Ce que l’on sait

Le virus Zika s’est fait connaître du grand public en mai 2015 à propos d’un accroissement du nombre de cas de microcéphalie chez des nouveau-nés au Brésil au cours d’une épidémie. En fait, découvert chez des singes en 1947 en Ouganda, il s’était déjà signalé sous la forme d’épidémies localisées en Micronésie en 2007, en Polynésie française en 2013, en Nouvelle-Calédonie en 2014 et 2015. Il avait assez peu retenu l’attention car les infections sont, dans les trois quarts des cas, asymptomatiques, et l’expression clinique se résume, le plus souvent, à un syndrome pseudogrippal et une éruption cutanée diffuse. Des formes graves ont été décrites chez l’adulte et chez l’enfant, essentiellement sous la forme de complications neurologiques : syndrome de Guillain-Barré, encéphalite, myélite, névrite optique, méningo-encéphalite, traduisant le tropisme du virus pour les tissus nerveux.1 Deux éléments se sont révélés particulièrement inquiétants :
– le constat de microcéphalies, de dysfonctionnements du tronc cérébral et de malformations neurologiques chez des nouveau-nés dont la mère avait été infectée pendant la grossesse (essentiellement en début de grossesse).2 Chez des femmes enceintes ayant contracté une infection par le virus Zika au cours d’un voyage en période épidémique, 5 à 7 % des nouveau-nés ont eu des troubles neurologiques.3 La fréquence des atteintes est probablement supérieure car des lésions ou des troubles peuvent se révéler tardivement ;2
– la présence de virus Zika infectieux dans le sperme et sa persistance plusieurs semaines après l’infection, qui expliquent la possibilité de transmission sexuelle du virus. Il persiste également dans les sécrétions génitales féminines.3, 4 Sa transmission reste cependant très majoritairement vectorielle par les moustiques du genre Aedes.

Situation épidémiologique actuelle

Il n’y a pas, actuellement (février 2020) de foyer épidémique d’infection à virus Zika. Il y a, en revanche, des notifications de cas sporadiques dans de nombreuses parties du monde où le virus continue de circuler à bas bruit. Cette situation pourrait s’expliquer par l’acquisition d’une immunité d’une partie de la population lors d’épidémies antérieures passées inaperçues du fait du fort pourcentage des formes asymptomatiques et de la non-spécificité des signes cliniques. Le risque d’infection est donc réel dans les zones où des cas continuent d’être observés, ou potentiel dans les zones où le moustique vecteur est présent avec des cas qui ont été rapportés dans les mois précédents. Quoi qu’il en soit, le risque est actuel­lement considéré comme faible, quelle que soit la zone à risque dans le monde. Une liste actualisée des pays à risque d’infection Zika est disponible sur le site de l’institut Pasteur de Lille (v. tableau).5 L’Organisation mondiale de la santé (OMS), se fondant sur une analyse de la littérature scientifique, estime que la persistance dans les sécrétions génitales de virus Zika infectant est, au maximum, de 3 mois chez l’homme et de 2 mois chez la femme.6

Que recommander aux femmes enceintes et aux couples ayant un projet d’enfant ?

Plusieurs situations sont à envisager.7

Femmes enceintes prévoyant un voyage en zone de circulation supposée ou avérée du virus Zika

