L’un des sujets pour lequel le jeune médecin généraliste sortant de l’internat (l’ajout d’une année fera-t-il une différence majeure ?) n’est jamais prêt est la dimension psychologique de la prise en charge du patient. Connaître le fameux et lapidaire item de feu le concours de l’internat, ou de son encore jeune padawan l’ECN, « Psychothérapie de soutien », que l’on pouvait caser dans presque tous les cas cliniques pour éviter le « Pas Mis Zéro » (référence aux étudiants des années 1990 avant la réapparition des QCM et QROC) n’est pas ce qu’on peut considérer comme une préparation suffisante !
En effet, les motifs « psy » sont extrêmement fréquents dans nos consultations. Du terrain anxieux accessible à la réassurance jusqu’à la dépression profonde, en passant par la simple demande de conseils sur une période difficile de vie (problème de couple, surmenage parental ou professionnel, conflits avec collègues ou proches…), le médecin généraliste se sent parfois comme le responsable de la rubrique « courrier des lecteurs » de certains magazines !
Les difficultés liées à cet aspect du métier sont évidemment nombreuses.
Tout d’abord, on ne peut que se sentir démuni devant un patient qui se met à pleurer avant même d’avoir émis un mot… Il est alors difficile de laisser le temps et le « blanc » nécessaire pour que le patient puisse vider son sac.
Tous les patients ne suscitent pas le même degré d’empathie pour le médecin : problématiques parfois trop similaires ou au contraire trop éloignées de ce qu’on a soi-même vécu, personnalité de chacun, lien avec le patient et ce que l’on connaît – ou pas – de son histoire et de ses proches…
L’importance de ne pas interrompre trop vite le patient, les techniques d’écoute active, de reformulation ne sont pas enseignées et sont, de toute façon, difficiles à théoriser et à transmettre.
Le patient a lui aussi ses limites, ses barricades, au-delà desquelles il ne nous permet pas d’aller.
Les nombreux symptômes physiques d’allure psychosomatique, parfois de façon évidente et parfois moins, viennent biaiser la prise en charge, avec des examens complémentaires pas toujours utiles (pour rassurer le patient ou pour rassurer le docteur ?). La phrase qu’on a tous dite et aussitôt regrettée, « C’est dans la tête », brise instantanément le lien qu’on avait réussi à établir.
Et puis, le manque de temps pour ouvrir des portes à la discussion, la consultation de seuil (le motif amené en toute fin de consultation)… la liste des difficultés est sans fin.
De même, la prise en charge est complexe (c’est peut-être vous qui aurez besoin de soutien psychologique à la fin de la lecture de cette rubrique… !) :
- fossé entre les recommandations qui déconseillent certaines prescriptions (benzodiazépines et somnifères) et la nécessité d’un soulagement rapide dans certains cas (crises d’angoisse, idées suicidaires…) ;
- nécessité d’un arrêt de travail, d’abord refusé par le patient, puis invalidé par la CPAM dès qu’il dure plus de 3 mois ;
- difficultés d’accès au suivi spécialisé (manque de psychiatres, dépassements d’honoraires, psychologues non pris en charge [ou trop peu], connotation sociétale négative…).
Une aide dans la prise en charge peut être apportée par des méthodes moins cartésiennes et non enseignées : homéopathie, phytothérapie… Afin d’éviter au maximum la prescription de psychotropes, l’effet placebo devient le meilleur ami du médecin généraliste et un moyen d’action fort utile, dans les situations qui le permettent.
En conclusion, l’élément majeur sans lequel cette « psychothérapie de soutien » ne peut se faire est le temps accordé au patient et à son écoute, et donc une durée plus longue de consultation. Et cela ouvre évidemment la question de la rémunération à l’acte !
La suite dans un futur volet de cette rubrique…