L’isotrétinoïne par voie orale – seul traitement curatif de l’acné, indiqué dans les formes moyennes à sévères – fait l’objet d’une surveillance particulière, en raison du risque tératogène, connu et démontré, mais aussi d’un possible risque de troubles psychiatriques. Une vaste étude récente sur plus de 30 000 patients a évalué de façon plus précise les effets neuropsychiatriques de ce médicament.

Le risque de troubles psychiatriques (en particulier dépression et risque suicidaire) en lien avec la prise d’isotrétinoïne a été maintes fois évoqué, sans que des preuves concluantes sur cette association n’aient pu être clairement établies. Les études sont en effet souvent limitées par d’importants biais méthodologiques : petites cohortes ; plus grande sévérité de l’acné (elle-même associée à un plus grand risque psychiatrique) chez les patients traités par cette molécule par rapport à ceux des groupes contrôle…

Pour pallier ces lacunes, une vaste étude observationnelle, qui vient d’être publiée dans le British Journal of Dermatology, a comparé la survenue de troubles neuropsychiatriques sévères dans l’année suivant l’initiation du traitement, dans quatre groupes de patients ayant de l’acné : le premier groupe comprenait 30 866 personnes traitées par isotrétinoïne ; le second, 44 748 personnes traitées par antibiotiques oraux ; le troisième, 108 367 personnes recevant des traitements topiques ; le quatrième, 78 666 personnes ne recevant aucun traitement pour leur acné.

Les données, recueillies entre 2013 et 2019, provenaient de 56 organismes de santé, majoritairement aux États-Unis (91 %, et 9 % en Europe, Amérique latine et Asie-Pacifique), réunissant au total plus de 12 millions de personnes âgées de 12 à 27 ans (âge moyen de prescription du traitement : 18 ans). Les critères de jugement principaux étaient les principaux diagnostics neuropsychiatriques, survenus dans les 12 mois suivant la prescription (ou après la première consultation pour acné, dans le groupe non traité) : anxiété, troubles de l’humeur, troubles psychotiques, dissociatifs, liés au stress, somatoformes et autres troubles mentaux non psychotiques, troubles de la personnalité et du comportement (chez l’adulte), comportementaux et émotionnels (chez l’enfant et l’adolescent), troubles du sommeil et actes auto-agressifs non mortels. Les critères de jugement secondaire incluaient la prescription, dans ce même laps, de médicaments psychotropes, y compris sédatifs et hypnotiques, d’antidépresseurs et d’antipsychotiques.

Les cohortes étaient appariées selon le type d’acné, les comorbidités et les antécédents de troubles mentaux, ainsi que selon l’âge, le sexe et l’ethnicité, afin d’améliorer la comparaison. Il n’y avait, cependant, pas de données sur la durée des traitements ni sur l’observance des patients.

Résultats : un diagnostic d’acné, quelle que soit sa sévérité, était associé à une augmentation du risque de troubles neuropsychiatriques (odds ratio : 1,46 ; IC95% : 1,43-1,50) par rapport à la population générale sans acné, dans l’année suivant le diagnostic. Par ailleurs, les patients sous anti-acnéiques topiques avaient plus de risques de développer des troubles psychiatriques que les patients avec une acné non traitée (OR : 1,16), et les patients sous antibiotiques avaient à leur tour plus de risques que ces derniers (OR : 1,19), suggérant une association entre le degré de sévérité de l’acné – reflété par le traitement – et le risque de troubles psychiatriques.

Quant à la prise d’isotrétinoïne et la survenue de ces troubles, l’analyse a trouvé des OR de 1,06, 0,94 et 0,80 respectivement en comparaison aux groupes contrôles « acné non traitée », « traitements topiques de l’acné » et « antibiotiques oraux ». En d’autres termes, les patients traités par isotrétinoïne avaient, en particulier, un moindre risque de développer des troubles psychiatriques que ceux dont l’acné était traitée par antibiotiques. Comparés aux patients traités par anti-acnéiques topiques, les personnes du groupe isotrétinoïne avaient eu davantage de prescriptions dans l’année pour des médicaments antidépresseurs (OR : 1,16) et une augmentation du risque d’auto-agression (OR : 1,22), mais cette dernière était jugée non significative.

Ces résultats suggèrent que, après ajustement pour la sévérité de l’acné, la prise d’isotrétinoïne ne serait pas associée de façon indépendante à la survenue de troubles psychiatriques à l’échelle de la population. Ils soulignent – concluent les auteurs – la nécessité d’une prise en charge rapide et efficace de l’acné.

Pour en savoir plus

Paljarvi T, McPherson T, Luciano S, et al. Isotretinoin and adverse neuropsychiatric outcomes: retrospective cohort study using routine data.  Br J Dermatol 2022;187(1):64-72.


À lire aussi :


Nobile C. Isotrétinoïne : renforcer la surveillance du traitement.  Rev Prat (en ligne) 6 mai 2021.
Giraud-Kerleroux L, Beylot-Barry M, Chosidow O. Isotrétinoïne par voie orale : un traitement majeur de l’acné.  Rev Prat 2020;70(6);587-93.

Kluger N. Acné : que prescrire en attendant l’avis du dermatologue ? Rev Prat (en ligne) 15 mars 2022.