Depuis la fin de l’année 2022, l’incidence des infections à streptocoque A est en augmentation. Dans ce contexte, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a mis à jour les recommandations sur la conduite à tenir autour d’un ou plusieurs cas d’infection invasive et de cas groupés d’infection non invasive.

Cette mise à jour fait suite à une incidence accrue des infections invasive à streptocoque du groupe A (IISGA) observée en France depuis la fin de l’année dernière. Les données épidémiologiques provisoires ont mis en évidence une augmentation des cas à partir de novembre 2022, plus marquée chez les enfants que chez les adultes, avec des effectifs dépassant ceux observés avant la pandémie Covid.

La surveillance de Santé publique France et du Groupe francophone de réanimation et d’urgences pédiatriques (GFRUP) a identifié, entre le 1er septembre 2022 et le 26 mars 2023, 170 cas dont 13 décès (6 décès pédiatriques extrahospitaliers étaient également signalés). L’âge médian des enfants était de 3,6 ans. Deux tiers de ces cas avaient des infections respiratoires (pneumopathies ou pleuro-pneumopathies) associées ou non à un choc toxique streptococcique. Une infection virale (notamment grippe et bronchiolite à VRS) était rapportée chez plus de la moitié des enfants dans les 15 jours précédant l’infection à SGA. Le Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique de la Société française de pédiatrie a quant à lui rapporté, grâce à une surveillance menée dans 34 centres hospitaliers pédiatriques, 215 enfants de moins de 18 ans ayant une IISGA entre septembre 2022 et juin 2023 (âge médian : 4,1 ans ; 57 % de garçons). Une infection virale était également rapportée dans les 15 jours précédant l’IISGA dans un tiers des cas.

Enfin, cette recrudescence de ces IISGA pédiatriques pourrait avoir été précédée d’une recrudescence des infections non invasives à SGA chez les enfants, comme rapporté à partir de mars 2022 par des pédiatres libéraux (étude PARI).

Nouvelles définitions des cas

Dans ces nouvelles recommandations, le HCSP propose de nouvelles définitions de cas (confirmé et probable) d’IISGA, de sujet contact, de cas groupés d’IISGA et de cas groupés d’infection non invasive à SGA.

Cas confirmé d’IISGA

Détection de Streptococcus pyogenes par culture, TROD (test rapide d’orientation diagnostique) ou technique moléculaire (amplification génique) dans un tissu normalement stérile (sang, le LCS, épanchement articulaire, pleural ou péricardique, os, endomètre ou tissus profonds lors d’une intervention chirurgicale). En cas de diagnostic positif, la personne doit être prises en charge au plus vite dans un centre disposant d’une équipe multidisciplinaire, capable de dispenser des soins intensifs et d’effectuer une chirurgie lourde. L’amoxicilline est recommandée en première intention.

Cas probable d’IISGA

Tableau clinique grave (comme choc, fasciite nécrosante, pneumonie ou pleurésie, arthrite septique, méningite, péritonite, ostéomyélite, myosite, infection puerpérale) ET :

  • détection de S. pyogenes par culture, TROD ou technique moléculaire (détection des acides nucléiques) dans un tissu normalement non stérile comme la gorge, les crachats, le placenta, les voies génitales, les plaies, les abcès cutanés ou sous-cutanés OU lien épidémiologique avec un cas confirmé  ;
  • ET absence d’autre étiologie retrouvée.

Cas contact d’IISGA

Personnes ayant rencontré le cas index dans les 7 jours précédant le début des signes cliniques et jusqu’à 24 h après le début de l’antibiothérapie dans les contextes suivants :

  • partage du même domicile, de la même chambre ou du même endroit de nuitée ;
  • contacts intimes avec face à face, y compris lors d’activités sportives particulières impliquant des corps à corps (sport de combat, rugby...) ;
  • contacts rapprochés de façon prolongée ou répétée avec possibilité de face à face (voyage de plus de 8 heures sur un siège contigu, activité partagée entre enfants ou étudiants…).

En pratique, cela concerne : les enfants du même groupe ou classe (avant l’école élémentaire), ou ayant des activités partagées fréquentes ou prolongées (quel que soit le niveau) ; chez une assistante maternelle, l’ensemble des personnes vivant au domicile et tous les enfants le fréquentant ; personnes ayant partagé durablement les mêmes locaux communs (en cité universitaire par exemple) ; en milieu de soins, personnes ayant partagé la même chambre. En revanche, les collègues de travail, les voisins de palier, les camarades de classe à partir de l’école élémentaire (hors voisins de classe immédiats) ne sont pas considérés comme des sujets contacts.

Cas groupés d’infections d’IISGA

Survenue d’au moins 2 cas d’IISGA confirmés ou probables, dans la même collectivité (domicile familial, établissements de soins ou d’accueil d’enfants, collectivités fermées…) à moins de 10 jours d’intervalle ET situation où des contacts rapprochés prolongés ou répétés entre les cas sont mis en évidence ou jugés possibles.

