Pour améliorer la sécurité d’utilisation de l’isotrétinoïne, l’Ansm vient d’établir de nouvelles recommandations. Retour sur les indications, contre-indications et modalités pratiques de renouvellement et de suivi de ce traitement de l’acné sévère.

 

Selon les recommandations de la HAS de 2015, l’isotrétinoïne (Curacné, Procuta, Contracné et Isotrétinoïne Teva, auparavant Roaccutane) est indiquée dans les acnés moyennes (lésions rétentionnelles, papules et pustules sur plus de la moitié du visage) et sévères (lésions rétentionnelles, nombreuses papules et pustules sur l’ensemble de la face, quelques nodules) après échec d’un traitement topique par peroxyde de benzoyle et rétinoïde associé à des antibiotiques oraux (doxycycline ou lymécycline) conduit pendant 3 mois (contre-indications ci-dessous)*. Dans les nouvelles guidelines de l’Académie américaine de dermatologie, cette molécule est également recommandée en cas de détresse psychosociale associée à l’acné. En effet, troubles dépressifs, anxieux et altération de l’image de soi peuvent être améliorés par un traitement efficace de cette dermatose.

Aucune alternative thérapeutique n’a fait la preuve d’une efficacité équivalente dans l’acné sévère (elle est supérieure aux traitements locaux et généraux, y compris les cyclines). C’est la seule thérapeutique curative disponible, compte tenu de son action sur la glande sébacée.
Afin de minimiser le risque de récidive, il est important d’atteindre une dose cumulée entre 120 et 150 mg/kg pendant la cure, correspondant à 4-9 mois de traitement, en fonction de la posologie quotidienne prescrite selon le poids du patient (0,5 à 1 mg/kg). Toutefois, malgré l’application du schéma posologique idéal, les rechutes à l’arrêt sont de l’ordre de 10 à 15 % ; dans ce cas, les patients peuvent bénéficier d’une deuxième cure.

Pour assurer la sécurité d’emploi de l’isotrétinoïne, la surveillance concerne :
– le risque tératogène connu et démontré, qui a justifié la mise en place d’un plan de prévention des grossesses dès 1997 (régulièrement renforcé) et d’une surveillance spécifique ;
– le risque potentiel de troubles psychiatriques (et en particulier un risque suicidaire, qui n’a pas été prouvé).

L’Ansm vient d’élaborer 3 recommandations qui visent à renforcer la sécurité d’utilisation de ce médicament, au moment de l’initiation du traitement et tout au long de son utilisation.

1. Initiation d’un traitement par isotrétinoïne : 2 consultations

Afin de laisser un temps de réflexion au patient, il faut prévoir 2 consultations avant toute initiation de traitement : une première visite permettrait au dermatologue de donner à son patient l’ensemble des informations dont ce dernier a besoin pour décider de débuter, ou non, un traitement par isotrétinoïne (une brochure d’information est remise au patient à cette occasion) ; le cas échéant, la prescription peut avoir lieu lors d’une seconde consultation médicale.

 

2. Prescrire une contraception d’urgence et des préservatifs (remboursés) dans le cas où la patiente serait sous contraception orale (œstro-progestative ou progestative).

Ainsi, la contraception recommandée dans le cadre d’un traitement par isotrétinoïne est :

– soit un dispositif intra-utérin ou un implant progestatif ;

– soit deux (autres) méthodes de contraception complémentaires, telles que contraception orale (œstro-progestative ou progestative) et préservatif.

3. Renforcement du suivi de l’ensemble des patients

Actuellement, seules les jeunes filles et les femmes en âge d’avoir des enfants bénéficient d’une visite médicale mensuelle, qui s’inscrit dans le cadre du plan de prévention des grossesses. Pour rappel, ce dernier prévoit de limiter la prescription d’isotrétinoïne à un mois. Lors des renouvellements mensuels, il faut vérifier que la contraception est poursuivie et que le test de grossesse sanguin est négatif et date de moins de 3 jours. La délivrance du médicament doit avoir lieu au plus tard 7 jours après la prescription et au vu du carnet complété (après l’arrêt du traitement, la contraception est poursuivie jusqu’à 4 semaines et un dernier test de grossesse est réalisé à 5 semaines).

L’Ansm recommande que ces visites mensuelles soient étendues à l’ensemble des patients, y compris les hommes, afin d’assurer une meilleure surveillance des risques liés au traitement.

Il faut notamment rechercher systématiquement des antécédents psychiatriques, traquer la survenue de troubles sous traitement lors des consultations de suivi avec l’aide éventuelle d’un questionnaire (ADRS, TSTS-CAFARD), informer le patient et son entourage de la nécessité de signaler tout changement d’humeur ou de comportement et, le cas échéant, proposer une consultation de psychiatrie et l’arrêt du traitement.

*Contre-indications à l’isotrétinoïne

Absolues :

– grossesse, allaitement ;

– incapacité de comprendre la nécessité d’un suivi régulier pour les femmes ;

– allergie à l’arachide ou au soja ;

– insuffisance hépatique, hyperlipidémie, hypervitaminose A ;

– don de sang, prise de cyclines.

Relatives :

– épilation à la cire (grande fragilité cutanée) ;

– dermabrasion (pendant le traitement et durant les 6 mois suivant son arrêt) ;

– port de lentilles de contact ;

– antécédent de dépression, d’asthme, de diabète, de maladie inflammatoire digestive ;

– perturbation du bilan hépatique et lipidique ;

– prise d’anticomitiaux.

Cinzia Nobile, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus

Le Cleach L, Lebrun-Vignes B, Bachelot A, et al. Guidelines for the management of acne: recommendations from a French multidisciplinary group. Br J Dermatol 2017;177(4):908-13.

Droitcourt C. Isotrétinoïne : bien peser les bénéfices/risques. Rev Prat Med Gen 2019 ;33(1021) ;384-5.

Ansm. Traitement de l’acné sévère : premières recommandations pour améliorer la sécurité d’utilisation de l’isotrétinoïne. 5 mai 2021.