Un certain nombre d’idées reçues freine la prise en charge de l’obésité des enfants. Revue des plus fréquentes et les arguments pour y répondre.
« Tracer la courbe n’est utile qu’en cas d’impression visuelle de surpoids »
Quelle que soit la corpulence apparente, celle-ci s’interprète toujours à partir de l’historique et de la dynamique des courbes présentes dans le carnet de santé (taille, poids, indice de masse corporelle [IMC]).1 Le surpoids de l’enfant de moins de 6 ans ne se voit pas à l’œil nu. Lorsqu’un enfant paraît en excès de poids entre 2 et 6 ans, c’est que son IMC se situe déjà en zone d’obésité ; on parle du « retard du regard ». Un IMC à 22 chez un adulte est rassurant, alors que le même IMC à 22 chez une fillette de 6 ans évoque déjà une obésité sévère équivalent à un IMC supérieur à 35 chez l’adulte.
« La corpulence s’améliore toujours spontanément avec la puberté »
Une obésité installée dans l’enfance risque de persister à l’adolescence puis à l’âge adulte, en particulier chez les enfants prédisposés. Près de 90 % des enfants en situation d’obésité à l’âge de 3 ans sont en surpoids ou obèses à l'adolescence.2 Le risque pour un adolescent en situation d’obésité de le rester est estimé à 78 % chez les hommes et 63 % chez les femmes.3
« L’obésité n’est pas une maladie, et il vaut mieux passer son temps à assurer la prise en charge de “vraies” maladies »
Selon la classification révisée de l’International Classification of Diseases 11 (ICD-11), l’obésité est une maladie chronique complexe ayant une incidence sur la santé. Comme toute maladie chronique, l’obésité devient le plus souvent irréversible lorsqu’elle est installée. Elle nécessite donc un suivi médical global régulier1, comme il est recommandé de le faire pour toute maladie chronique, afin de suivre son évolution, d’éviter qu’elle ne progresse et surtout de soulager son retentissement, qu’il soit somatique et/ou psychosocial.
« La maladie obésité se prend en charge de la même manière chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte »
Les causes et les complications de l’obésité chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte ne doivent pas être confondues tant elles sont différentes. Les objectifs de la prise en charge ne sont pas non plus les mêmes. Chez l’enfant, la perte de poids n’est pas un objectif prioritaire :1 grandir sans trop prendre de poids ou en le stabilisant permet d’améliorer la corpulence. Les régimes axés sur une restriction calorique excessive non souhaitée et entraînant des déséquilibres alimentaires suivis le plus souvent d’une reprise de poids4 sont inutiles, voire dangereux, en particulier chez les enfants et adolescents. Aucun aliment ne doit être interdit. Le goûter ne doit pas être supprimé si l’enfant ou le jeune a faim.5
« Il ne se plaint de rien, il se sent très bien comme ça. Il n’est pas motivé alors pourquoi l’embêter ? »
Les adolescents en situation d’obésité sont généralement moins épanouis, limitent leur activité physique et ont une moins bonne image de leur corps. Ils sont plus souvent victimes de moqueries, de harcèlement, de stigmatisation, d’agression et peuvent avoir de moins bons résultats scolaires.6
Cette « nonchalance » perçue, souvent très marquée à l’adolescence, masque souvent des difficultés d’ordre psychoaffectif (humeur triste, repli sur soi, anxiété, etc.) et fait percevoir le jeune comme peu ou moins motivé. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’a pas besoin d’aide. Pour amorcer le dialogue avec le jeune, on propose volontiers une attitude portée sur son bien-être plutôt que sur son poids. S’il éprouve des difficultés à parler de son état de santé ou de ce qu’il ressent, il lui sera plus facile d’aborder ce qui le gêne au quotidien et en particulier le regard des autres. Parfois, les parents sont décentrés de leur rôle éducatif, ils laissent leur enfant gérer seul, alors qu’il n’est pas encore suffisamment autonome pour cela.
Cette « nonchalance » perçue, souvent très marquée à l’adolescence, masque souvent des difficultés d’ordre psychoaffectif (humeur triste, repli sur soi, anxiété, etc.) et fait percevoir le jeune comme peu ou moins motivé. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’a pas besoin d’aide. Pour amorcer le dialogue avec le jeune, on propose volontiers une attitude portée sur son bien-être plutôt que sur son poids. S’il éprouve des difficultés à parler de son état de santé ou de ce qu’il ressent, il lui sera plus facile d’aborder ce qui le gêne au quotidien et en particulier le regard des autres. Parfois, les parents sont décentrés de leur rôle éducatif, ils laissent leur enfant gérer seul, alors qu’il n’est pas encore suffisamment autonome pour cela.