En cas de risque élevé d’infection par le virus Zika, les voyages sont déconseillés (zones avec cas épidémiques déclarés). Si le voyage ne peut être reporté, les recommandations sont celles exposées dans le paragraphe suivant.
Si le risque d’infection par le virus Zika est faible (par exemple, zones avec des cas sporadiques ou épidémie terminée depuis moins de 12 mois) :
– il faut informer la patiente sur les modes de transmission du virus Zika, et sur les embryo-fœtopathies et autres complications pouvant survenir lors d’une infection par le virus Zika ;
– et recommander à la femme enceinte d’envisager, quel que soit le terme de la grossesse, un report de son voyage.
Si elle voyage, la recommandation est :
– de respecter les mesures de protection contre les piqûres de moustiques ;
– d’éviter tout rapport sexuel non protégé pendant le voyage ;
– d’éviter au retour et pendant la durée de la grossesse tout rapport sexuel non protégé avec un homme infecté ou ayant pu être infecté par le virus Zika ;
– de consulter un médecin en cas de signes cliniques évocateurs d’une infection par le virus Zika, pendant le voyage ou au retour, pour faire un bilan clinique et biologique ;
– de réaliser, 4 semaines (ou plus) après le retour, un dépistage sérologique d’infection par le virus Zika comprenant notamment une recherche des anticorps anti-Zika de type immunoglobuline (Ig) G et IgM avec, en cas de positivité des IgG, un test de séroneutralisation Zika. En cas de test positif ou douteux, la conduite à tenir comprend notamment :
– une surveillance échographique aux dates suivantes : 12 semaines d’aménorrhée (SA), 22-24 SA, 26-28 SA, 32 SA ;
– à l’accouchement : chez la mère, un examen sérologique systématique et une recherche virale par reverse transcriptase polymerase chain reaction (RT-PCR) s’il existe des signes évocateurs d’une infection aiguë ; en cas de réaction sérologique positive ou douteuse, les sérums conservés en sérothèque (sérums gardés pour d’autres raisons qu’un diagnostic biologique de Zika) pourront être utilisés pour une datation de l’infection par rapport au début de grossesse ; chez l’enfant, sur sang du cordon, une recherche des anticorps de type IgM et du génome viral par RT-PCR ; sur le placenta, une recherche virale par RT-PCR.

Femmes ayant un projet de grossesse et prévoyant un voyage en zone de circulation supposée ou avérée du virus Zika

Il faut informer la patiente sur les modes de transmission du virus Zika, les embryo-fœtopathies et autres complications pouvant survenir lors d’une infection par le virus Zika, et lui recommander de reporter son projet de grossesse au retour du voyage. Si elle voyage, la recommandation est :
– d’appliquer pendant la durée du voyage les mesures de protection contre les piqûres de moustiques, d'avoir une méthode contraceptive, et d’éviter tout rapport sexuel non protégé ;
– de consulter un praticien en cas de signes cliniques évocateurs d’une infection par le virus Zika, pendant le voyage ou au retour, pour un bilan clinique et biologique (anticorps Zika IgM et IgG et séroneutralisation éventuelle) ; ces investigations n’ont pas lieu d’être si le retour de voyage précède de plus de 3 mois le début des symptômes ;
– au retour, de reporter le projet de grossesse jusqu’à la certitude que le partenaire n’est pas infectant (v. infra). Dans l’attente de cette confirmation, les femmes ayant un projet de grossesse doivent éviter tout rapport sexuel non protégé avec un homme infecté ou ayant pu être infecté par le virus Zika ;
– de réaliser systématiquement, 4 semaines (ou plus) après le retour, un test sérologique à la recherche d’une infection par le virus Zika. Le même examen est réalisé chez le partenaire si celui-ci a voyagé avec elle ou indépendamment d’elle dans une zone de transmission du virus Zika ; ces examens n’ont pas lieu d’être si le retour date de plus de 3 mois :
. si l’examen est positif ou douteux chez le partenaire, un examen du sperme est réalisé pour la recherche du virus Zika, par RT-PCR (2 tests à une semaine d’intervalle minimum),
. si les résultats sérologiques du partenaire ou ceux de l’examen de sperme sont négatifs, le projet d’enfant et la grossesse ne feront pas l’objet d’un suivi particulier.
Dans le cas où seuls les résultats sérologiques réalisés chez la femme sont positifs, le projet d’enfant peut être envisagé plus de 2 mois après la date de retour de la zone de transmission du virus Zika.

