L’évoquer devant toute symptomatologie neurologique brutale inexpliquée du nourrisson sain.
Le cannabis est une drogue issue d’une variété de chanvre (la plus répandue est le Cannabis sativa), dont le principe actif est le tétrahydrocannabinol ou THC. Il existe sous forme d’herbe ou marijuana (concentrations en THC : 0,5-40 %), de résine ou haschisch (3-40 %) ou d’huile de haschisch (30-60 %). Il est soit inhalé (joints, chicha), soit ingéré (tisanes, space cakes…).
Les effets nocifs de sa consommation, ponctuelle ou chronique, ont été largement étudiés chez l’adulte. Ils sont liés, non seulement au THC, mais également aux produits de combustion (goudrons) et de coupage. La morbidité est à la fois physique (tachycardie, larmoiement, HTA…) et psychique (dépendance, agressivité, perte de mémoire…). De plus, le risque d’accidents mortels de la route est multiplié par 1,8.
Sa banalisation et son accessibilité en font une drogue largement répandue dans le monde, notamment en France, où elle demeure illicite (jusqu’à 30 ans d’emprisonnement, 7 500 000 € d’amende pour trafic ; 1 an et/ou 3 750 € si utilisation personnelle ; convention de 1961). Ce n’est pas le cas dans d’autres pays, comme les États-Unis, où sa consommation, à usage médical ou récréatif, a été légalisée dans de nombreux états. La grande distribution s’est d’ailleurs saisie de cette opportunité pour décliner le cannabis en toutes sortes de produits, notamment certaines douceurs dont le marketing et l’emballage reproduisent des enseignes bien connues des enfants.1
Ainsi, le cannabis est présent dans de nombreux foyers, quelle que soit la classe sociale. En France, on le retrouve essentiellement sous forme de haschisch, de plus en plus concentré en THC depuis les années 2000. Le rapport de l’Inpes de 20102 indique que c’est la drogue illicite la plus utilisée : son usage a plus que doublé depuis 1992. En 2010, un tiers des adultes de 18 à 64 ans déclarent en avoir consommé au cours de leur vie. Entre 26 et 34 ans, ils seraient 64 %.
Ainsi, les pays consommateurs,dont la France, ont vu exploser le nombre d’intoxications accidentelles des enfants, en particulier des nourrissons (figure), tentés de porter à la bouche ce qu’ils trouvent. En 2015, l’Ansm a lancé une alerte nationale afin de sensibiliser aux risques du cannabis laissé à la portée des enfants.3
Parallèlement, la littérature médicale s’est enrichie d’études de cas et de cohortes de sujets intoxiqués. Il s’agit essentiellement de bébés de moins de 2 ans. Le mode de contamination majoritaire est l’ingestion de résine de cannabis au domicile des parents.4 Des articles plus anecdotiques et controversés incriminent également l’inhalation des fumées.
Les équipes soignantes, hospitalières comme libérales, sont de plus en plus confrontées à ce phénomène, et doivent y penser devant toute symptomatologie neurologique brutale chez un nourrisson antérieurement sain.
Les effets nocifs de sa consommation, ponctuelle ou chronique, ont été largement étudiés chez l’adulte. Ils sont liés, non seulement au THC, mais également aux produits de combustion (goudrons) et de coupage. La morbidité est à la fois physique (tachycardie, larmoiement, HTA…) et psychique (dépendance, agressivité, perte de mémoire…). De plus, le risque d’accidents mortels de la route est multiplié par 1,8.
Sa banalisation et son accessibilité en font une drogue largement répandue dans le monde, notamment en France, où elle demeure illicite (jusqu’à 30 ans d’emprisonnement, 7 500 000 € d’amende pour trafic ; 1 an et/ou 3 750 € si utilisation personnelle ; convention de 1961). Ce n’est pas le cas dans d’autres pays, comme les États-Unis, où sa consommation, à usage médical ou récréatif, a été légalisée dans de nombreux états. La grande distribution s’est d’ailleurs saisie de cette opportunité pour décliner le cannabis en toutes sortes de produits, notamment certaines douceurs dont le marketing et l’emballage reproduisent des enseignes bien connues des enfants.1
Ainsi, le cannabis est présent dans de nombreux foyers, quelle que soit la classe sociale. En France, on le retrouve essentiellement sous forme de haschisch, de plus en plus concentré en THC depuis les années 2000. Le rapport de l’Inpes de 20102 indique que c’est la drogue illicite la plus utilisée : son usage a plus que doublé depuis 1992. En 2010, un tiers des adultes de 18 à 64 ans déclarent en avoir consommé au cours de leur vie. Entre 26 et 34 ans, ils seraient 64 %.
Ainsi, les pays consommateurs,dont la France, ont vu exploser le nombre d’intoxications accidentelles des enfants, en particulier des nourrissons (figure), tentés de porter à la bouche ce qu’ils trouvent. En 2015, l’Ansm a lancé une alerte nationale afin de sensibiliser aux risques du cannabis laissé à la portée des enfants.3
Parallèlement, la littérature médicale s’est enrichie d’études de cas et de cohortes de sujets intoxiqués. Il s’agit essentiellement de bébés de moins de 2 ans. Le mode de contamination majoritaire est l’ingestion de résine de cannabis au domicile des parents.4 Des articles plus anecdotiques et controversés incriminent également l’inhalation des fumées.
