Imagerie. La tomodensitométrie permet le plus souvent de confirmer le diagnostic de pancréatite chronique et de détecter, à distance, une éventuelle cancérisation.
Mise au point
La pancréatite chronique est une maladie inflammatoire chronique et fibrosante du pancréas caractérisée par des altérations morphologiques des canaux et du parenchyme pancréatiques (précipités protéiques des acinus et des canaux qui peuvent se calcifier, présence d’un infiltrat inflammatoire périveineux, aspect de fibrose mutilante et extensive dans les formes avancées). L’évolution est soit rapide, soit se fait sur plusieurs années. Les altérations morphologiques aboutissent à long terme à une destruction progressive et irréversible du parenchyme exocrine et à un stade plus avancé du parenchyme endocrine.1

Principales causes de pancréatite chronique

De façon schématique, on peut distinguer :2
– les pancréatites chroniques secondaires, le plus souvent obstructives (calcifiantes ou non calcifiantes) : la consommation excessive d’alcool en est la cause la plus fréquente, le tabagisme qui peut être associé ou non semble être un facteur indépendant. Une pancréatite en amont d’un obstacle sur le canal pancréatique prin- cipal (ou canal de Wirsung) doit faire de principe rechercher un cancer, mais cette éventualité est rare car le cancer est cause de pancréatite aiguë (10 % des cas). Une sténose bénigne, cicatricielle, responsable d’un obstacle à l’écoulement du suc pancréatique entraîne une dilatation canalaire et une atrophie du parenchyme pancréatique d’amont. Les anomalies sont le plus souvent focales ;
– les pancréatites inflammatoires dans le cadre des maladies auto-immunes ;
– les pancréatites chroniques pri- mitives (calcifiantes et non calcifiantes), le plus souvent génétiques (héréditaires).
Les pancréatites chroniques génétiques (souvent héréditaires à transmission dominante ou récessive) sont caractérisées par un âge de survenue inférieur à 20 ans. La principale mutation concerne le site autocatalytique de la trypsine (TryCat, PRSS1) mais aussi d’autres gènes, inhibiteur de la trypsine (SPINK1), ou le gène CFTR impliqué dans la mucoviscidose. On réserve la terminologie de mucoviscidose au phénotype pulmonaire prédominant, alors que le terme de « pancréatite CFTR », avec son phénotype pulmonaire atténué, est actuellement privilégié.
La classification TIGARO (mnémotechnique) résume les principales causes de pancréatite chronique : T pour toxiques-métaboliques, I pour idiopathiques, G pour génétiques, A pour auto-immune, R pour pan- créatites aiguës sévères récidivantes et O pour obstructives.

Maladies associées, responsables de pancréatite chronique

Pancréatite auto-immune. Elle est rare et évolue initialement par poussées de faible intensité. Elle peut laisser des séquelles évoluant vers la pancréatite chronique. La pancréatite auto-immune de type 1 correspond à la maladie sclérosante ou « systémique » à immunoglobulines de type G4 (IgG4) ; les immunoglo- bulines sériques de type 4 sont augmentées et associées à une atteinte multi-organe extrapancréatique (biliaire mais aussi rénale, pulmonaire, digestive, atteinte des glandes salivaires). Cette forme est plus fréquente en Asie chez les sujets de plus de 60 ans et ne représente que 20 à 30 % des pancréatites auto-immunes en Occident. La pancréatite auto-immune de type 2 correspond à une atteinte isolée du pancréas, découverte lors d’épisodes de pancréatites aiguës bénignes dont le risque de récidive est plus faible que pour le type 1. Le taux d’immunoglobulines sériques y est normal. Elle atteint des sujets plus jeunes. Une maladie inflammatoire chronique de l’intestin est souvent associée. Il s’agit de la forme la plus fréquente en Europe et aux États-Unis. L’une de ses caractéristiques principales est de répondre favorablement au traitement par corticoïdes.
Pancréatite chronique et tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas (TIPMP). Dans les TIPMP, les lésions de prolifération épithéliale de la muqueuse des canaux pancréatiques, majoritairement de type papillaire, sont associées à une hypersécrétion de mucus. L’accumulation se traduit sur le plan macroscopique par une dilatation kystique des canaux pancréatiques. Les lésions peuvent intéresser le canal pancréatique principal, les canaux secondaires ou les deux à la fois. Les TIPMP peuvent se manifester par une pancréatite aiguë, souvent récidivante.
Une pancréatite chronique peut être associée à une TIPMP, par obstacle par le mucus. Mais il n’y a pas de sténose du canal principal.

