Les surrénales, glandes endocrines paires, sont responsables de la gestion des situations de stress et de l’homéostasie hydrosodée. Les tumeurs surrénaliennes peuvent être responsables d’une hypersécrétion hormonale, d’effet de masse ou de métastases à distance pour les lésions malignes. Il est donc nécessaire de les prendre en charge de façon adéquate et précoce. 

Par définition, une découverte fortuite 

L’incidentalome surrénalien est une masse de la loge surrénalienne de taille supérieure à 1 cm, détectée fortuitement sur une imagerie non réalisée pour suspicion de maladie surrénalienne.1 Les lésions détectées lors de l’imagerie de dépistage chez les patients atteints de cancer ou de syndromes héréditaires ne sont pas incluses dans cette définition.

La prévalence actuelle des incidentalomes surrénaliens est d’environ 4 % dans les séries radiologiques.2 Elle est plus élevée chez les patients obèses, diabétiques ou hypertendus. Elle augmente avec l’âge, pour atteindre 7 à 10 % chez les personnes de plus de 70 ans. Même si la majorité des incidentalomes surrénaliens sont des tumeurs unilatérales, des incidentalomes bilatéraux sont observés dans 10 à 15 % des cas.3

À quels types de tumeurs correspondent les incidentalomes ?

Il peut s’agir de lésions bénignes ou malignes.

La fréquence des différents types histologiques étant variable selon les critères d’inclusion et le type d’études – cliniques ou chirurgicales –, la prévalence des lésions malignes et fonctionnelles est probablement surestimée. 

Les adénomes corticosurrénaliens et les hyperplasies macronodulaires des surrénales représentent 80 à 85 % des incidentalomes surrénaliens ; 40 à 70 % sont non fonctionnels ; 20 à 50 % ont une sécrétion autonome de cortisol ; 1 à 4 % sont responsables d’un syndrome de Cushing franc, et 2 à 5 % d’hyperaldostéronisme primaire.

Les phéochromocytomes représentent 1 à 5 % des incidentalomes et les corticosurrénalomes 0,4 à 4 %. On retrouve d’autres tumeurs bénignes dans environ 5 % des cas (ganglioneuromes, myélo­lipomes, kystes…) et d’autres tumeurs malignes (principalement des métastases) dans 5 % des cas également (fig. 1).

Évaluation de l’incidentalome unilatéral 

Il s’agit de déterminer le potentiel de maligni­té et le caractère sécrétant de la lésion (fig. 2).

Évaluer le risque de malignité

La mise en évidence d’un incidentalome surrénalien questionne en premier lieu sur le potentiel malin de cette lésion. Les recommandations de la Société européenne d’endocrinologie sur la prise en charge des incidentalomes surrénaliens proposent une stratégie de procédure d’imagerie graduée. Cette méthode permet de déterminer si la masse surrénalienne est homogène et riche en lipides, particularités en faveur d’un caractère bénin.4 Un scanner (ou tomodensitométrie [TDM]) surrénalien non injecté est réalisé en première intention (fig. 1). Une valeur seuil de 4 cm a été fixée pour distinguer les lésions bénignes des lésions malignes. Dans les études évaluant ce type d’imagerie, la sensibilité combinée était de 76,5 % (IC à 95 % : 45,3 - 92,7) et la spécificité de 89,9 % (IC à 95 % : 77,7 - 95,8). L’utilisation de la densité spontanée avec un seuil supérieur à 10 UH (unités Hounsfield) a permis d’obtenir une sensibilité proche de 100 % pour la détection des lésions malignes. Le seuil de bénignité est donc inférieur ou égal à 10 UH.

À la suite d’une première TDM surrénalienne positive, une seconde avec injection de produit de contraste iodé doit être réalisée. 

Si des seuils de 60 % pour le lavage absolu et de 40 % pour le lavage relatif sont souvent proposés, les preuves de précision de ces seuils dans le cas d’incidentalomes surrénaliens restent très faibles. Une étude récente a démontré qu’avec des seuils respectivement de 22 % et 8 %, certaines tumeurs malignes ne sont pas correctement identifiées. Ce manque de précision confère, de fait, une place moins importante à cette modalité dans la stratégie diagnostique. 

