidentelle de médicaments hypoglycémiants, tels l’insuline, les sulfonylurés hypoglycémiants ou les glinides. La prise cachée d’insuline au moment d’une exploration d’hypoglycémie est facilement détectée par la mesure au cours d’un épisode hypoglycémique d’une insulinémie élevée en regard d’un peptide C indétectable qui signent la présence d’insuline exogène dans la circulation. La prise cachée de sulfonylurés hypoglycémiants ou de glinides est un piège diagnostique car elle induit au même titre que l’insulinome une élévation des taux d’insulinémie et de peptide C au moment d’une hypoglycémie. C’est la détection dans le plasma ou dans les urines de sulfonylurés/glinides qui permettra de redresser le diagnostic !Hypoglycémie organique sans hyperinsulinisme
Elle peut être provoquée par une tumeur extra-pancréatique sécrétant l’insulin-like growth factor 2 (IGF2) qui a une action hypoglycémiante insulin-like. Il s’agit de rares tumeurs mésenchymateuses intrathoraciques ou abdominales qui sont volumineuses. Les taux d’insulinémie et de peptide C sont effondrés, le diagnostic est affirmé par le dosage d’IGF2 plasmatique et l’identification d’un immunomarquage positif pour IGF2 de la tumeur après son exérèse.Signalons également les rares hypoglycémies auto-immunes liées à la présence d’anticorps anti-insuline ou anti-récepteurs de l’insuline, qui se traduisent par des hypoglycémies à jeun et/ou post-prandiales.
Traitement symptomatique de l’hypoglycémie
Si le sujet est conscient
Si le sujet est inconscient
La prise en charge d’une hypoglycémie survenant chez un patient diabétique inconscient traité par l’insuline nécessite une injection intramusculaire ou sous-cutanée de 1 mg de glucagon (GlucagenKit) effectuée par l’entourage, suivie de l’ingestion de glucides lents lorsque le sujet a retrouvé un état de conscience normal.
Une hypoglycémie sévère sous sulfonylurés hypoglycémiants nécessite une hospitalisation et le recours à une perfusion de sérum glucosé pendant au moins 24 heures, car les hypoglycémies peuvent réapparaître quelques heures voire plusieurs jours après l’événement hypoglycémique initial. •
Tout trouble de conscience ou tout trouble neurologique aigu doit faire rechercher une hypoglycémie.
L’hypoglycémie est une urgence vitale et son traitement ne doit pas être retardé.
Chez le diabétique, l’hypoglycémie définie par une glycémie capillaire < 60 mg/dL est iatrogène (sulfonylurées, glinides, insuline) et sa prévention repose sur l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage.
Chez le patient non diabétique, les signes de la triade de Whipple et le dosage de la glycémie veineuse < 50 mg/dL sont indispensables pour confirmer le diagnostic d’hypoglycémie.
Avant d’envisager des causes rares d’hypoglycémie, on devra exclure les causes iatrogènes, une prise excessive d’alcool, l’insuffisance surrénale lente.
En l’absence de cause évidente, la démarche diagnostique et étiologique reposera sur une épreuve de jeûne de 72 heures à la recherche en premier lieu d’un insulinome pancréatique.
Hypoglycémie chez l’adulte et l’enfant
Tout trouble de conscience ou tout trouble neurologique aigu doit faire rechercher une hypoglycémie.
L’hypoglycémie est une urgence vitale et son traitement ne doit pas être retardé.
Chez le diabétique, l’hypoglycémie définie par une glycémie capillaire < 60 mg/dL est iatrogène (sulfonylurées, glinides, insuline) et sa prévention repose sur l’éducation thérapeutique du patient et de son entourage.
Chez le patient non diabétique, les signes de la triade de Whipple et le dosage de la glycémie veineuse < 50 mg/dL sont indispensables pour confirmer le diagnostic d’hypoglycémie.
Avant d’envisager des causes rares d’hypoglycémie, on devra exclure les causes iatrogènes, une prise excessive d’alcool, l’insuffisance surrénale lente.
En l’absence de cause évidente, la démarche diagnostique et étiologique reposera sur une épreuve de jeûne de 72 heures à la recherche en premier lieu d’un insulinome pancréatique.
Agin A, Charrie A, Chikh K, Tabarin A, Vezzosi D; French Endocrine Society. Fast test: clinical practice and interpretation. Ann Endocrinol (Paris) 2013;74:174-84.
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Collège des enseignants d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques. Polycopié 3e édition, 2016. Item 238 : Hypoglycémie chez l’adulte et chez l’enfant.