Un diagnostic d’imagerie

L’imagerie permet le diagnostic grâce à la tomodensitométrie (TDM) et à la cholangio-pancréatographie par résonance magnétique (CPIRM).3

Anomalies morphologiques

Les pancréatites chroniques sont le plus souvent calcifiantes (95 %). Les calcifications sont présentes chez 20 à 40 % des patients ayant une pancréatite chronique liée à l’alcool, souvent après 5 à 10 ans d’évolution.
Anomalies morphologiques canalaires. La classification de Cambridge prend en considération la morphologie du canal pancréatique principal et des canaux secondaires vue en cholangio-pancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE), et a été transposée à la CPIRM. Les critères diagnostiques sont :
– la dilatation du canal pancréatique principal (> 3 mm dans la tête, > 2 mm dans le corps et la queue) irrégulière dite « moniliforme » avec une alternance de dilatation et de sténose, avec un aspect axé mais irrégulier ;
– une dilatation des canaux secondaires, les rendant visibles, avec par définition la visualisation de plus de trois canaux. Ces canaux sont typiquement linéaires, fins, courts, directement branchés sur le canal principal, à angle aigu dirigé vers l’aval et diffusément répartis ;
– les calculs intracanalaires dans les canaux secondaires ou dans le canal pancréatique principal. Ces calculs sont de répartition et de morphologie variables : isolés, groupés en amas ou disséminés.
Anomalies morphologiques du parenchyme. Ce sont une atrophie (globale ou localisée) et la présence de calcifications.

Aspect des différentes techniques

Échographie. C’est un examen de routine souvent réalisé en première intention pour l’exploration des douleurs abdominales. Elle peut détecter des anomalies parenchymateuses (perte de l’hyperéchogénicité avec aspect hétérogène), des calcifications pancréatiques, des pseudokystes intra- ou péri-pancréatiques, voire des anomalies canalaires (dilatations, irrégularités) dans les stades évolués. L’écho-endoscopie est un examen performant dans le diagnostic positif des formes débutantes quand les anomalies canalaires sont encore mineures et que la CPIRM ne conclut pas.
Tomodensitométrie. Fréquemment réalisée en première intention, elle est souvent suffisante, montrant les calcifications, les dilatations canalaires et l’atrophie parenchymateuse. Pour le diagnostic des formes débutantes, quand les calcifications ne sont pas encore présentes et que les anomalies canalaires sont encore mineures et limitées aux canaux secondaires, elle est peu sensible.
Imagerie par résonance magnétique. L’IRM peut combiner les avantages de l’imagerie axiale de la TDM et ceux de l’imagerie canalaire (CPIRM, qui doit être systématique) dans une même exploration et celui d’être non irradiante.4 La séquence T2 axiale, coronale ou CPIRM, est sensible pour la détection de lésions liquidiennes (pseudokystes). L’IRM et la CPIRM recherchent un canal principal un peu irrégulier et dilaté (> 3 mm dans la tête, > 2 mm dans le corps et la queue), la visualisation de plus de trois canaux secondaires. L’IRM manque de sensibilité pour la détection des calcifications comparativement à la TDM ou l’écho-endoscopie.

Imagerie des complications

Dans la pancréatite chronique, les complications sont nombreuses et le plus souvent en rapport avec l’extension de la réaction inflammatoire et la survenue d’une poussée inflam- matoire aiguë. L’étude des compli- cations requiert le plus souvent l’exploration d’un volume plus grand que celui de la loge pancréatique rendant la TDM plus pertinente.

Pseudokystes pancréatiques

Principale complication de la pan- créatite chronique, ils surviennent lors d’une poussée aiguë par organisation d’une coulée nécrotique ou par rupture canalaire et fistulisation. L’évolution de ces pseudokystes peut se faire vers une stabilité ou une régression ou l’apparition de complications dont l’infection, affirmée uniquement par l’association d’un syndrome inflammatoire biologique et d’un syndrome infectieux conduisant à une ponction à visée bacté- riologique.
En cas de persistance des pseudo- kystes, et notamment dans le cadre du bilan préthérapeutique, l’ima- gerie doit rechercher un obstacle, une sténose du canal pancréatique principal, la présence d’une fistule entre le canal pancréatique principal et le pseudokyste. Une hémorragie est suspectée devant une augmentation de la densité spontanée en TDM sans injection et une hétérogénéité du signal hyperintense en T1 en IRM.

Poussée aiguë de pancréatite

Généralement à l’origine d’une exacerbation du syndrome douloureux, la poussée aiguë associe les signes de pancréatite chronique et des signes inflammatoires aigus se traduisant par une augmentation focale du volume du pancréas, avec des zones d’œdème parenchymateux, une infiltration des espaces graisseux péri-pancréatiques et des coulées nécrotiques.

