L’allongement à 9 semaines d’aménorrhée de la possibilité de réaliser une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse en ville vient d’être entériné par la publication d’un décret au Journal officiel. La HAS avait déjà édité des recommandations à ce sujet en mars 2021, pérennisant une mesure prise pour garantir le droit des femmes à l’IVG en période pandémique. Quelles sont les nouveautés ? Quel protocole suivre, en pratique ?

 

Les interruptions volontaires de grossesse (IVG) médicamenteuses peuvent donc être réalisées jusqu’à 7 semaines de grossesse, soit 9 semaines d’aménorrhée (SA), par un médecin ou une sage-femme, en cabinet de ville, dans un centre d’éducation et de planning familial (CPEF) ou dans un centre de santé.

Deux autres nouveautés : le recours à la téléconsultation, avec la possibilité dans ce cas de délivrer les médicaments directement à la patiente en pharmacie de ville, et la possibilité pour celle-ci de prendre les médicaments à domicile (suppression de l’obligation de prendre le premier comprimé devant le professionnel de santé prescripteur).

Pour garantir l’accès aux médicaments concernés (mifépristone et misoprostol), l’ANSM a modifié leurs conditions de prescription et délivrance – ils ne sont plus réservés à l’usage professionnel – et établi un cadre de prescription compassionnel pour le misoprostol (en l’absence d’AMM au-delà de 7 SA). Leur prise en charge est assurée à 100 % par l’Assurance maladie, sans avance de frais.

Déroulement des consultations : les recos de la HAS

L’accès doit être simple et rapide : chaque femme doit pouvoir obtenir un rendez-vous dans les 5 jours suivant son appel. Les consultations médicales préalables à l’IVG peuvent se faire en présentiel ou en téléconsultation – à noter que la séquence des consultations reste identique :

– lors de la première consultation :

• délivrance d’informations claires et précises sur la procédure (expulsion, métrorragies, douleurs abdomino-pelviennes…), à l’oral et avec des documents écrits ;

• rappel de la nécessité du contrôle après 2 semaines, en raison d’un risque possible de poursuite de grossesse, et de l’obligation, en cas d’échec et si l’IVG est toujours le choix de la femme, d’avoir recours à une méthode chirurgicale ;

• recherche d’éventuelles violences conjugales afin de pouvoir aider la femme le cas échéant ;

• proposition d’un entretien psychosocial par le médecin ou la sage-femme qui sera réalisé pour les femmes qui le souhaitent (obligatoire pour les mineures) ; il n’existe plus de délai de réflexion minimal entre les deux consultations, sauf en cas d’entretien psychosocial (à la suite duquel la femme a un délai de réflexion de 48 heures avant de remettre son consentement).

– lors de la deuxième consultation :

• signature du consentement par la patiente ;

• possibilité d’aborder le mode de contraception ultérieure ;

• programmation de la visite de suivi, entre le 14e et le 21e jour pour s’assurer de l’arrêt de la grossesse.

Quel protocole médicamenteux ?

La mifépristone et le misoprostol sont délivrés à la femme par le professionnel en présentiel, ou par la pharmacie d’officine en cas de téléconsultation. Deux protocoles sont possibles, au choix, jusqu’à 7 SA, et un seul entre 7 et 9 SA (v. figure ci-dessous).

En cas de téléconsultation, les modalités de prescription suivantes doivent être respectées :

– indiquer sur l’ordonnance le nom de l’établissement de santé, public ou privé, avec lequel a été conclue une convention (conformément à l’article R. 2212-9 du Code de la santé publique) et la date de cette convention ;

– transmettre l’ordonnance par messagerie sécurisée à la pharmacie d’officine désignée préalablement par la femme ;

– la délivrance des médicaments à la patiente est réalisée de manière à garantir la confidentialité et, le cas échéant, la préservation de l’anonymat de l’intéressée.

Lorsque les médicaments sont pris à domicile, la HAS recommande les précautions suivantes :

• évaluer la possibilité pour la patiente de gagner ou de joindre rapidement 24h/24 un établissement de santé qui puisse prendre en charge les complications de l’IVG (il est recommandé que la femme ne soit pas seule à son domicile lors de l’expulsion ; si les conditions de sécurité ne sont pas réunies – isolement géographique ou social –, privilégier l’hospitalisation ou une alternative à l’hospitalisation) ;

• délivrer à la patiente les informations sur la conduite à tenir en cas de survenue d’effets indésirables (hémorragies, douleur), avec support écrit comportant les références de l’établissement à consulter (lui remettre une fiche de liaison 6 contenant les éléments essentiels de son dossier médical, destinée au médecin de l’établissement médical) ;

• prescrire systématique des antalgiques de palier 1 (ibuprofène à dose antalgique) et 2 (paracétamol associé à l’opium, la codéine) ;

• un arrêt de travail peut être également envisagé ;

• rappeler la nécessité de la visite de suivi pour vérifier la vacuité utérine, 14 à 21 jours après l’IVG ;

• prévenir l’iso-immunisation rhésus chez les femmes rhésus négatif par une injection de 200 µg d’immunoglobulines anti-D par voie intraveineuse ou intramusculaire au plus tard dans les 72 heures qui suivent les saignements.

IVG

Si la patiente choisit de débuter une contraception hormonale, elle doit être commencée le jour de la prise de prostaglandine (misoprostol) ou au plus tard dans les 48 heures suivantes. Si le choix se porte sur un dispositif intra-utérin, il peut être mis en place lors de la visite de suivi, uniquement en cas de preuve de la vacuité utérine.

Finalement, en ce qui concerne l’IVG chirurgicale, l’Assemblée nationale vient d’approuver définitivement l’extension du délai à 16 SA (14 semaines de grossesse) ; une mesure qui n’est pas dénuée de controverse, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) ayant souligné notamment le plus grand risque de complications associées (changement de la nature du geste) et la nécessité de privilégier avant tout la mise à disposition de moyens pour permettre aux professionnels et aux établissements une prise en charge rapide des patientes afin d’éviter les dépassements des délais. À noter que cette loi ouvre aussi la possibilité aux sage-femmes de réaliser les IVG chirurgicales et propose de renforcer les sanctions contre les pharmaciens refusant de délivrer la contraception d'urgence. 

LMA, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

HAS. Interruption volontaire de grossesse par méthode médicamenteuse – Mise à jour. 12 avril 2021.

ANSM. IVG médicamenteuse : maintien de la possibilité de les réaliser jusqu’à la 7e semaine de grossesse en dehors d’un établissement de santé. 22 février 2022.

Paitraud D. IVG médicamenteuse en ville : allongement de la période autorisée et modification des règles de délivrance.Vidal 1er mars 2022.

CNGOF. IVG entre 14 et 16 SA. Communiqué du Conseil d’administration du CNGOF adopté à l’unanimité.