Femmes ayant un projet de grossesse dont le partenaire a seul voyagé en zone de circulation supposée ou avérée du virus Zika

Il faut informer la patiente sur les modes de transmission du virus Zika, les embryo-fœtopathies et autres complications pouvant survenir lors d’une infection par le virus Zika, et lui recommander de reporter son projet de grossesse jusqu’à la certitude que son partenaire n’est pas infectant. Dans l’attente de cette confirmation, il faut éviter tout rapport sexuel non protégé. Cette précaution n’a plus lieu d’être si le retour de voyage date de plus de 3 mois.
Les recommandations pour le partenaire sont :
– de consulter un praticien en cas de signes cliniques évocateurs d’une infection par le virus Zika, pour un bilan clinique et biologique (anticorps Zika IgM et IgG et séroneutralisation éventuelle) ;
– de réaliser 4 semaines (ou plus) après le retour un test sérologique à la recherche d’une infection par le virus Zika ; ces examens n’ont pas lieu d’être si le retour date de plus de 3 mois :
. si l’examen est positif ou douteux, un examen du sperme est réalisé pour la recherche du virus Zika, par RT-PCR (2 tests à une semaine d’intervalle minimum),
. si les résultats sérologiques ou ceux de l’examen de sperme sont négatifs, le projet d’enfant et la grossesse ne feront pas l’objet d’un suivi particulier.

Cas particulier de l’aide médicale à la procréation

Pour les personnes concernées par l’aide médicale à la procréation (AMP) par insémination artificielle, fécondation in vitro (FIV) ou transfert d’embryons congelés, ainsi que pour celles qui sont concernées par la préservation de la fertilité et le don de gamètes, les recom­mandations de l’Agence de la biomédecine doivent être suivies.
Références
1. Haut Conseil de la santé publique. Prise en charge médicale des personnes atteintes par le virus Zika. Avis et rapports HCSP, août 2015. http://bit.ly/2SnUObL
2. Haut Conseil de la santé publique. Infection par le virus Zika. Prise en charge des nouveau-nés et nourrissons. Avis et rapports HCSP, mars 2016. http://bit.ly/2SnUObL
3. European Centre for Disease Prevention and Control. Zika risk transmission worldwide. ECDC, avril 2019. http://bit.ly/37uqyAo
4. Haut Conseil de la santé publique. Infection par le virus Zika : risque de transmission par voie sexuelle. Avis et rapports HCSP, février 2016. http://bit.ly/39CAvx7
5. Institut Pasteur de Lille. Le virus Zika. www.pasteur-lille.fr/Zika/
6. Organisation mondiale de la santé. WHO guidelines for the prevention of sexual transmission of Zika virus: executive summary. WHO, 2019. http://bit.ly/2HmTQpH
7. Santé publique France. Recommandations sanitaires pour les voyageurs, 2019 (à l’attention des professionnels de santé). Bull Epidemiol Hebd 2019;hors-série(mai 2019):65. http://bit.ly/2uKky93

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Résumé

La transmission du virus Zika est vectorielle, mais elle peut aussi être sexuelle. La maladie Zika contractée par un adulte ou un enfant est le plus souvent bénigne, mais l’infection de la femme en cours de grossesse peut aboutir à des lésions congénitales neurologiques graves. Le virus Zika continue de circuler, à bas bruit, dans plusieurs parties du monde. Le risque d’être infecté au cours d’un voyage est faible mais ne peut être négligé. Un homme infecté peut être infectant, lors d’une relation sexuelle, jusqu’à 3 mois après avoir contracté la maladie. L’information des femmes enceintes et des couples ayant un projet d’enfant est justifiée si au moins l’un des deux voyage ou a voyagé en zone de transmission du virus Zika. Il est possible de s’appuyer sur des tests sérologiques de laboratoire pour déterminer si les partenaires ont été infectés et vérifier, par la recherche du virus dans le sperme, qu’il n’y a pas de risque de transmission sexuelle.