D’autres techniques sont utilisées :

  • l’IRM surrénalienne, imagerie non irra­diante et sans injection de produit iodé, est préférée chez la femme enceinte, l’enfant et l’adulte jeune. Une perte de signal supérieure à 20 % en opposition de phase suggère une lésion surrénale bénigne ;
  • la tomographie à émission de positons (TEP) au fluorodésoxyglucose (18FDG) est communément utilisée pour détecter des pathologies malignes. La mesure de l’intensité de fixation (SUV pour standardized uptake value) de la tumeur surrénalienne, comparée à celle du foie, a un intérêt dans le diag­nostic de cancer surrénalien : un ratio SUV max tumeur/SUV max foie inférieur à 1,5 permet d’écarter un corticosurrénalome.5
 

Il n’est pas recommandé de réaliser une biopsie surrénalienne dans le bilan diag­nostique, excepté dans des situations particulières.

En tenant compte du contexte clinique du patient, une masse surrénalienne indéterminée à la TDM et l’absence d’excès hormonal significatif font envisager trois options : 

  • réalisation immédiate d’une imagerie utilisant une autre modalité ;
  • recontrôle de l’imagerie initiale six à douze mois plus tard ;
  • exérèse chirurgicale.

Rechercher une sécrétion hormonale

La découverte d’un incidentalome surrénalien nécessite de réaliser un examen clinique attentif, à la recherche de signes évocateurs d’un excès d’hormones surrénaliennes.  

Une obésité faciotronculaire, des hématomes, des vergetures pourpres, une fragilité cutanée et une hypertension artérielle orientent vers un hypercorticisme.  

Une hypertension artérielle isolée ou accompagnée de signes d’hypokaliémie fait évoquer un hyperaldostéronisme. Triade de Ménard (céphalées, palpitations, sueurs), tachycardie, labilité tensionnelle signent un phéochromocytome. 

Des symptômes d’hyperandrogénie tels l’hirsutisme, l’acné, l’hyperséborrhée, l’alopécie orientent vers un corticosur­rénalome.

Un premier bilan systématique 

Une évaluation biologique minimale (fig. 2), même en l’absence de signes cliniques, doit être réalisée et comporte systématiquement : 

  • un test de freinage minute à la dexaméthasone afin d’évaluer la sécrétion de cortisol. Il consiste, pour le patient, à prendre 1 mg de dexaméthasone au coucher et à réaliser un dosage de cortisol plasmatique le lendemain matin, à jeun.6 Des concentrations de cortisol sérique supérieures à 50 nmol/L (ou 1,8 µg/dL) signent une sécrétion autonome de cortisol. Ceci est observé dans 20 à 40 % des adénomes bénins. Il s’agit de la première cause d’incidentalome. Des explorations hormonales complémentaires peuvent être faites par l’endocrinologue pour évaluer le degré de sécrétion du cortisol. Des élévations du cortisol urinaire sur vingt-quatre heures, avec un taux effondré d’hormone adrénocorticotrope (ACTH) et du cortisol sanguin ou salivaire vespéral, traduisent un authentique syndrome de Cushing. Cette situation est finalement la moins fréquente dans l’incidentalome. En effet, la plupart des patients ayant un freinage insuffisant (cortisolémie supérieure à 50 nmol/L après 1 mg de dexaméthasone) n’ont pas d’autre anomalie franche du cortisol, en dehors d’un taux d’ACTH plutôt bas. Cette situation a ­longtemps été nommée «  syndrome de Cushing infraclinique », mais son association bien établie à des comorbidités du syndrome de Cushing fait maintenant utiliser le terme d’« autonomie de la sécrétion de cortisol ». Les patients ayant un incidentalome surrénalien et une sécrétion autonome de cortisol isolée développent fréquemment un diabète, une hypertension artérielle, du surpoids ou une obésité, favorisant une surmortalité, en particulier de cause cardiovasculaire. Ce constat semble plus net chez la femme de moins de 65 ans et fait discuter une surrénalectomie, après évaluation précise des comorbidités. En cas de contre-­indication ou de refus du patient, une évaluation annuelle des comorbidités, potentiellement attribuables à un excès de sécrétion de cortisol, est à proposer ;
  • un dosage de métanéphrines et nor­métanéphrines urinaires de vingt-quatre heures (ou libres plasmatiques), afin d’exclure un phéochromocytome.

En cas d’hypertension et/ou d’hypokaliémie

Le dosage de l’aldostérone et de la rénine plasmatiques est recommandé pour les patients ayant une hypertension artérielle et/ou une hypokaliémie. Il doit être réalisé dans des conditions standardisées : entre 8 h et 10 h du matin, après quinze minutes en position assise, en normokaliémie et en absence de traitement interférant avec le système rénine-angiotensine-aldostérone (six semaines d’arrêt de la spironolactone et deux semaines d’arrêt des bêtabloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, antagonistes du récepteur de l’angio­tensine 2, diurétiques).7

Une aldostéronémie inférieure à 240 pmol/L (90 pg/mL) et/ou avec un rapport aldostéronémie/réninémie inférieur à 64 (si aldostérone en pmol/L et rénine en mIU/L) ou inférieur à 23 (si aldostérone en pg/mL et rénine en mIU/L) excluent un aldostéronisme primaire. Dans le cas contraire, un avis spécialisé est nécessaire. 

