Phytothérapie, compléments alimentaires, yoga, tai-chi… Les patients ayant une insuffisance cardiaque se tournent souvent vers des alternatives perçues comme « naturelles », mais dont l’efficacité est mal connue. Pour aider les praticiens à guider leurs patients, l’American Heart Association vient de publier une revue de la littérature sur leur sécurité et efficacité, accompagnée de guidelines.

L’utilisation de thérapies alternatives et complémentaires sous diverses formes est très répandue dans le monde, avec des estimations qui vont de 10 % à 80 % selon les pays, pour des raisons diverses : insatisfaction vis-à-vis de la médecine conventionnelle, existence de traditions et croyances à leur égard ou des perceptions positives sur leur efficacité, ou encore sentiment de mieux maîtriser sa propre santé. Il peut s’agir aussi bien de produits – plantes, compléments alimentaires délivrés sans prescription médicale – que de pratiques adoptées par les patients mais qui n’ont pas fait l’objet de recommandations, les preuves cliniques sur leur efficacité étant souvent limitées ou controversées.

Elles peuvent de ce fait s’avérer risquées (interactions médicamenteuses, par exemple, voire risque d’interruption du traitement conventionnel), d’autant plus que peu de patients qui adoptent ces pratiques en parlent spontanément à leur médecin. Ainsi, l’American Heart Association (AHA) estime que plus de 30 % des patients ayant une insuffisance cardiaque (IC) ont utilisé des thérapies complémentaires (en particulier la phytothérapie), mais que moins de 15 % d’entre eux évoque ce sujet en consultation.

Certaines de ces approches ont-elles fait leurs preuves dans l’IC ? Quels sont les risques associés ? L’AHA a fait le point, avec une revue de la littérature sur les principales pratiques.

Des bénéfices potentiels mais modestes

Compléments alimentaires : seuls les oméga 3 ont fait leurs preuves

Parmi les supplémentations évaluées dans cette revue de la littérature (oméga 3, vitamine D, thiamine, coenzyme Q10…), seuls les acides gras oméga 3 ont les plus fortes preuves d’un bénéfice clinique avec une supplémentation modérée.

Des études ont, en effet, montré des réductions (modestes) dans l’hospitalisation et le décès pour causes cardiovasculaires chez les patients ayant une IC de classe II à IV selon la classification de la New York Heart Association (NYHA) avec une supplémentation de 1 g d’oméga 3 par jour (versus placebo).

Il existe toutefois un sur-risque de fibrillation atriale, dose-dépendant. C’est pourquoi les guidelines des sociétés savantes américaines de cardiologie de 2022 recommandent cette supplémentation chez les patients insuffisants cardiaques (NYHA II à IV), seulement comme une thérapie adjuvante et non aux dépens des autres traitements médicamenteux validés, et à des doses < 4 g/j.

Quant aux autres supplémentations évaluées, les preuves d’un bénéfice cardiovasculaire ne sont pas concluantes ou sont contradictoires. En particulier, des apports en thiamine (vitamine B1) et vitamine D ne sont pas recommandées en dehors des situations de carences.

Certaines peuvent même être dangereuses : ainsi, la vitamine E à fortes doses (400 UI/j) peut augmenter le risque d’hospitalisation pour IC, voire en favoriser la survenue chez des patients sains.

Yoga et tai-chi : recommandés en addition aux traitements

Des études randomisées sur la pratique du yoga ont montré que, en combinaison avec les traitements médicamenteux standard, elle améliorait la qualité de vie et la tolérance à l’exercice, et diminuait des biomarqueurs inflammatoires. Des essais sur le tai-chi ont également montré des bénéfices. L’AHA considère donc qu’il s’agit de pistes prometteuses.

Phytothérapie : des risques d’aggravation de l’IC et d’interactions médicamenteuses

Outre certaines substances dont la toxicité est bien connue – réglisse (pouvant entraîner une hypertension, une hypokaliémie, voire un arrêt cardiaque), pamplemousse (interactions médicamenteuses importantes, comme l’augmentation de l’absorption de l’amiodarone et des statines) –, l’AHA met en garde sur la consommation de certaines plantes qui peuvent également interagir avec les traitements médicamenteux de l’IC, ou aggraver la pathologie. Par exemple :

  • l’aubépine (Crataegus monogyna) : bien qu’elle ait montré dans certaines études une amélioration des symptômes liés à l’IC (fatigue, dyspnée, palpitations), d’autres ont suggéré que sa consommation peut entraîner un risque d’aggravation de l’IC, ainsi que d’interaction pharmacodynamique avec la digoxine ;
  • l’actée à grappes bleues peut déclencher des tachycardies, une vasoconstriction voire une hyperglycémie ; elle peut aussi, en théorie, diminuer l’effet des antihypertenseurs et antidiabétiques ;
  • l’aloe vera peut réduire les taux de potassium, augmentant ainsi le risque de toxicité de la digoxine ;
  • la griffe du diable et le ginkgo biloba peuvent interagir avec la warfarine ;
  • le muguet – longtemps employé par les patients ayant une IC modérée car il contient des glycosides cardiaques similaires à la digoxine – peut donc potentialiser l’effet de cette dernière et entraîner des hypokaliémies.

Compte tenu de ces données, les membres de l’AHA exhortent les praticiens à évoquer systématiquement avec leurs patients l’utilisation de thérapies complémentaires, et de les informer afin d’en prévenir les possibles effets indésirables. Ils rappellent également le besoin urgent de disposer davantage d’études, en particulier d’essais randomisés, permettant d’évaluer la sécurité et l’efficacité de ces approches chez les patients ayant une IC.

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