« La prise en charge de l’obésité pédiatrique est souvent un échec »
L’évolution de la corpulence peut parfois paraître, à tort, décourageante si l’on se fie uniquement à la variation de l’IMC ou si l’on observe une courbe toujours ascendante. Or c’est la trajectoire de la courbe qu’il faut observer. Plus elle se rapproche de la médiane, plus les résultats sont encourageants et sont en faveur d’une stabilisation, voire d’une amélioration de la corpulence (figure ).
Pour éviter de se sentir en échec, il est important de savoir s’entourer dès que la situation le nécessite. L’accompagnement pluriprofessionnel des enfants en situation d’obésité enrichit les soins, aide à relativiser et à valoriser l’impact obtenu sur la qualité de vie des enfants et sur celle de leur famille. En France, les expériences de prise en charge dans les réseaux de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique (RéPPOP) ont montré que la prise en charge de proximité pluridisciplinaire, s’inscrivant dans un parcours de soins coordonné et assuré par des professionnels formés, pouvait permettre une amélioration de la corpulence des enfants à moyen terme.
Pour éviter de se sentir en échec, il est important de savoir s’entourer dès que la situation le nécessite. L’accompagnement pluriprofessionnel des enfants en situation d’obésité enrichit les soins, aide à relativiser et à valoriser l’impact obtenu sur la qualité de vie des enfants et sur celle de leur famille. En France, les expériences de prise en charge dans les réseaux de prévention et de prise en charge de l’obésité pédiatrique (RéPPOP) ont montré que la prise en charge de proximité pluridisciplinaire, s’inscrivant dans un parcours de soins coordonné et assuré par des professionnels formés, pouvait permettre une amélioration de la corpulence des enfants à moyen terme.
Références
1. Haute Autorité de santé. Guide du parcours de soins : surpoids et obésité chez l’enfant et l’adolescent(e). 2 mars 2022. https://vu.fr/NPOj
2. Geserick M, Vogel M, Gausche R, Lipek T, Spielau U, Keller E, et al. Acceleration of BMI in early childhood and risk of sustained obesity. N Engl J Med 2018;379(14):1303‑12.
3. Zwiauer K, Caroli M, Malecka-Tendera E, Poskitt E. Clinical features, adverse effects and outcome. In: Child and adolescent obesity. Causes and consequences. Prevention and mangement. Cambridge University Press, 2002.
4. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement. Rapport d’expertise collective. Maisons-Alfort : Anses; 2010.
5. Haut Conseil de la santé publique. Avis du 30 juin 2020 relatif à la révision des repères alimentaires pour les enfants âgés de 0-36 mois et de 3-17 ans. Paris : HCSP ; 2020.
6. Brassard H. Les retombées de l’obésité sur l’estime de soi, l’image corporelle et la vie sociale des adolescentes Mémoire : Maîtrise en travail social. Chicoutimi : Université du Québec ; 2017.
7. Carriere C, Thibault H, Barat P, Guemazi-Kheffi F, Mellouet-Fort B, Ancillon L, et al. Short‐term and long‐term positive outcomes of the multidisciplinary care implemented by the French health networks for the prevention and care of paediatric overweight and obesity. Pediatric Obesity 2019;e12522.
2. Geserick M, Vogel M, Gausche R, Lipek T, Spielau U, Keller E, et al. Acceleration of BMI in early childhood and risk of sustained obesity. N Engl J Med 2018;379(14):1303‑12.
3. Zwiauer K, Caroli M, Malecka-Tendera E, Poskitt E. Clinical features, adverse effects and outcome. In: Child and adolescent obesity. Causes and consequences. Prevention and mangement. Cambridge University Press, 2002.
4. Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement. Rapport d’expertise collective. Maisons-Alfort : Anses; 2010.
5. Haut Conseil de la santé publique. Avis du 30 juin 2020 relatif à la révision des repères alimentaires pour les enfants âgés de 0-36 mois et de 3-17 ans. Paris : HCSP ; 2020.
6. Brassard H. Les retombées de l’obésité sur l’estime de soi, l’image corporelle et la vie sociale des adolescentes Mémoire : Maîtrise en travail social. Chicoutimi : Université du Québec ; 2017.
7. Carriere C, Thibault H, Barat P, Guemazi-Kheffi F, Mellouet-Fort B, Ancillon L, et al. Short‐term and long‐term positive outcomes of the multidisciplinary care implemented by the French health networks for the prevention and care of paediatric overweight and obesity. Pediatric Obesity 2019;e12522.
Dans cet article
- « Tracer la courbe n’est utile qu’en cas d’impression visuelle de surpoids »
- « La corpulence s’améliore toujours spontanément avec la puberté »
- « L’obésité n’est pas une maladie, et il vaut mieux passer son temps à assurer la prise en charge de “vraies” maladies »
- « La maladie obésité se prend en charge de la même manière chez l’enfant, l’adolescent ou l’adulte »
- « Il ne se plaint de rien, il se sent très bien comme ça. Il n’est pas motivé alors pourquoi l’embêter ? »
- « La prise en charge de l’obésité pédiatrique est souvent un échec »