Les traitements médicamenteux cardioprotecteurs et interventionnels (pacemakers resynchronisateurs, défibrillateurs, chirurgie ou techniques percutanées de la maladie coronaire et des valvulopathies) ont été des avancées déterminantes ces 30 dernières années, et ont permis d’améliorer très fortement la survie et la qualité de vie des patients insuffisants cardiaques, et de réduire les réhospitalisations. Parallèlement, les progrès diagnostiques en imagerie et génétique ont permis la mise en place de stratégies préventives ou curatives avant un remodelage cardiaque irréversible. Mais la morbi-mortalité reste importante aux stades les plus évolués, lorsque les processus physiopathologiques responsables de l’altération de la fonction cardiaque n’ont pas pu être prévenus ou efficacement inversés.

 

 

Les dernières recommandations européennes du traitement proposent un arbre décisionnel clair et pragmatique (figure)

Après avoir traité au mieux les comorbidités (diabète, insuffisance rénale, BPCO, carence martiale) et les facteurs aggravants (ischémie myocardique, troubles du rythme, HTA…), le traitement pharmacologique est instauré avec trois objectifs :

– prescrire aux doses maximales tolérées les cardioprotecteurs et implanter les dispositifs qui réduisent la mortalité, préviennent les rechutes et décompensations, améliorent la qualité de vie ;

– traiter la congestion avec les diurétiques ;

– prévenir la mort subite.

 

 

Quelles nouveautés ?

Les inhibiteurs du SGLT2 ou gliflozines (empagliflozine, canagliflozine, dapagliflozine) ont montré leur efficacité dans le traitement du diabète de type 2. Il s’agit d’inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose (SGLT2) au niveau rénal, qui produisent une augmentation de la glycosurie. Selon les recommandations de l’European Society of Cardiology, le traitement de 1re intention du diabète de type 2 en cas d’insuffisance cardiaque repose sur la metformine et les inhibiteurs de SGLT2 (c’est également le cas en présence d’une pathologie cardiovasculaire ou de haut ou très haut risque cardiovasculaire).

En effet, un mécanisme d’action cardioprotecteur (encore incomplètement compris) a été confirmé dans l’étude DAPA-HF publiée en 2019. Cette étude a comparé la dapagliflozine au placebo chez 4 744 patients avec une insuffisance cardiaque chronique et une FEVG < 40 %, avec ou sans diabète, recevant un traitement optimal de l’insuffisance cardiaque. L’étude a montré une réduction significative de 26 % du critère combiné aggravation de l’insuffisance cardiaque ou mortalité cardiovasculaire, avec une bonne tolérance générale et rénale. Les gliflozines sont donc une classe intéressante et complémentaire chez les patients diabétiques en particulier mais pas seulement, puisque le même bénéfice sur l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite est observé chez les non-diabétiques. Un ajustement des doses de diurétique peut être envisagé avec ces traitements, comme pour l’association sacubitril-valsartan. Il faut également souligner leur facilité d’utilisation sans nécessité de titration, l’absence de risque hypoglycémique (sauf en association aux sulfamides hypoglycémiants et/ou à l’insuline), en restant vigilant sur le respect des contre-indications et le suivi des effets indésirables : insuffisance rénale aiguë réversible en initiation, déplétion volumique et hypotension, infections génitales (mycose) surtout chez la femme et plus rarement urinaires, acidocétose sans hyperglycémie, gangrène de Fournier (rare mais sévère).

 

Le vériciguat, via la stimulation de la guanylate cyclase soluble, est susceptible d’améliorer la vasorelaxation et la fonction cardiaque. L’étude VICTORIA (mars 2020) a comparé l’effet du vériciguat 10 mg au placebo chez 5 050 patients insuffisants cardiaques en classe NYHA II, III ou IV avec une fraction d’éjection < 45 %, sous traitements recommandés mais « récemment décompensés » (en pratique : événement d’insuffisance cardiaque récent ou symptômes s’aggravant progressivement nécessitant soit un traitement ambulatoire, soit un passage aux urgences ou une hospitalisation). À 3 mois de suivi : diminution significative du critère combiné mortalité cardiovasculaire ou hospitalisations, mais augmentation non significative des syncopes (4 vs 3,5 %) et épisodes d’hypotension (9,1 vs 7,9 %). Le nombre de patients traités par SGLT2 n’était pas suffisant pour juger des effets de l’association, mais l’effet observé était conservé chez les patients traités par sacubitril-valsartan. Le vériciguat est un option complémentaire intéressante pour réduite les hospitalisations chez les patients avec une décompensation récente gardant un NT-proBNP élevé et une FEVG < 45 %, avec, comme pour le sacubitril-valsartan, une vigilance sur l’hypotension artérielle ; la tolérance rénale est bonne comme pour les gliflozines.

 

D’après :

Dossier – Actualités dans l’insuffisance cardiaque, sous la direction du Pr Jean-Sébastien Hulot, paru en novembre 2020.

 

Cinzia Nobile, La Revue de Praticien

Figure. Traitement de l’insuffisance cardiaque symptomatique à FEVG réduite. D’après la réf. 3. ARA2 : antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ; CRT : cardiac resynchronization therapy ; DAI : défibrillateur automatique implantable ; FC : fréquence cardiaque ; FEVG : fraction d’éjection ventriculaire gauche ; FV : fibrillation ventriculaire ; ICFEr : insuffisance cardiaque à fonction d’éjection réduite ; IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion ; IRAN : association d’inhibiteurs des récepteurs de l’angiotensine et de la néprilysine (valsartan-sacubitril) ; TV : tachycardie ventriculaire. Dans Trochu JN. Nouveaux traitements de l’insuffisance cardiaque systolique. Rev Prat 2020;70:977-8.