Les ichtyoses héréditaires sont un groupe d’affections génétiques caractérisées par une hyperkératose et une accumulation excessive de squames sur la surface de la peau. Diagnostic, pronostic, complications et prise en charge dans cette fiche pratique, synthétisant les recos publiées par la HAS à destination des médecins traitants.

Les ichtyoses héréditaires (IH) sont des maladies de transmission le plus souvent autosomique récessive, dues à des mutations dans des gènes impliqués dans l’élaboration de la barrière cutanée (plus de 50 gènes différents). On distingue 2 grandes catégories : celles survenant de façon isolée et ne faisant pas partie d’un syndrome, dans lesquelles seule la peau est atteinte ; et les syndromiques, dans lesquelles plusieurs autres organes sont touchés. Au sein de ces 2 catégories, différentes formes sont décrites selon la clinique. Hormis l’ichtyose vulgaire et ichtyose liée à l’X (formes communes), il s’agit de pathologies rares.

Les IH se manifestent en général dès la naissance, sous la forme d’un bébé collodion (bébé naissant enveloppé dans une membrane d’allure collodionné, yeux et bouche éversés, membres en flexion), d’une érythrodermie desquamative ou d’un simple état squameux. Puis les lésions évoluent vers l’aspect définitif en quelques semaines. Au cours de la vie, elles sont chroniques, avec des phases d’exacerbation ; rarement elles s’améliorent. Les traitements systémiques, notamment les rétinoïdes par voie orale, peuvent modifier l’aspect cutané.

Comment faire le diagnostic ?

Le diagnostic est clinique. Le médecin généraliste doit l’évoquer devant les signes ci-dessous, présents dès la naissance ou apparaissant tôt dans la vie :

• Signe constants : squames à la surface de la peau ou hyperkératose (épaississement de la peau, toucher rugueux et parfois aspect grisâtre ou jaunâtre), présente(s) le plus souvent sur l’ensemble du corps.

• Signes inconstants : érythrodermie (rougeur diffuse de la peau), kératodermie palmoplantaire (épaississement de la peau des paumes et des plantes), ectropion (éversion du bord libre de la paupière), éclabion (éversion des lèvres), alopécie.

La peau est habituellement prurigineuse, inconfortable (tiraillements) ou parfois douloureuse, notamment en cas de fissures ou de bulles. Outre d’éventuelles atteintes syndromiques, il existe de nombreuses complications incluant des anomalies ophtalmologiques (ectropion, risque de kératite), ORL (surdité de transmission liée à la présence de squames dans le conduit), un retard de croissance, une carence en vitamine D et/ou en calcium, des infections cutanées, des anomalies des ongles et des cheveux, des réactions au chaud et au froid, des limitations physiques et une altération de la qualité de vie.

Le diagnostic du type/forme d’IH, complexe, relève des compétences du dermatologue expert.

Quel diagnostic différentiel ?

Le principal est la xérose, c’est-à-dire une simple sécheresse de la peau, que l’on peut observer notamment dans la dermatite atopique et chez le sujet âgé. Les ichtyoses acquises au cours de la vie (habituellement à l’âge adulte), par exemple de cause métabolique (hypothyroïdie) ou médicamenteuse (acide nicotinique, triparanol, butyrophénones), sont aussi un autre diagnostic différentiel, facile à éliminer par l’interrogatoire. Les kératodermies palmoplantaires (KPP) sont un groupe d’affections génétiques caractérisées par un épaississement isolé de la peau des mains et des pieds.

Quel pronostic ?

En dehors de la période néonatale, le pronostic vital est rarement engagé en cas d’IH, sauf dans les formes syndromiques avec atteinte multiviscérale et/ou atteinte neurologique. Les IH ont à l’inverse un impact majeur sur la qualité de vie, lié au prurit, aux douleurs de la peau/inconfort cutané, à la stigmatisation sociale (due à l’aspect inesthétique de la peau et la perte de squames dans l’environnement).

Quelle prise en charge ?

Le traitement est symptomatique, non curatif et habituellement d’une efficacité limitée. Le traitement de la peau repose sur les soins associant bains/douches et application d’émollients (+/- enrichis en substances kératolytiques, voir tableau). En pratique, l’application des crèmes étant contraignante (gras laissé sur la peau et dans l’entourage, temps passé parfois > 2 h/jour), les préférences du patient doivent être décisives dans le choix du produit. Le coût du traitement conditionne également l’acceptabilité. En France, on peut obtenir un remboursement pour les crèmes du groupe générique Dexeryl (crème glycérol-vaseline-paraffine liquide 15 %-8 %-2 %) et les préparations magistrales (compositions définies dans la circulaire CIR 58-2008 de la Sécurité sociale). Tous les autres produits dermocosmétiques (émollients ou kératolytiques) disponibles en pharmacie/parapharmacie ne sont pas remboursés. Quand ils doivent être utilisés sur l’ensemble du tégument au long cours (au moins 1 kg/mois), ils peuvent représenter un coût inacceptable pour la grande majorité des patients. En 1re intention, notamment en attendant la consultation spécialisée, il est justifié de prescrire aux patients un émollient, de préférence pris en charge.

Les formes sévères peuvent relever d’une prescription de rétinoïdes par voie orale. La tolérance de ces produits est habituellement très bonne dans les IH, même s’il existe des effets indésirables possibles, comme des anomalies du bilan hépatique et lipidique. Quant aux effets à long terme sur l’os, ils sont débattus. En pratique, c’est la tératogénéicité qui pose problème, avec un programme de prévention de la grossesse contraignant et de longue durée (jusqu’à 3 ans après l’arrêt).

La prise en charge des complicationset l’accompagnement psychologique et social sont essentiels. Cette maladie peut relever d’une prise en charge à 100 % (affection hors liste) et de la constitution d’un dossier auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Les traitements du futur seront très probablement des traitements ciblés, et certains sont en cours d’évaluation : le sécukinumab (anticorps monoclonal ciblant spécifiquement l’interleukine (IL)-17A), l’ustékinumab (anticorps dirigé contre l’IL-12 et l’IL-23), le dupilumab (anticorps dirigé contre l’IL-4 et l’IL-13) et le imsidolumab (anticorps dirigé contre l’IL-36R).

D’après
HAS. Ichtyoses héréditaires. 20 octobre 2021.
HAS. Ichtyoses héréditaires – Annexes. 20 octobre 2021.
Barthelemy S, Schaal JV, Renner J, et al. Ichtyose.  Rev Prat Med Gen 2021;35(1055);151.

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