L’iatrogénie médicamenteuse, dont on a vu précédemment la gravité potentielle, est un enjeu majeur chez les patients âgés. La fréquence des accidents médicamenteux double en effet après 65 ans. À tel point que l’objectif 100 de la loi de santé publique de 2004 est défini comme suit : « consommation médica­menteuse chez le sujet âgé : réduire la fréquence des prescriptions inadaptées chez les personnes âgées ».
Le patient âgé présente en effet de multiples facteurs de risque d’effets indésirables médicamenteux :
La fréquence de prescription de médicaments chez le patient âgé est importante (en 2000, 39 % de la consommation de médicaments en France concernait les patients de plus de 65 ans, avec une consommation journalière de 3,6 médicaments en moyenne par patient de plus de 65 ans et jusqu’à 4,6 chez les patients de 85 ans et plus), y compris de médicaments à risque, tels que :
  • les psychotropes (environ 50 % des patients âgés incluant ceux atteints de maladie d’Alzheimer) ;
  • les antihypertenseurs (environ 8 % des patients de plus de 65 ans avaient au moins 4 antihypertenseurs en France en 2011) ;
  • les diurétiques (environ 6 % des patients âgés ont au moins 2 diu­rétiques).
La tolérance de certains autres médicaments est moindre chez le patient âgé. Les AINS ont ainsi une plus grande toxicité digestive, une augmentation du risque d’insuffisance rénale aiguë, notamment en cas d’association à un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Les médicaments anticholinergiques (oxybutinine, hydro­xyzine, nefopam, paroxétine, amitriptyline, quiétapine, trospium, clozapine, chlorpromazine, carbamazépine, oxcarbazépine mais aussi des médicaments très consommés comme le diazépam, la cétirizine, la prednisone, la quinidine, la digoxine, la venlafaxine ou la warfarine, entre autres...) ainsi que les fluoroquinolones présentent un risque de syndrome confusionnel et de rétention aiguë d’urines iatrogènes majoré chez le patient âgé en raison d’une baisse de ses capacités métaboliques et d’élimination.
La prescription médicamenteuse du sujet âgé doit donc impérativement comprendre :
  • un interrogatoire à la recherche de comorbidités à l’origine d’une baisse des capacités métaboliques et d’élimination des médicaments mais également à l’origine de prescriptions médicamenteuses multiples afin d’anticiper le risque d’interaction ;
  • une adaptation posologique à la fonction rénale du patient chaque fois que nécessaire en se fondant sur la formule de Cockroft et Gault, qui reste la formule de référence des essais cliniques réalisés au cours des étapes du développement des médicaments ;
  • savoir déprescrire les médicaments devenus inutiles, ce qui permettra, en plus de réduire le risque iatrogène et d’interaction médicamenteuse, de faciliter l’observance si seuls les traitements essentiels sont maintenus ;
  • se poser la question de l’intérêt notamment des médicaments prescrits en prévention primaire ;
  • savoir évoquer la mauvaise observance sur des troubles cognitifs avant de conclure à un manque d’efficacité ou à une toxicité accrue ;
  • savoir interrompre certains traitements de fond temporairement dans des contextes particuliers (diurétiques en cas de déshydratation ou de risque de déshydratation) ;
  • faire en sorte que les modalités d’administration soient simples, explicites et surtout expliquées et comprises par le patient et son entourage.
Des plans spécifiques d’alerte ont été mis en place par la Haute Autorité de santé pour rationaliser et optimiser la prescription chez le sujet âgé dans l’objectif de réduire significativement le risque iatrogène dans cette population particulièrement exposée, ainsi que les hospitalisations et le surcoût pour la collectivité que représente cette iatrogénie.•