Complications biliaires

L’obstruction biliaire dans la pancréatite chronique est liée à la fibrose pancréatique céphalique péri-canalaire et à l’inflammation ou, plus rarement, à une compression par un pseudokyste. La sténose biliaire est intra-pancréatique, longue et incomplète, respectant une fine lumière, de morphologie effilée. Une majoration de la dilatation biliaire doit faire rechercher un cancer localisé à la tête du pancréas.

Dilatation du canal pancréatique principal et douleurs

La dilatation se situe en amont d’une calcification obstructive intraluminale. Parfois seuls la lithotritie, l’anastomose wirsungo-jéjunale chirurgicale, ou l’évidement pan- créatique céphalique (technique chirurgicale de Frey), voire rarement la duodéno-pancréatectomie céphalique, peuvent soulager le patient. Le tabagisme est responsable de l’exacerbation des douleurs.

Pancréatite chronique et cancer

Les patients atteints de pancréatite chronique sont susceptibles de développer un adénocarcinome pancréatique, particulièrement au bout de 15 à 20 ans d’évolution avec un risque estimé à 5 % après 20 ans d’évolution.5 Cette fréquence ne justifie pas une surveillance en imagerie. Toutefois, ce risque est majoré pour les pancréatites chroniques héréditaires. Les patients porteurs du gène PRSS1 voient le risque de cancer multiplié par 69, atteignant 40 % à 70 ans. Ce risque global est de 60 % à 60 ans pour les pancréatites héré- ditaires chez les fumeurs.
Le diagnostic différentiel entre une forme pseudo-tumorale de pancréatite chronique et un cancer reste difficile. La réapparition de douleurs après une période d’accalmie prolongée, une perte de poids inexpliquée, l’apparition d’un ictère doivent faire chercher un cancer.
L’étude comparative avec les imageries antérieures est indispensable. Les modifications de la structure du pancréas ou de son contour, l’apparition d’une dilatation marquée du canal pancréatique principal en amont de la masse, une atrophie segmentaire marquée du pancréas en amont, la majoration d’une sténose biliaire, l’englobement tissulaire des vaisseaux cœlio- mésentériques sont autant de signes qui doivent faire évoquer la mali- gnité. Le recours à la biopsie, le plus souvent par écho-endoscopie, peut s’avérer nécessaire.

LE PLUS SOUVENT LA TDM SUFFIT

Le dépistage des anomalies et calcifications pancréatiques est fait par la TDM, et lorsque le diagnostic est évident, cet examen suffit. L’IRM reste l’examen morphologique et fonctionnel le plus performant pour l’étude des canaux du pancréas, cet examen n’étant performant que s’il comprend une cholangio- pancréatographie par résonance magnétique. Le diagnostic différentiel entre masse inflammatoire sur pancréatite chronique et cancer reste le plus difficile en imagerie du pancréas. La biopsie est souvent nécessaire.
Tableau. D’après Harguem S, EMC, 2017.
Références
1. Conwell DL, Lee LS, Yadav D, et al. American Pancreatic Association practice guidelines in chronic pancreatitis: evidence-based report on diagnostic guidelines. Pancreas 2014;43:1143-62.
2. Whitcomb DC, Frulloni L, Garg P, et al. Chronic pancreatitis: An international draft consensus proposal for a new mechanistic definition. Pancreatology 2016;16:218‑24.
3. Choueiri NE, Balci NC, Alkaade S, Burton FR. Advanced imaging of chronic pancreatitis. Curr Gastroenterol Rep 2010;12:114‑20.
4. Sugiyama M, Haradome H, Atomi Y. Magnetic resonance imaging for diagnosing chronic pancreatitis. J Gastroenterol 2007;42(Suppl 17):108‑12.
5. Malka D, Hammel P, Maire F, et al. Risk of pancreatic adenocarcinoma in chronic pancreatitis. Gut 2002;51:849‑52.

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Résumé

Le diagnostic de pancréatite chronique repose sur la présence d’anomalies et d’irrégularités de calibre des canaux pancréatiques (principal et secondaires), de calcifications parenchymateuses et/ou intracanalaires, d’une atrophie globale ou localisée. La tomodensitométrie, si elle est typique, suffit au diagnostic. Le protocole d’imagerie par résonance magnétique doit inclure les séquences classiques mais aussi la cholangio-pancréatographie par résonance magnétique 2D qui doit être systématique pour l’exploration du pancréas. Dans un contexte de pancréatite chronique, l’imagerie peut être confrontée à la détection d’un cancer chez un patient dont l’affection évolue depuis de longues années et qui a une récidive des symptômes douloureux, ou à un diagnostic différentiel avec une tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas (TIPMP) mixte.