Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
Introduction
L’objectif de cette question est d’aider l’étudiant à appréhender le lien entre les différentes affections veineuses chroniques indûment résumées à la notion de varices et l’insuffisance veineuse chronique.
Épidémiologie
Fréquence
Facteurs de risque
Physiopathologie
Rappels anatomiques
Mécanisme physiopathologique de l’insuffisance veineuse chronique
Étiologie de l’insuffisance veineuse chronique (fig. 1)
Maladie variqueuse
Lors de la caractérisation des varices, il convient de distinguer si elles sont :
– systématisées (développées aux dépens des réseaux grande et petite saphènes ou de leurs proches affluents) ou diffuses (non développées aux dépens d’un réseau anatomique précis) ;
– essentielles ou primaires (d’origine multifactorielles lorsque les seuls facteurs favorisants retrouvés sont un terrain familial de varices, l’âge, des grossesses, une obésité, une sédentarité ou une station debout prolongée…) ou secondaires à une altération pariétale, principalement à une maladie post-thrombotique ou plus rarement constitutionnelle (agénésie ostiale ou valvulaire, hypoplasie…).
Les varices sont à distinguer des :
– télangiectasies, confluence de veinules intradermiques dilatées dont le calibre n'excède pas 1 mm et qui, en dehors de la corona phlebectatica de siège périmalléolaire, sont rarement liées à l’insuffisance veineuse mais davantage à une imprégnation hormonale ;
– veines réticulaires, veines sous-dermiques, bleutées, dilatées et sinueuses d’un diamètre compris entre 1 et 3 mm.
Cette définition exclut les veines superficielles du sportif ou du sujet maigre qui sont des veines normales saillantes ou très visibles du fait de l’atrophie du tissu adipeux sous-cutané.
Syndrome post-thrombotique
Insuffisance veineuse fonctionnelle
Syndromes veineux compressifs
– du syndrome de Cockett par compression de la veine iliaque gauche par l’artère iliaque droite et qui peut se compliquer de thrombose veineuse profonde, notamment au cours de la grossesse ;
– du syndrome du soléaire, par compression du pédicule tibio-fibulaire par l’arcade du soléaire ;
– de compressions veineuses extrinsèques par des tumeurs ou des adénopathies pelviennes.
Autres causes
– dysgénésies valvulaires (hypoplasies, agénésies) responsables d’insuffisance veineuse chronique sévère chez le sujet jeune ;
– angiodysplasies ;
– fistules artérioveineuses congénitales ou acquises.
Manifestations cliniques de l’insuffisance veineuse chronique
Signes fonctionnels
Certains signes d’insuffisance veineuse sont moins fréquents, moins connus et peuvent induire des errements diagnostiques :
– impatience nocturne (besoin impérieux de mobiliser les jambes), faisant suspecter un syndrome des jambes sans repos ;
– brûlures et rougeur du pied nocturnes, soulagées par le froid, réveillant le patient et pouvant faire suspecter une érythermalgie (l’érythermalgie touche parfois les quatre membres, mais prédomine aux membres inférieurs) ;
– claudication veineuse intermittente en cas d’Insuffisance veineuse chronique secondaire à une obstruction chronique, généralement proximale, ilio-cave. La douleur augmente au cours de la marche du fait de l’obstacle et ne cède que lentement à l’arrêt et après mise en décubitus avec surélévation du pied. Les principaux diagnostics différentiels sont les claudications d’origine artérielle (i.e. artériopathie oblitérante des membres inférieurs) ou neurologique (i.e. canal lombaire étroit, etc.).
