L’interaction entre certains médicaments et le pamplemousse est connue depuis longtemps, mais quels sont les dangers en réalité ? À partir de quelle quantité de pamplemousse y a-t-il des interactions ? Quels sont les patients les plus à risque ? Quelles ressources pour connaître les médicaments concernés ?

Environ 40 % des Français consomment du pamplemousse, dont 30 % chaque semaine et 79 % au moins une fois par mois. La question des interactions entre ce fruit et certains médicaments n’est donc pas anecdotique.

En cause, les furocoumarines : ces composants neutralisent le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4), qui joue un rôle essentiel dans la dégradation et l’élimination de certains médicaments. Le passage dans le sang de ces derniers s’en trouve fortement augmenté.

Les furocoumarines sont contenues dans le pamplemousse, surtout dans la partie blanche sous l’écorce, mais aussi dans d’autres agrumes : oranges amères (bigaradier, orange de Séville), bergamotes, citrons verts.

Les interactions sont possibles avec le fruit frais, le jus (surtout ceux industriels car obtenus par pression totale du pamplemousse, y compris l’écorce et la partie blanche), les confitures ou les écorces confites (les furocoumarines résistent en effet à la cuisson).

À partir de quelle quantité de pamplemousse ?

Définir une dose minimale est difficile car l’intensité des interactions entre le pamplemousse et les médicaments dépend de plusieurs facteurs :

  • la teneur en furocoumarines du fruit ou du jus consommé ;
  • la sensibilité du médicament aux effets du CYP3A4 ;
  • la quantité de CYP3A4 contenue dans les entérocytes et les hépatocytes du patient (forte variabilité individuelle) ;
  • la consommation occasionnelle ou répétée : les toxicités graves concernent essentiellement des patients ayant consommé du pamplemousse de manière quotidienne, pendant plusieurs jours, semaines, voire mois avant la prise médicamenteuse (effet cumulatif) ;
  • la marge thérapeutique du médicament (différence entre sa dose efficace et sa dose toxique).

Attention ! Les effets du pamplemousse se ressentent même s’il est consommé à distance de la prise du médicament.

Quels signes ?

L’augmentation des taux sanguins des substances actives des médicaments concernés, par amélioration de leur passage dans le sang, provoque un surdosage qui se traduit par une augmentation de leurs effets indésirables, voire l’apparition de toxicités parfois graves, par exemple :

  • des torsades de pointe ;
  • des blocs auriculoventriculaires ;
  • des rhabdomyolyses ;
  • une néphrotoxicité ;
  • une myélotoxicité ;
  • une thrombose veineuse.

Quels sont les médicaments concernés ?

Il s’agit de :

  • certains médicaments hypolipémiants : la simvastatine, et dans une moindre mesure, l’atorvastatine ;
  • immunosuppresseurs : ciclosporine, tacrolimus, sirolimus, évérolimus et temsirolimus ;
  • certains médicaments à visée cardiovasculaire : amiodarone, dronédarone, félodipine, nifédipine, ticagrélor ;
  • un gastroprocinétique : cisapride ;
  • un médicament contre le paludisme : halofantrine ;
  • un médicament contre l’infection par le VIH : maraviroc ;
  • un anxiolytique : buspirone ;
  • un antipsychotique : quétiapine ;
  • des médicaments anticoagulants : apixaban, clopidogrel ;
  • un médicament contre les nausées et vomissements : dompéridone ;
  • un anti-inflammatoire : budésonide ;
  • un antidépresseur : sertraline ;
  • certains anticancéreux : régorafénib et olaparib ;
  • certains médicaments contre les troubles de l’érection : avanafil et vardénafil ;
  • un antiépileptique : carbamazépine ;
  • un médicament de la schizophrénie et autres psychoses : lévasidone ;
  • un médicament contre la constipation induite par les opiacés : naloxégol.

Quels sont les patients le plus à risque ?

S’il existe une grande variabilité individuelle, les personnes de 70 ans et plus sont plus exposées à ces interactions : d’une part, ils sont souvent polymédiqués ; d’autre part, ils ont des capacités de compensation moins efficaces.

Quelles ressources ? 

Pour connaître les médicaments concernés, on peut consulter les résumés des caractéristiques du produit (RCP), disponibles sur la base de données publique des médicaments, ou le thésaurus des interactions médicamenteuses de l’ANSM (pages 184-185).

Pour en savoir plus
ANSM. Thésaurus des interactions médicamenteuses (jus de pamplemousse p.184-185). Octobre 2020.
Ministère des Solidarités et de la Santé. Base de données publique des médicaments. 5 juin 2023.
Korsia-Meffre S. Agrumes et médicaments : un cocktail parfois difficile à apprécier.  Vidal 30 juin 2022.
Bailey DG, Dresser G, Arnold JMO. Grapefruit-medication interactions: forbidden fruit or avoidable consequences?  CMAJ 2013;185(4):309-16.
Chen M, Zhou SY, Fabriaga E, et al. Food-drug interactions precipitated by fruit juices other than grapefruit juice: An update review.  J Food Drug Anal 2018;(26)2;S61-71.

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