Bilan spécialisé en cas de corticosurrénalome

Chez les patients dont les caractéristiques cliniques ou d’imagerie suggèrent un cortico­surrénalome, les dosages des hormones sexuelles et des précurseurs des stéroïdes doivent être effectués. Ils sont à réaliser dans des centres spécialisés. La meilleure stratégie est d’adresser ces patients avec masse surrénalienne suspecte sans délai à un centre de référence ou de compétence maladies rares de la surrénale pour une prise en charge multidisciplinaire adaptée.8

Évaluation des situations particulières

Incidentalomes bilatéraux

En cas de masses surrénaliennes bilatérales, l’évaluation clinique, hormonale et d’imagerie se fait selon le même protocole que pour les incidentalomes unilatéraux. Selon les résultats, la maladie bilatérale peut être classée en quatre catégories : ­hyperplasie (macronodulaire) bilatérale ; adénomes surrénaliens bilatéraux ; masses surrénaliennes morphologiquement similaires mais non adénomateuses ; masses surrénaliennes morphologiquement différentes. 

Pour les patients avec une hyperplasie bila­térale sans sécrétion autonome de cortisol, un dosage de la 17 -hydroxyprogestérone doit être effectué afin d’exclure une hyperplasie congénitale des surrénales due à un déficit en 21 -hydroxylase. 

Chez les patients ayant des métastases bilatérales, un lymphome, une maladie inflammatoire infiltrante et des hémorragies, un test de dépistage de l’insuffisance surrénale doit être envisagé (dosage de cortisol plasmatique le matin ou test au Synacthène).

La cause la plus fréquente de lésions surrénaliennes bilatérales est l’hyperplasie primitive macronodulaire des surrénales, entraînant le développement de nodules surrénaliens bénins de plus de 1 cm de diamètre. Ils sont responsables d’une sécrétion autonome de cortisol ou d’un syndrome de Cushing franc. Une consultation spécialisée pour dépistage génétique à la recherche de variants pathogènes pouvant être responsables de la maladie et transmissibles à la descendance (ARMC5, KDM1A, MEN1...) doit être proposée dans ce contexte.

Population à risque de lésions malignes

Une évaluation urgente des incidentalomes surrénaliens doit être réalisée chez les enfants, les adolescents, les femmes enceintes et les adultes de moins de 40 ans, en raison d’une probabilité plus élevée de malignité. L’IRM est à privilégier en première intention, avec indication de résection chirurgicale si la masse est indéterminée. En revanche, chez des sujets fragiles, la prise en charge doit être adaptée au gain clinique potentiel.

Chez les patients ayant des antécédents de malignité extra-surrénalienne avec une masse surrénalienne nouvellement diag­nostiquée, l’évaluation biologique minimale consiste à doser les métanéphrines plasmatiques ou urinaires, la réalisation d’un bilan hormonal supplémentaire étant fondé sur une approche individualisée.  

En cas de lésion surrénalienne sans preuve de bénignité à la TDM surrénalienne, si la prise en charge clinique était modifiée par la démonstration de lésion surrénalienne d’origine métastatique, il est suggéré de réaliser une TEP- 18FDG, une résection chirurgicale ou une biopsie. 

Chez tous les autres patients, le suivi de la lésion surrénalienne et de la tumeur maligne primaire doit se faire uniquement au moyen de l’imagerie (le plus souvent TEP- 18FDG).

Une prise en charge bien codifiée

Qui surveiller et selon quelles modalités ?

En cas de lésion surrénalienne dont le caractère bénin est affirmé par l’imagerie et dont la taille est inférieure à 4 cm, le suivi du patient peut être arrêté après avis spécialisé. L’évolution vers la malignité est en effet extrêmement rare et la probabilité d’une croissance significative très faible.

En cas de bilan hormonal initial normal, celui-ci n’est à répéter que si de nouveaux signes cliniques compatibles avec une hypersécrétion endocrine apparaissent ou si les comorbidités se sont aggravées.  

Si la masse surrénalienne est indéterminée (en l’absence de surrénalectomie), il est recommandé de renouveler l’imagerie six à douze mois plus tard pour exclure une croissance significative.