Signes physiques
Signes de stase
Œdème du pied : blanc, mou, prenant le godet, initialement au niveau de la cheville et respectant l’avant-pied. Cet œdème est à prédominance vespérale et disparaît après un repos allongé. Il est lié à une augmentation de la filtration plasmatique au niveau de l’unité microcirculatoire du fait de l’augmentation de la pression veineuse. Une fraction du plasma passe dans le tissu interstitiel sans être complètement réabsorbée par le versant veineux du capillaire et le système lymphatique. Il n’y a pas de rétention hydrosodée et donc pas de prise de poids. La fibrose tissulaire induite par l’œdème et les surinfections favorisées par l’accumulation des toxines, macromolécules et débris cellulaires peuvent secondairement altérer le système lymphatique. L’œdème prend alors les caractéristiques d’un œdème lymphatique ou lymphœdème avec peau épaissie et cartonnée et atteinte de l’avant-pied avec orteils boudinés (lymphœdème). C’est une complication tardive et inconstante.Corona phlebectatica : varicosités bleues en couronne péri-malléolaire interne et paraplantaire directement corrélées au degré d’hyperpression veineuse.
Signes du retentissement tissulaire
Dermite ocre (fig. 2) : conséquence de l’extravasation des hématies dans le derme et de l’oxydation de l’hème. Cette lésion indélébile apparaît au début sous forme d’un piqueté ocre périmalléolaire puis sous forme de plaques brunâtres. Elle peut être associée à des éléments purpuriques au cours des poussées évolutives de la maladie.Eczéma : dermatite érythémateuse, localisée au tiers inférieur de jambe, responsables de vésicules, d’un suintement ou de squames. Elle est souvent exclusivement secondaire à l’insuffisance veineuse chronique mais peut être aussi la conséquence d’un eczéma de sensibilisation lié à l’utilisation de topiques locaux.
Dermo-hypodermite de stase (lipodermatosclérose) : localisée au tiers inférieur de jambe, elle complique des épisodes d’hypodermites de stase ou infectieuses, engendrant une sclérose engainante et rétractile des tissus progressive qui s’étend peu à peu en circonférence et en hauteur et donne un aspect en mollet de coq. Un enraidissement de la cheville et du tiers inférieur du membre s’installe progressivement, entraînant un cercle vicieux. C’est un tournant évolutif de la maladie car elle altère définitivement la dynamique du retour veineux.
Atrophie blanche de Millian : plaque scléro-atrophique, porcelaine, lisse, de siège essentiellement périmalléolaire. Elle correspond à une zone d’ischémie localisée par raréfaction capillaire au sein d’un tissu fibreux et fait le lit des ulcères.
Ulcère variqueux : stade évolutif ultime de l’Insuffisance veineuse chronique. Il est classiquement indolore, non creusant, à fond humide et de distribution périmalléolaire.
Classification de l’insuffisance veineuse (CEAP)
Les complications propres aux varices, indépendamment de l’évolution de l’insuffisance veineuse chronique vers un ulcère des membres inférieurs sont les suivantes.
Complications thrombotiques
Thromboses veineuses superficielles, dont il conviendra de déterminer si elles sont :
- localisées (segmentaires), avec un potentiel thrombo-embolique modeste. Leur traitement en phase aiguë nécessite des anticoagulants à posologie préventive avec une AMM spécifique pour le fondaparinux 2,5 mg s.c. pendant 6 semaines. Le rivaroxaban 10 mg per os une fois par jour a récemment démontré sa non-infériorité par rapport au fondaparinux 2,5 mg sous-cutané dans cette indication mais ne dispose pas encore d’AMM spécifique dans cette indication en France ;
- extensives à proximité des crosses (< 3 cm du réseau profond) : le risque de thrombose veineuse profonde (et d’embolie pulmonaire) est alors considéré comme suffisamment élevé pour justifier la mise en route d’un traitement anticoagulant à dose curative (i.e. comme pour les thromboses veineuses profondes). À distance de l’épisode thrombotique aigu il faudra envisager une prise en charge phlébologique de la veine variqueuse.
Complications hémorragiques
Rupture d’une ampoule variqueuse, nécessitant une surélévation du membre et une compression locale. Un traitement chirurgical ou par sclérose de la veine est alors en règle générale nécessaire pour prévenir les récidives.
Diagnostic d’insuffisance veineuse chronique
Interrogatoire
Examen physique
À l’issue de cet examen clinique, on est en mesure d’affirmer ou non la présence d’une insuffisance veineuse. Le Doppler continu et l’écho-Doppler couleur (
Il conviendra, bien entendu, de ne pas oublier de palper les pouls et de réaliser un examen neurologique simple des membres inférieurs afin de ne pas méconnaître un diagnostic différentiel ou un facteur aggravant associé.