Cas groupés d’infections non invasives à SGA (scarlatine, angine, impétigo)

Survenue d’au moins 2 cas d’infections non invasives symptomatiques à SGA, confirmés microbiologiquement (TROD, culture, technique moléculaire) ou non, dans la même collectivité (domicile familial, établissements de soin ou d’accueil d’enfants, collectivités fermées…) dans une période de 10 jours ET mise en évidence de contacts proches ou répétés entre les cas.

Quelle est la conduite à tenir ?

Le HCSP recommande d’informer les sujets contacts sur la nécessité de consulter rapidement en cas de symptômes évocateurs d’infection à SGA (invasive ou non), afin de diagnostiquer et traiter précocement toute infection confirmée.

Antibioprophylaxie des cas contacts d’IISGA : pour qui et comment ?

Le HCSP recommande une antibioprophylaxie aux sujets contacts d’un cas d’IISGA tel que définis ci-dessus, pour les personnes suivantes :

  • femmes enceintes de plus de 37 SA ;
  • femmes ayant accouché dans les 28 jours précédents ;
  • nouveau-nés (jusqu’à 28 jours de vie ;
  • personnes > 65 ans ;
  • personnes ayant une varicelle dans les 7 jours qui précèdent le début des signes chez le cas index et jusqu’à 24 h après le début de l’antibiothérapie du cas index ;
  • les personnes vivant dans des conditions particulières de précarité (sans domicile fixe…) ;
  • cas contacts vivant sous le même toit qu’un cas, lorsqu’un d’entre eux nécessite une antibioprophylaxie.

Cette antibioprophylaxie est à initier le plus tôt possible après le diagnostic chez le cas index (au mieux dans les premières 24 h), et jusqu’à 10 jours après.

Les antibiotiques suivants peuvent être utilisés :

amoxicilline : 50 mg/kg/jour en 2 prises/jour (max 1 g x 2/jour) pendant 6 jours ;

macrolides et apparentés (si la souche de SGA du cas index y est sensible) : azithromycine pendant 3 jours (20 mg/kg/jour, soit une dose pour le poids x 1/jour, jusqu’à 25 kg ; au-delà de 25 kg : dose pour un poids de 25 kg ou 500 mg/jour en une seule prise) OU clarithromycine pendant 10 jours (15 mg/kg/jour en 2 prises, soit une dose pour le poids x 2/jour, jusqu’à 500 mg x 2/jour) ;

céphalosporines orales de 1re génération pendant 10 jours : céfadroxil 50 mg/kg/jour en deux prises (max 1 g x 2/jour) OU céfaclor 20 - 40 mg/kg/jour en trois prises (max 250 mg x 3/jour).

Conduite à tenir lors de cas groupés d’IISGA

Une alerte auprès de l’ARS concernée est une obligation en cas d’identification de cas groupés d’IISGA, et une possibilité en cas d’identification des cas groupés d’infection non invasive (scarlatine, angines, impétigo).

En lien avec Santé publique France, l’ARS entreprend les mesures nécessaires : enquête sur les cas sur venus sur les mois précédents, information des contacts, promotion des mesures d’hygiène (v. encadré)…

Dans les cas d’IISGA, les mesures individuelles comprennent :

  • l’éviction de la collectivité des personnes infectées jusqu’à 24 h après le début de l’antibiothérapie ;
  • antibioprophylaxie des contacts selon les mêmes modalités qu’autour d’un seul cas ;
  • en cas d’épidémie de varicelle concomitante, éviction des cas de varicelle et promotion de la vaccination varicelle des personnes non immunisées selon les recos de la HAS ;
  • en cas d’épidémie de viroses respiratoires, éviction des cas  ;
  • en l’absence de contrôle de la situation épidémique par ces mesures, 3 modalités peuvent être considérées : (1) dépistage du portage du SGA chez les personnes contacts par prélèvement pharyngé et traitement en cas de positivité ; (2) antibioprophylaxie de toutes les personnes appartenant au groupe où sont survenus les cas ; (3) fermeture partielle ou totale de l’établissement pour une durée d’au moins 10 jours et s’étendant jusqu’à 10 jours sans nouveau cas au sein du groupe concerné.

Conduite à tenir lors de cas groupés d’infection non invasive

Dans ce cas, le HCSP recommande désormais l’éviction des personnes infectées jusqu’à 24 h après le début de l’antibiothérapie (et non plus 48 h) ; il n’y a pas lieu de proposer une antibioprophylaxie aux sujets contacts.

Encadre

Mesure d’hygiène et environnementales autour d’un cas d’infection à streptocoque A

Hygiène personnelle

Hygiène des mains par lavage à l’eau et au savon ou par friction hydroalcoolique.

Gestes de couverture de la bouche et du nez en cas d’éternuements.

Nettoyage, désinfection et couverture des plaies cutanées.

Port d’un masque chirurgical si possible (contre-indiqué chez les enfants de moins de 3 ans), lors des activités calmes en milieu clos.

Mesures environnementales

Nettoyage régulier (une fois/jour au moins) de l’équipement et des jouets pouvant être en cause dans une transmission indirecte (hypochlorite 1 000 ppm, lavage en machine à haute température, nettoyage vapeur…).

Nettoyage plusieurs fois/jour des zones fréquemment touchées (poignées de porte, chasse d’eau des toilettes…).

Aspiration quotidienne des tapis et moquettes.

Aération régulière des locaux.

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