Les patients avec incidentalome surrénalien et au moins un des critères suivants doivent être adressés à un centre de référence ou de compétence des maladies rares sur­rénaliennes pour discuter du dossier en réunion de concertation pluridisciplinaire  :4

  • imagerie non compatible avec une lésion bénigne ;
  • croissance significative de la tumeur pendant le suivi par l’imagerie ;
  • masse surrénalienne à l’origine d’un excès hormonal ;
  • chirurgie surrénalienne envisagée.

Indications de la chirurgie

La surrénalectomie est indiquée pour les tumeurs surrénales unilatérales avec excès hormonal, si les résultats radiologiques s’avèrent suspects de malignité et/ou s’il existe une croissance tumorale significative lors du suivi (supérieure à 20 % avec plus de 5 mm de diamètre maximal).9 

Elle doit être pratiquée par un spécialiste de la chirurgie surrénalienne, en lien avec une équipe multidisciplinaire. Les lésions bénignes de petite taille sont opérées par cœliochirurgie ; les lésions de grande taille, malignes ou suspectes de malignité, par laparotomie.

Pour les patients ayant un incidentalome bilatéral, l’indication de l’intervention chirurgicale et le suivi s’appliquent de la même façon que pour les patients avec une forme unilatérale.

Encadre

Que dire à vos patients ?

Les nodules surrénaliens sont plus fréquents avec l’âge et sont majoritairement bénins.

Un bilan d’imagerie et un bilan hormonal sont nécessaires afin de statuer sur la nature bénigne ou maligne et sécrétante ou non de la lésion. 

Les résultats de ces examens guident la prise en charge : arrêt de suivi ; surveillance clinique, hormonale et d’imagerie ; chirurgie pour exérèse de la lésion.

L’association de patients Surrénales informe sur les affections des glandes surrénales et soutient les patients diagnostiqués et leurs proches (https ://www.surrenales.com/).

Le site internet de la filière maladies rares endocriniennes et du centre de référence maladies rares de la surrénale comporte les coordonnées des différents centres : http ://www.firendo.fr ; https ://maladiesrares-cochin-hotel-dieu.aphp.fr/surrenale/.

Références
1. Terzolo M, Stigliano A, Chiodini I, et al. AME position statement on adrenal incidentaloma. Eur J Endocrinol 2011;164(6):851-70.
2. Bovio S, Cataldi A, Reimondo G, et al. Prevalence of adrenal incidentaloma in a contemporary computerized tomography series. J Endocrinol Invest 2006;29(4):298-302. 
3. Patrova J, Jarocka I, Wahrenberg H, et al. Clinical outcomes in adrenal incidentaloma: Experience from one center. Endocr Pract Off J Am Coll Endocrinol Am Assoc Clin Endocrinol 2015;21(8):870-7. 
4. Fassnacht M, Arlt W, Bancos I, et al. Management of adrenal incidentalomas: European Society of Endocrinology Clinical Practice Guideline in collaboration with the European Network for the Study of Adrenal Tumors. Eur J Endocrinol 2016;175(2):G1-34. 
5. Salgues B, Guerin C, Amodru V, et al. Risk stratification of adrenal masses by [18 F]FDG PET/CT: Changing tactics. Clin Endocrinol 2021;94(2):133-40. 
6. HAS. Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS), syndrome de Cushing, Centre de référence des maladies rares de la surrénale, 2022. 
7. Amar L, Baguet JP, Bardet S, et al. SFE/SFHTA/AFCE primary aldosteronism consensus: Introduction and handbook. Ann Endocrinol 2016;77(3):179-86. 
8. Centre de référence des maladies rares de la surrénale. https://bit.ly/43NVuZy 
9. Tabarin A, Bardet S, Bertherat J, et al. Exploration et prise en charge des incidentalomes surrénaliens. Consensus d’experts de la Société française d’endocrinologie. Ann Endocrinol 2008;69(6):e1-16. 

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel

L’incidentalome surrénalien est une masse de la loge surrénalienne découverte fortuitement. Il s’agit souvent d’une lésion bénigne, mais le risque de malignité est à évaluer.

La cause de l’incidentalome bilatéral la plus fréquente est l’hyperplasie macro-nodulaire bilatérale des surrénales.

Pour tout incidentalome, un bilan d’imagerie spécifique est recommandé pour caractériser la nature de la lésion.

La chirurgie est décidée dans des cas très précis (corticosurrénalome, phéochromocytome et adénomes sécrétants).