Examens complémentaires
Doppler continu
Cet examen, moins réalisé de façon isolée de nos jours avec le développement des appareils écho-Doppler, peut être réalisé en même temps que l’examen clinique. Il permet de mettre en évidence un reflux veineux pathologique (par insuffisance valvulaire ou ostiale), une incontinence au niveau des perforantes et une possible obstruction.Écho-Doppler veineux
Cet examen représente la méthode de choix pour diagnostiquer un reflux veineux ou mettre en évidence un syndrome obstructif. Il se pratique initialement en décubitus dorsal pour l’exploration morphologique, à la recherche d’une avalvulation profonde, de séquelles post-thrombotiques ou de malformations veineuses, puis en position debout, sur l’escabeau de phlébologie, pour l’exploration hémodynamique du réseau veineux superficiel, sans oublier les jonctions saphéno-fémorale, saphéno-poplitée et les veines perforantes. Il confirmera le diagnostic de varice, permettra de mesurer les diamètres veineux et de rechercher un reflux pathologique (par insuffisance valvulaire ostiale ou tronculaire) et une incontinence de veine perforante. Ainsi, de manière générale, une veine est dite incontinente si elle présente un reflux supérieur à 0,5 seconde au niveau de la grande ou de la petite veine saphène. Cet examen permet la réalisation d’une cartographie veineuse précise répertoriant l’état morphologique et hémodynamique du patient afin de guider la thérapeutique.Traitement de l’insuffisance veineuse chronique
Principes du traitement
Règles hygiéno-diététiques
Le respect de certaines règles simples d’hygiène de vie ayant pour objectif de favoriser le retour veineux est fondamental en matière d’insuffisance veineuse chronique, et il est indispensable de bien les expliquer au patient : lutte contre la sédentarité et le piétinement, éviter la station debout immobile prolongée, la position assise jambes pendantes et/ou croisées, réduire toute surcharge pondérale, marche régulière en déroulant le pas, éviter l’exposition prolongée à la chaleur et le chauffage par le sol, surélever les pieds, notamment la nuit pour assurer un drainage postural, et bien sûr porter des bas de compression élastique dès le lever.Compression élastique
La compression élastique présente de multiples effets bénéfiques sur l’insuffisance veineuse chronique et agit à plusieurs niveaux en exerçant une pression tissulaire continue au repos et lors de l’effort musculaire : elle réduit la dilatation des veines et augmente ainsi le débit sanguin ; elle diminue le volume du membre avec un effet anti-œdémateux en augmentant la pression interstitielle, ce qui diminue l’augmentation de filtration capillaire liée à l’hyperpression veineuse ; elle améliore l’efficacité de la pompe musculaire du mollet lors de la marche. Les bandes et les bas de compression élastique constituent la pierre angulaire efficace et indispensable de la prise en charge de l’insuffisance veineuse chronique.Il existe 4 classes de compression, classées de façon croissante en fonction de la pression exercée au niveau de la cheville :
- compression faible, classe I (10-15 mmHg), prévention des thromboses veineuses profondes et de l'insuffisance veineuse chronique fonctionnelle ;
- compression moyenne, classe II (15-20 mmHg) : varices, thrombose veineuse profonde ;
- compression forte, classe III (20-36 mmHg) : thrombose veineuse profonde, syndrome post-thrombotique ;
- compression très forte, classe IV (36-49 mmHg) : insuffisance lymphatique.
Traitements spécifiques
Maladie variqueuse
En présence de varices, l’objectif de prévention primaire est d’éviter la survenue d’une insuffisance veineuse chronique. En prévention secondaire, on essaie de diminuer ou d’éviter l’aggravation des signes d’insuffisance veineuse chronique. Les traitements spécifiques aux varices sont :– la sclérose (injection d’un produit sclérosant pour traiter des varices ou en complément d’un éveinage) ;
– l’écho-sclérose à la mousse et le laser endovasculaire (tous deux permettant de traiter même des varices systématisées) ;
– la phlébectomie ambulatoire au crochet, ou chirurgie classique (éveinage par stripping de varices systématisées).