Les équipes soignantes, hospitalières comme libérales, sont de plus en plus confrontées à ce phénomène, et doivent y penser devant toute symptomatologie neurologique brutale chez un nourrisson antérieurement sain.
Signes cliniques
Les symptômes apparaissent soudainement, dans les 30 minutes à 7 heures après ingestion, et se résolvent spontanément dans les 24 à 48 heures. Ils sont inconstants d’un enfant à l’autre.
Les anomalies neurologiques sont au premier plan. La plus fréquente est la fluctuation de conscience, avec alternance de périodes d’éveil plus ou moins agité et de phases de coma d’une profondeur variable. On peut également observer une hypotonie généralisée, une mydriase ou un myosis bilatéral, des convulsions, des réflexes ostéotendineux vifs et symétriques, un nystagmus, un signe de Babinski bilatéral, une ataxie et des tremblements.
Les symptômes respiratoires sont dominés par la bradypnée, pouvant mener à un arrêt cardiorespiratoire.
Les manifestations cardiovasculaires sont fréquentes : tachycardie ou bradycardie sinusales, hypotension artérielle, voire état de choc.
Autres symptômes : hyperhémie conjonctivale (comme chez l’adulte), vomissements et pâleur. S’y associe fréquemment une dysrégulation thermique (hypo- ou hyperthermie) pouvant orienter, à tort, vers une pathologie infectieuse du système nerveux central. Rarement, l’intoxication est asymptomatique lors de la prise en charge, essentiellement en raison d’une consultation tardive.
Au niveau biologique, une élévation de la glycémie est fréquente. Une hyponatrémie (Na < 130 mmol/L) est plus souvent retrouvée dans les cas d’intoxication sévère avec coma profond. Une acidose métabolique ainsi qu’une insuffisance rénale aiguë sont également possibles.
Les anomalies neurologiques sont au premier plan. La plus fréquente est la fluctuation de conscience, avec alternance de périodes d’éveil plus ou moins agité et de phases de coma d’une profondeur variable. On peut également observer une hypotonie généralisée, une mydriase ou un myosis bilatéral, des convulsions, des réflexes ostéotendineux vifs et symétriques, un nystagmus, un signe de Babinski bilatéral, une ataxie et des tremblements.
Les symptômes respiratoires sont dominés par la bradypnée, pouvant mener à un arrêt cardiorespiratoire.
Les manifestations cardiovasculaires sont fréquentes : tachycardie ou bradycardie sinusales, hypotension artérielle, voire état de choc.
Autres symptômes : hyperhémie conjonctivale (comme chez l’adulte), vomissements et pâleur. S’y associe fréquemment une dysrégulation thermique (hypo- ou hyperthermie) pouvant orienter, à tort, vers une pathologie infectieuse du système nerveux central. Rarement, l’intoxication est asymptomatique lors de la prise en charge, essentiellement en raison d’une consultation tardive.
Au niveau biologique, une élévation de la glycémie est fréquente. Une hyponatrémie (Na < 130 mmol/L) est plus souvent retrouvée dans les cas d’intoxication sévère avec coma profond. Une acidose métabolique ainsi qu’une insuffisance rénale aiguë sont également possibles.
Diagnostic
L’interrogatoire recherche une consommation ponctuelle ou chronique de cannabis chez la personne accompagnante (même si elle n’est avouée que dans la moitié des cas). S’orienter vers une intoxication accidentelle dès le début de la consultation permet d’éviter une prise en charge invasive et potentiellement iatrogène. En effet, devant un coma non fébrile du nourrisson, scanner cérébral et bilan sanguin sont souvent la règle, de même qu’une ponction lombaire et l’administration d’une antibiothérapie parentérale en cas de fièvre.
Le diagnostic de certitude repose sur la détection de cannabinoïdes dans les urines. C’est un examen toxicologique qualitatif généralement rapide (résultats disponibles dans l’heure) qui reste positif jusqu’à 12 jours après ingestion. Le dosage sanguin n’est pas recommandé car le THC, fortement lipophile, se distribue rapidement dans les tissus ; sa négativité n’élimine pas une éventuelle intoxication. La recherche de cannabis dans les cheveux n’est pas un examen de routine, il est réservé à la pratique médico-légale.
Le diagnostic de certitude repose sur la détection de cannabinoïdes dans les urines. C’est un examen toxicologique qualitatif généralement rapide (résultats disponibles dans l’heure) qui reste positif jusqu’à 12 jours après ingestion. Le dosage sanguin n’est pas recommandé car le THC, fortement lipophile, se distribue rapidement dans les tissus ; sa négativité n’élimine pas une éventuelle intoxication. La recherche de cannabis dans les cheveux n’est pas un examen de routine, il est réservé à la pratique médico-légale.
Prise en charge
Elle est double : médicale et sociale.
