Alors que des souches bactériennes émergent : quand et comment diagnostiquer et quand et comment traiter l’infection à H. pylori chez l’enfant et comment contrôler l’éradication bactérienne ?
Plusieurs recommandations ont déjà été publiées concernant la prise en charge de l’infection par Helicobacter pylori chez l’enfant.1-3 La diminution importante de l’efficacité du traitement d’éradication liée principalement à l’émergence de souches bactériennes résistantes à la clarithromycine principalement3, 4 nécessitait de revoir les anciennes recommandations pédiatriques.
Ces nouvelles recommandations sont seulement applicables chez les sujets de moins de 18 ans, en Europe et en Amérique du Nord.3 Elles sont différentes des recommandations récemment publiées chez l’adulte qui proposent certains antibiotiques non autorisés en pédiatrie.

Quand diagnostiquer une infection à H. pylori ?

Le but principal de l’investigation clinique des symptômes gastro-intestinaux est de déterminer la cause de ces symptômes et de rechercher la présence ou non d’H. pylori. En présence d’un ulcère gastrique ou duodénal, H. pylori doit être recherché en prélevant des biopsies au cours d’une endoscopie digestive haute.
Cependant, en cas de suspicion d’une maladie organique à l’origine de douleurs abdominales récurrentes avec des signes d’alarme suggestifs d’une pathologie peptique, une endoscopie diagnostique doit être réalisée. Les méthodes non invasives de diagnostic de l’infection à H. pylori ne sont pas recommandées. Rechercher une infection à H. pylori chez l’enfant ayant des douleurs abdominales fonctionnelles ou en tant que cause d’une ­petite taille n’est pas recommandé.
Chez les enfants ayant une anémie par carence martiale réfractaire au traitement et pour lequel les autres causes ont été éliminées, la recherche d’une infection à H. pylori lors d’une endoscopie digestive peut être re­commandée ; les tests non invasifs ne sont pas recommandés dans le bilan d’investigation initiale de l’anémie par carence martiale chez l’enfant.
Chez les patients avec un purpura thrombocytopénique immun chronique et une thrombocytopénie, des tests diagnostiques non invasifs (test respiratoire à l’urée marquée au 13C et/ou la recherche de l’antigène H. pylori dans les selles) peu­vent être utilisés.
Si une infection à H. pylori est trouvée fortuitement au cours d’une ­endoscopie pratiquée pour une autre raison, un traitement peut être en­visagé après avoir discuté avec les patients et/ou les parents des risques et des bénéfices du traitement de l’infection.

Comment diagnostiquer l’infection à H. pylori ?

Le diagnostic initial ne doit pas être fondé sur des tests non invasifs. Cependant, la combinaison d’un test non invasif positif avec un examen histologique positif peut confirmer le diagnostic si l’histologie est le seul test invasif disponible.
La stratégie « test and treat » n’est pas recommandée chez l’enfant. Le but de l’investigation clinique est de détecter la cause des symptômes chez l’enfant. Cependant, les données actuelles indiquent que, en ­l’absence de la maladie peptique, l’infection à H. pylori n’entraîne pas de symptômes. De ce fait, la réalisation d’un test non invasif (test respiratoire à l’urée marquée au 13C et/ou recherche de l’antigène H. pylori dans les selles) pour détecter et traiter l’infection n’est pas indiquée.
Le diagnostic initial de l’infection doit être fondé sur le prélèvement des biopsies lors d’une endoscopie.
Des tests diagnostiques non invasifs d’H. pylori pourraient être préco­nisés uniquement lors de l’investi­gation des causes du purpura thrombocytopénique immun chronique.
Les tests fondés sur la détection des anticorps (immunoglobulines G et A) anti-H. pylori dans le sérum, les urines, et la salive ne sont pas recommandés en pratique clinique, ni pour la détection de l’infection ni pour le contrôle de l’éradication bactérienne après traitement chez les enfants et les adolescents.
Enfin, avant de rechercher et de contrôler l’éradication d’H. pylori, il convient d’arrêter le traitement par inhibiteur de la pompe à protons (IPP) au moins 2 semaines avant et par un antibiotique au moins 4 semaines avant d’effectuer le test.
Au cours de l’endoscopie digestive, six biopsies gastriques (antro-fundiques) doivent être réalisées pour établir le diagnostic de l’infection à H. pylori.
À partir de ces biopsies, sont effectués : une culture bactérienne (avec antibiogramme) et/ou une polymerase chain reaction (PCR) ; un examen histologique selon la classification de Sydney définissant sur les biopsies gastriques l’intensité des lésions ­suivantes, inflammation histologique, activité histologique, atrophie gastrique, métaplasie intestinale et détection d’H. pylori ; un test à l’uréase rapide. Le diagnostic de l’infection est retenu lorsque la culture (antibiogramme) et/ou la PCR sont positives, soit au moins deux autres tests invasifs l’histologie (gastrite à H. pylori) et le test à l’uréase rapide.
Si le traitement antiacide ne peut pas être arrêté pour 2 semaines en raison de la récidive des symptômes, il est préconisé de changer pour un anti-H2 avec une discontinuation du traitement 2 jours avant les tests.