Le principe commun est l’exclusion du tronc veineux variqueux. Avant tout traitement de ce type, il est indispensable d’avoir réalisé un examen écho-Doppler exhaustif analysant la continence des réseaux veineux superficiels, profonds mais aussi des perforantes. Il conviendra aussi de bien peser l’indication d’un éveinage saphène, surtout chez un patient à risque cardiovasculaire dont les saphènes pourraient servir pour un éventuel pontage. Enfin, une veine vicariante qui assure la suppléance du drainage veineux en cas d’occlusion des troncs veineux profonds est une contre-indication à ces traitements qui aggraveraient l’obstacle au drainage.
Dans les cas plus rares d’avalvulation, des techniques chirurgicales de reconstruction valvulaire ont été développées mais sont pour l’heure réservées à des équipes très spécialisées.
Maladie post-thrombotique
Son traitement repose principalement, d’un point de vue préventif, sur le respect d’une anticoagulation efficace et, de façon désormais moins consensuelle, sur le port d’une compression élastique.En présence d’un syndrome post-thrombotique avéré, l’attitude thérapeutique la plus courante comme pour toute insuffisance veineuse est le port d’une compression élastique en n’hésitant pas à adapter le traitement à la réponse clinique (i.e. augmenter la force de compression en cas de réponse clinique insuffisante). Des thérapeutiques endovasculaires pour traiter les syndromes obstructifs proximaux sont à l’heure actuelle en cours de développement et d’évaluation.
Insuffisance veineuse fonctionnelle
Le traitement d'appoint spécifique repose sur la kinésithérapie afin de lutter contre l'ankylose de la cheville, à remuscler le mollet, avec si besoin une aide diététique en cas de dénutrition associée.Autres traitements
Veinotoniques
Ces molécules sont réputées pour avoir notamment un effet hémodynamique et anti-inflammatoire veineux. Leur utilisation doit être limitée à la prise en charge des symptômes fonctionnels de l’insuffisance veineuse chronique, et ce de façon discontinue par cures de courtes périodes. On ne doit pas associer deux veinotoniques entre eux, et ces traitements ne dispensent pas du port de la compression.Crénothérapie
Certaines stations thermales sont agréées pour la prise en charge notamment d’insuffisance veineuse chronique sévères avec troubles trophiques, mais elles restent d’indication rare.•Insuffisance veineuse chronique. Varices
L’Insuffisance veineuse chronique est une affection fréquente, consécutive à une stase veineuse.
L’étiologie de l’insuffisance veineuse chronique peut être fonctionnelle, post-thrombotique ou secondaire à une maladie variqueuse.
L’examen clinique se fait patient en position debout dans un endroit bien éclairé.
Une présentation clinique caractéristique est suffisante pour poser un diagnostic positif. L’écho-Doppler veineux des membres inférieurs permet de confirmer le diagnostic clinique d’insuffisance veineuse chronique (en cas de présentation atypique) et d’en préciser le mécanisme pour guider le traitement via la réalisation d’une cartographie veineuse.
L’ulcère variqueux est le stade ultime des complications cutanées de l’insuffisance veineuse chronique.
Le traitement de l'insuffisance veineuse chronique repose sur le port d'une compression élastique complété des règles d’hygiène de vie associées ou non à des mesures spécifiques traitant le mécanisme de l’insuffisance veineuse chronique.
Message de l'auteur
Le cas clinique le plus classique serait un dossier de thrombose veineuse profonde se compliquant à distance d’une maladie post-phlébitique et d’un ulcère dont il faudrait discuter et argumenter le diagnostic (veineux) et la prise en charge (ambulatoire, contention, etc.). En dehors de ce type de cas clinique, les principales questions susceptibles d’être posées sur le thème de l’insuffisance veineuse et les varices concerneraient un diagnostic différentiel de claudication des membres inférieurs, un dossier de démarche diagnostique devant un ulcère des membres inférieurs.