L’hospitalisation est systématique, soit en réanimation en cas de détresse vitale, soit en service traditionnel. Les soins de support sont mis en place : mesures de protection neurologique (maintien de l’homéostasie : normothermie, normoglycémie, normocapnie/normoxie, favoriser le retour veineux cérébral, éviter les convulsions) en cas de coma, assistance ventilatoire si bradypnée extrême, remplissage(s) vasculaire(s), voire réanimation cardiorespiratoire dans les états de choc. Généralement, le séjour à l’hôpital est court : 24-48 heures.
Toute intoxication aux stupéfiants chez l’enfantimpose la rédaction et l’envoi d’un signalement au procureur de la République, sans délai, dès le diagnostic établi avec certitude ou en cas de forte suspicion. Cet écrit médico-légal a deux objectifs : d’une part, assorti d’une hospitalisation, il protège l’enfant et sa fratrie puisque ce type d’intoxication s’apparente à une négligence lourde ; d’autre part, la consommation de stupéfiant relève d’une enquête et d’une sanction pénale et doit être portée à la connaissance des autorités compétentes.5
L’hospitalisation est systématique, soit en réanimation en cas de détresse vitale, soit en service traditionnel. Les soins de support sont mis en place : mesures de protection neurologique (maintien de l’homéostasie : normothermie, normoglycémie, normocapnie/normoxie, favoriser le retour veineux cérébral, éviter les convulsions) en cas de coma, assistance ventilatoire si bradypnée extrême, remplissage(s) vasculaire(s), voire réanimation cardiorespiratoire dans les états de choc. Généralement, le séjour à l’hôpital est court : 24-48 heures.
Toute intoxication aux stupéfiants chez l’enfantimpose la rédaction et l’envoi d’un signalement au procureur de la République, sans délai, dès le diagnostic établi avec certitude ou en cas de forte suspicion. Cet écrit médico-légal a deux objectifs : d’une part, assorti d’une hospitalisation, il protège l’enfant et sa fratrie puisque ce type d’intoxication s’apparente à une négligence lourde ; d’autre part, la consommation de stupéfiant relève d’une enquête et d’une sanction pénale et doit être portée à la connaissance des autorités compétentes.5
Conclusion
L’intoxication accidentelle au cannabis du nourrisson est en hausse constante depuis une dizaine d’années. Les équipes soignantes doivent y être sensibilisées car ses conséquences médicales et sociales sont graves, voire mortelles.
En France, la vente de produits contenant moins de 0,2 % de THC, du cannabidiol ou du chanvre (prétendument vertueux pour la santé), se développe depuis octobre 2017. Leurs effets ne sont pas encore connus, notamment chez l’enfant. Une vigilance accrue des systèmes de santé face à ce nouvel engouement apparaît donc indispensable.
En France, la vente de produits contenant moins de 0,2 % de THC, du cannabidiol ou du chanvre (prétendument vertueux pour la santé), se développe depuis octobre 2017. Leurs effets ne sont pas encore connus, notamment chez l’enfant. Une vigilance accrue des systèmes de santé face à ce nouvel engouement apparaît donc indispensable.
Encadre
Hausse des intoxications selon une enquête récente
Dans la période 2015-2017, cette nouvelle étude conduite par l’Ansm a mis en évidence, par rapport aux données 2010-2014 :
2,5 fois plus de cas : 194 (sur 33 mois) vs 140 (sur 60 mois)
2 fois plus d’hospitalisation : 140 vs 120
5 fois plus de cas graves : 27 vs 9
Les intoxications surviennent le plus souvent dans un cadre familial, avec une recrudescence au cours de la période estivale et des fêtes de fin d’année.
références
1. MacCoun RJ, Mello MM. Half-Baked -- The retail promotion of marijuana edibles. New Engl J Med 2015;372:989-91.
2. Inpes. Baromètre santé 2010.
3. Ansm. Augmentation des signalements d’into-xications pediatriques au cannabis par ingestion accidentelle. Point d’information. Octobre 2015. https://bit.ly/2BE7dSB
4. Claudet I, Mouvier S, Labadie M, et al.; Marie-Jeanne Study Group. Unintentional Cannabis Intoxication in Toddlers. Pediatrics 2017;140:pii: e20170017.
5. Pélissier F, Claudet I, Pélissier-Alicot AL, Franchitto N. Parental cannabis abuse and accidental intoxications in children: prevention by detecting neglectful situations and at-risk families. Pediatr Emerg Care 2014;30:862-6.
2. Inpes. Baromètre santé 2010.
3. Ansm. Augmentation des signalements d’into-xications pediatriques au cannabis par ingestion accidentelle. Point d’information. Octobre 2015. https://bit.ly/2BE7dSB
4. Claudet I, Mouvier S, Labadie M, et al.; Marie-Jeanne Study Group. Unintentional Cannabis Intoxication in Toddlers. Pediatrics 2017;140:pii: e20170017.
5. Pélissier F, Claudet I, Pélissier-Alicot AL, Franchitto N. Parental cannabis abuse and accidental intoxications in children: prevention by detecting neglectful situations and at-risk families. Pediatr Emerg Care 2014;30:862-6.