Quand traiter l’infection à H. pylori ?

En raison du faible taux de succès des traitements empiriques chez l’enfant et de l’augmentation des taux de résistance aux antibiotiques (clarithro­mycine), il n’est nécessaire de traiter un enfant que sur des indications cliniques établies (v. supra). La décision de rechercher, selon les indications formelles déjà définies, et de traiter l’infection chez l’enfant doit apporter un bénéfice clair et direct. Dans le but d’éviter des investigations abusives et la prescription excessive d’anti­biotiques, il est nécessaire d’obtenir un taux d’éradication supérieur ou égal à 90 % (v. infra).3

Résistances aux antibiotiques chez l’enfant

Dans une étude française effectuée entre 1994 et 2005 concernant 377 souches d’H. pylori isolées chez l’enfant, un taux de résistance primaire de 36,7 % au métronidazole, de 22,8 % à la clarithromycine et de 7,9 % aux deux antibiotiques était rapporté.5 En 2012, ces taux de résistance restaient stables (métronidazole 40 %, clarithromycine 23 %), mais un taux de résistance aux fluoroquinolones de 3 % était observé (données non publiées). Les souches isolées chez les enfants sont plus résistantes à la clarithromycine et moins au métronidazole que celles isolées chez les adultes, reflétant des pressions de sélection différentes avec une plus forte consommation de macrolides et moindre d’imidazolés. Aucune résistance à la tétracycline, à la rifabutine et à l’amoxicilline n’a été trouvée en France à ce jour.5 À partir de souches isolées chez des enfants ­prélevés en 2018-2019 à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à l’université catholique de Lille, les taux de résistance étaient les suivants : 19 % (8/42) pour le métronidazole ; 0,5 % (2/42) pour la lévofloxacine ; 1/42 pour la rifampicine. Pour la clarithromycine, la résistance déterminée par culture (antibiogramme) et/ou PCR était de 19 % (9/53) [données non publiées].

Comment traiter l’infection à H. pylori ?

Les premières lignes thérapeutiques proposées dans les précédentes recommandations ne sont plus acceptables en raison de leur faible taux d’éradication.1, 2 La première ligne actuelle de traitement d’éradication d’H. pylori est indiquée dans le tableau 1 et la figure ci-dessus. Le traitement d’éradication doit être adapté aux résultats de l’antibiogramme de la souche isolée ou de la PCR. Le taux de la résistance, en particulier à la clarithromycine, est un facteur majeur d’échec de traitement et varie selon les pays. De plus, l’échec de l’éradication bactérienne augmente le risque de développer une résistance secondaire. Pour cette raison, le traitement doit être adapté en fonction des résultats de l’antibiogramme/PCR de la souche isolée chez le patient. Les doses d’IPP et d’antibiotiques dépendent du poids de l’enfant (tableau 2).
En cas de prescription d’une quadruple thérapie fondée sur le bismuth chez les enfants de moins de 8 ans, il est souhaitable d’associer bismuth, IPP, amoxicilline et métronidazole tandis que chez les adolescents de plus de 18 ans, on préfère l’association bismuth, IPP, métronidazole et tétracycline (Pylera).
Le rôle des probiotiques serait de diminuer les effets indésirables et d’améliorer l’adhésion au traitement, ce qui augmenterait l’efficacité des différents traitements d’éradication.
Une monothérapie par un IPP doit être poursuivie après le traitement d’éradication pendant 2 à 4 semaines supplémentaires chez les patients ayant une maladie peptique.
Il est nécessaire que le médecin ­explique au patient et à sa famille ­l’importance de la bonne prise du traitement en raison du risque important d’échec en cas de manque d’adhésion. Un taux d’éradication élevé est atteint lorsque plus de 90 % du traitement prescrit a été ingéré. Il est aussi conseillé de donner au patient et à ses parents un livret individuel expliquant la nature de cette maladie et les différents médicaments à prendre en précisant leurs doses et la durée du traitement.

