Marqueur du bilan de l’eau : à quantité de sodium constante, la diminution de la natrémie traduit une augmentation de son diluant (l’eau).
En situation physiologique, les entrées hydriques (liées au métabolisme) sont équivalentes aux pertes (cutanées, digestives et respiratoires) => le volume urinaire attendu est proche de celui des boissons.
La soif est majoritairement régulée par l’osmolalité plasmatique. Cette dernière :
– est le reflet de la « tonicité » du plasma ;
– dépend de la charge en osmoles (sodium surtout, potassium, glucose, chlore) introduites par l’alimentation ;
valeur normale : 285 mOsmol/kg d’eau plasmatique
– son augmentation stimule, outre la soif (et donc les entrées d’eau libre), la sécrétion de l’hormone antidiurétique (ADH), qui agit principalement au niveau du rein (accroît la réabsorption d’eau et concentre les urines) ;
– sa sécrétion est stimulée aussi par l’activation du système rénine-angiotensine ou les barorécepteurs, en cas de grandes hypovolémies vraies (saignements, déshydratations intenses) ou efficaces (insuffisance cardiaque, décompensation œdémato-ascitique ou syndrome néphrotique).
Trois cas de figure
Gain d’eau plus important que celui d’osmoles
Situations généralement associées à une PA basse : décompensation œdémato-ascitique au cours de la cirrhose, insuffisance cardiaque décompensée, syndrome néphrotique, plus rarement fuite capillaire.
L’hypervolémie « globale » masque une hypovolémie efficace (intravasculaire), qu’il faut reconnaître => hyponatrémie par stimulation volémique de l’ADH via l’activation du système rénine-angiotensine.
Perte d’osmoles relativement > à la perte d’eau
Causes les plus fréquentes :
– déshydratations franches après pertes digestives de sodium (diarrhées) ;
– pertes rénales inadaptées de sodium : insuffisance surrénalienne +++, abus de diurétiques (thiazidiques surtout), vomissements, tubulopathies avec perte de sel.
Autres étiologies :
– pertes cutanées chez les grands brûlés ou les marathoniens ;
– respiratoires chez les patients intubés/ventilés en réanimation.
Excès d’eau pure, pas éliminé par le rein
En cause :
– hypothyroïdie (à éliminer) ;
– « syndrome des buveurs de bière » en aigu ou « tea and toast syndrom » en chronique ;
– polydipsie primaire ;
– syndrome d’antidiurèse inappropriée (SIAD).
Pour faire le diagnostic
Lors d’un SIAD : sécrétion d’ADH moins bien (voire pas du tout) freinée par la baisse de l’osmolalité.
En cause : pathologies thoraciques, médicaments, stress, certaines tumeurs malignes.
Pseudo- ou fausses hyponatrémies
– diabète décompensé (hyperglycémie) ;
– insuffisance rénale chronique (hyperurémie et accumulation d’autres toxines urémiques) ;
– hyperprotidémies ou grandes dyslipidémies.
Plus rarement, osmolalité franchement augmentée avec natrémie basse (administration de mannitol).
Pièges diagnostiques fréquents, ils sont le reflet d’une autre pathologie sous-jacente le plus souvent.
Pour faire le diagnostic, mesurer (et non calculer) l’osmolalité plasmatique : elle est ≥ 285 mOsm/kg H2O en cas de pseudohyponatrémie.
Conduite à tenir
Si atteintes frustes : démarche étiologique avant de traiter.
Dans les formes symptomatiques (mais qui n’engagent pas le pronostic vital) : on vérifie si le rein s’adapte normalement en mesurant simultanément l’osmolalité urinaire sur un échantillon (qui doit être < 150 mOsm/kg H2O).
évaluer cliniquement l’état d’hydratation du secteur extracellulaire, éliminer une insuffisance surrénalienne et une hypothyroïdie.
Si osmolalité urinaire > 150 mOsm/kg H2O et secteur extracellulaire normal : évoquer un SIAD.
Si doute : test de charge hydrique (en milieu hospitalier spécialisé) pour évaluer la réponse rénale (par osmolalité urinaire) et le risque d’hyponatrémie aiguë après charge orale d’eau pure.
Quel traitement ?
En cas d’osmolalité urinaire élevée (donc inadaptée) et de déshydratation extracellulaire :
– augmenter ce secteur par expansion volémique, de préférence parentérale, grâce à des solutés isotoniques (NaCl 0,9 %) jusqu’à restaurer une volémie normale ;
– traiter la cause.
Si hypervolémie globale (mais hypovolémie efficace) : corriger l’étiologie tout en restaurant un secteur intravasculaire le plus normal possible via des diurétiques, en particulier ceux de l’anse.
Si osmolalité urinaire basse avec secteur extracellulaire normal, évoquer :
– polydipsie primaire (trouble de la soif ou potomanie) ;
– syndrome des buveurs de bière ou tea and toast syndrom ;
– diminuer progressivement les entrées d’eau pure, et augmenter les apports en sodium et protéines animales.
En cas de SIAD :
– outre le traitement de la cause (à rechercher systématiquement : tumeurs, affections thoraciques, encéphalite, méningite, certains médicaments...) :
– prise en charge spécialisée (restriction hydrique, urée ; en 2e ligne, prescription hospitalière de tolvaptan, antagoniste du récepteur V2 de l’ADH) ;
– augmentation progressive de la natrémie, à surveiller de façon rapprochée.
Repères cliniques
Hyponatrémie aiguë
– légère : entre 130 et 135 mmol/L ;
– modérée : 125-130 mmol/L ;
– sévère : < 125 mmol/L ;
– si convulsions, coma --> urgence thérapeutique : risque d’œdème cérébral.
Chronique (> 48 heures)
– souvent peu symptomatique, même si profonde ;
– possibles troubles mnésiques et de l’équilibre, nausées, anorexie, crampes, céphalées ;
– mesurer osmolalités plasmatique + urinaire et volume extracellulaire*.
* VEC : liquide interstitiel + plasma.
Bilan de débrouillage
Osmolalités plasmatique* et urinaire (sur échantillon) mesurées au laboratoire à jeun ou en période d’hyponatrémie.
Cortisolémie et TSH à 8 heures avec une créatininémie.
évaluation clinique du secteur extracellulaire.
Dans les urines des 24 heures : créatinine, sodium, urée et osmolalité mesurée.
* Osmolalité plasmatique mesurée : correspond à toutes les substances osmotiques présentes dans le plasma, y compris celles qui ne sont pas mesurées par une prise de sang.