Contrôle de l’éradication bactérienne

Le contrôle de l’éradication d’H. pylori est obligatoire et doit se dérouler au moins 4 à 6 semaines après l’arrêt du traitement par les antibiotiques et au moins 2 semaines après l’arrêt du traitement par IPP.
Ce contrôle est réalisé par un des tests non invasifs : le test respiratoire 13C-TRU ou le test d’antigène monoclonal dans les selles (HpSA). La ­disparition des symptômes n’est pas un bon indicateur de la réussite du traitement. 
Encadre

Points essentiels

Les douleurs abdominales récurrentes ne sont pas spécifiques de l’infection à H. pylori chez les enfants.

La gastrite nodulaire est l’aspect endoscopique le plus fréquent chez l’enfant. L’infection à H. pylori est un facteur de risque de développer un ulcère duodénal, mais non d’ulcère gastrique chez les enfants dans les pays à faible prévalence d’infection.

Le but de l’investigation de symptômes gastro-intestinaux est d’en déterminer leur cause et selon les cas de rechercher la présence d’H. pylori.

Quand rechercher une infection à H. pylori chez l’enfant ?

lIndications directes :

– signes cliniques suggérant une maladie peptique

– anémie par carence martiale réfractaire au traitement habituel

– purpura thrombocytopénique immun chronique

lIndications indirectes :

– présence d’érosions et/ou ulcération gastriques et/ou duodénales (i.e. maladie peptique)

– présence d’une gastrique nodulaire

– présence de signes endoscopiques en faveur du lymphome du MALT chez les adolescents et les jeunes adultes.

Le diagnostic initial de l’infection à H. pylori est fondé sur l’endoscopie gastrique avec biopsies.

Un enfant ne doit être traité que sur des indications cliniques. La recherche de l’infection et son traitement doivent apporter un bénéfice clair et direct.

Le traitement d’éradication doit être adapté aux résultats de l’antibiogramme et/ou de la PCR.

Le traitement recommandé est une triple thérapie adaptée à l’antibiogramme d’une durée de 14 jours avec des fortes doses d’inhibiteur de la pompe à protons.

Le contrôle de l’éradication doit se faire par un 13C-TRU ou un test de détection d’antigènes bactériens dans les selles.

La relation entre les chances d’éradication et l’observance thérapeutique doit être expliquée à l’enfant et à ses parents.

Références
1. Drumm B, Koletzko S, Oderda G. Helicobacter pylori infection in children: a consensus statement. European Paediatric Task Force on Helicobacter pylori. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2000;30:207-13.
2. Koletzko S, Jones NL, Goodman KJ, et al. Evidence-based guidelines from ESPGHAN and NASPGHAN for Helicobacter pylori infection in children. H. pylori Working Groups of ESPGHAN and NASPGHAN. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2011;53:230-43.
3. Jones NL, Koletzko S, Goodman K, et al, on behalf of ESPGHAN, NASPGHAN. Joint ESPGHAN/ NASPGHAN guidelines for the management of Helicobacter pylori in children and adolescents (update 2016). J Pediatr Gastroenterol Nutr 2017;64:991-1003.
4. Kalach N, Bontems P, Raymond J. Helicobacter pylori infection in children. Helicobacter 2017;22(Suppl 1):e12414. https///doi.org/10111/hel.12414.
5. Kalach N, Serhal L, Asmar E, et al. Helicobacter pylori primary resistant strains over 11 years in French children. Diag Microbiol Infect Dis 2007;59:217-22.

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Résumé

Les manifestations cliniques de l’infection à H. pylori ne sont pas spécifiques chez l’enfant, l’infection étant le plus souvent asymptomatique. Le diagnostic initial repose sur l’endoscopie digestive haute avec prélèvement de biopsies (culture, polymerase chain reaction [PCR], histologie et test à l’uréase rapide). La prise en charge thérapeutique doit être fondée sur un traitement adapté à la sensibilité aux antibiotiques (clarithromycine en particulier) de la souche isolée (antibiogramme et/ou PCR). L’observance thérapeutique doit être supérieure à 90 %. Les dernières recommandations pédiatriques recommandent une durée de traitement de 14 jours pour la triple thérapie (inhibiteur de la pompe à protons et deux antibiotiques).